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Racisme

Durban : compromis final

Après avoir prolongé de près de 24 heures la conférence de Durban, les délégués sont finalement parvenus à un texte de compromis grâce à l'intervention de la diplomatie européenne.
De notre correspondante en Afrique du Sud

« Quelque chose est arrivé »à C'est sur ces mots de Nkosazana Zuma, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, que la Conférence mondiale des Nations Unies contre le racisme s'est close, samedi soir, avec une bonne journée de retard. L'Afrique du Sud, pays hôte, aura finalement réussi à sauver cette semaine de grand-messe onusienne. Des compromis ont été trouvés, in extremis, à la satisfaction presque générale. Du point de vue diplomatique, ces consensus consacrent surtout la puissance de l'Union européenne (UE).

Sur les deux grands contentieux de Durban, en effet, le Moyen-Orient et les réparations demandées pour l'esclavage et le colonialisme, les Européens n'ont pas cédé. N'hésitant pas à prolonger son séjour de six jours, Louis Michel, le ministre belge des Affaires étrangères et chef de la délégation européenne, s'est montré inflexible. Après le départ fracassant des Etats-Unis et d'Israël, le 3 septembre, il a refusé que les accusations de «génocide» et «d'apartheid» portées par le forum des ONG de Durban contre Israël ne transparaissent, même sous une forme de condamnation atténuée, dans le texte de la déclaration finale.

L'Europe a négocié un donnant-donnant

A Durban, l'Europe a adopté une stratégie de donnant-donnant. Elle a accordé aux Africains la reconnaissance de l'esclavage et du colonialisme comme un «crime contre l'humanité», en contrepartie de leur neutralité sur le dossier du Proche-Orient. Il s'en est fallu de bien peu, cependant, pour que «l'intifada diplomatique» menée par la Syrie ne fasse tout échouer. Damas avait donné son aval, samedi matin, à un compromis reconnaissant à la fois «le droit à l'autodétermination du peuple palestinien » et « le droit à la sécurité de tous les Etats de la région, y compris Israël». Farouk Al-Shareh, le ministre syrien des Affaires étrangères, n'en est pas moins revenu à la charge l'après-midi, pour proposer en séance plénière une assimilation de toute «occupation étrangère» à du racismeà Le Brésil a volé à la rescousse des Européens, en obtenant que tous les amendements n'ayant pas fait l'objet d'un consensus soient purement et simplement abandonnés.

Sur la question des réparations dues au titre de l'esclavage et du colonialisme, l'avancée réalisée a été qualifiée «d'historique» par le Sénégalais Alioune Tine, secrétaire générale de Rencontre africaine des droits de l'homme (Raddho) et coordinateur des ONG africaines à Durban. La Conférence a expressément en effet, que «l'esclavage et le commerce des esclaves, y compris le commerce transatlantique, ont été des tragédies épouvantables dans l'histoire de l'humanité, que ces pratiques constituent un crime contre l'humanité et auraient toujours dû être considérées comme telles». C'est une grande victoire pour les Africains et les Africains-Américains, même si la déclaration finale ne présente pas les «excuses» formelles des anciennes puissances coloniales. Ces dernières se sont contentées de «remords» et de «regrets» afin d'éviter de donner le moindre fondement juridique à toute velléité de plainte. Le terme de «réparations» est lui aussi absent, remplacé par un appel à une aide accrue aux pays en développement.

Dans son programme d'action adopté parallèlement à sa déclaration finale, la conférence «note que certains Etats ont pris l'initiative de présenter des excuses et ont payé des compensations, dans les cas appropriés, pour les violations graves et massives commises». Un constat qui n'engage à rien, bien qu'il soit accompagné par la «nécessité reconnue d'élaborer des programmes pour le développement économique et social des sociétés (africaines victimes de l'esclavage) et de la Diaspora dans le cadre d'un nouveau partenariat basé sur un esprit de solidarité et du respect réciproque.» Quelle que soit la portée de ces bonnes intentions, les militants de la cause des réparations ne manqueront pas, notamment dans les pays de droit anglo-saxon, d'exploiter la reconnaissance du «crime contre l'humanité» pour plaider en faveur de dédommagements financiers.



par A Durban, Sabine  Cessou

Article publié le 10/09/2001