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Racisme

Difficile conclusion

La séance plénière de clôture de la Conférence contre le racisme de l'ONU à Durban a été interrompue samedi après-midi en raison de divergences sur un article liant la colonisation au racisme. Auparavant un terrain d'entente avait été trouvé sur l'esclavagisme, tandis qu'un nouveau blocage sur le Proche-Orient avait repoussé l'adoption d'un accord global.
De notre envoyée spéciale à Durban

«Tout ce qui a été dit, hurlé, c'est déjà une réussite. J'ai rencontré à Durban un état d'esprit cosmique». Bien qu'il n'ait pas caché sa fatigue et sa déception, hier soir, le ministre belge des Affaires étrangères Louis Michel, chef de la délégation européenne, n'a pas voulu enterrer pour autant la conférence de Durban. Les négociations achoppaient toujours, à la fin de la journée de clôture, sur les épineuses questions des réparations au titre de l'esclavage et du colonialisme, de même que sur Israël et la Palestine. Des tractations qui se sont poursuivies jusque tard dans la nuit de vendredi à samedi, entre les groupes européens, africains et arabes, rien n'a filtré. Les rumeurs allaient cependant bon train, contradictoires, sur des «excuses», des «remords» ou des «regrets» que les pays ayant organisé ou bénéficié de la traite négrière accepteraient ou non de présenter à l'Afrique et à sa diaspora.

Le volte-face d'Abdoulaye Wade

Politisée à l'extrême, la Conférence mondiale des Nations unies contre le racisme aura surtout révélé la profondeur, quarante ans après les premières indépendances africaines, des antagonismes Nord-Sud et des complexes respectifs de colonisateur et de colonisé. «J'aime l'Afrique et les Africains», n'a pas pu s'empêcher de déclarer Louis Michel à la fin de la conférence, tout en se défendant de tout «paternalisme». Les ONG africaines, elles, ont fait pression jusqu'au bout pour que leurs gouvernements ne cèdent pas sur la question des «injustices du passé». L'objectif : obtenir, outre des excuses symboliques, une qualification de l'esclavage et du colonialisme comme crime contre l'humanitéà Si les Africains présents se sont réjouis de cette unanime fermeté, certains ont regretté le volte-face d'Abdoulaye Wade, le chef de l'Etat sénégalais. Ce dernier a en effet rejeté toute idée de réparations au début de la conférence, contrairement à l'accord auquel était parvenu à Dakar, en janvier dernier, une réunion préparatoire sur la question.

Sans tambours ni trompettes, la conférence s'achève dans la lassitude et la frustration. Des centaines de délégués d'ONG venus à leur frais sont repartis les bras chargés d'objets artisanaux vendus aux abords du centre de conférence, mais sans savoir si leur voix avait bien porté. «Durban est un prolongement de Seattle», a commenté le député européen Fodé Sylla, par ailleurs président de la Fédération internationale de SOS Racisme. «Partout, de nouvelles formes d'expression s'opposent à la globalisation, a-t-il ajouté, et les ONG sont tentées d'utiliser ce créneau pour se faire entendre, ce qui les déporte de leur rôle initial»à

Tour de Babel où tous n'ont fait que parler, les uns toujours plus fort que les autres, la conférence de Durban n'aura tout de même pas été en vain. Miroir de l'état des rapports de forces internationaux, cette longue semaine contre le racisme et la xénophobie aura aussi révélé un profond malaise du côté de la société civile. Le forum des ONG s'est clos dans la plus totale confusion, sans que ses participants n'aient compris la procédure qui a abouti à la publication de sa déclaration finale. L'accusation de «génocide» que ce document a formulée contre Israël a largement contribué à la politisation de la conférence, au détriment de son objectif même : la lutte contre le racisme.






par A Durban, Sabine  Cessou

Article publié le 08/09/2001