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Racisme

Après le départ d'Israël et des Américains...

Après le retrait lundi soir des délégations d'Israël et des Etats-Unis, Européens, Africains et Arabes se sont attelés à la rédaction d'un nouveau texte de compromis.
Malgré le retrait de la délégation américaine, aussitôt suivi d'une décision similaire de celle d'Israël, la conférence de Durban s'est poursuivie en leur absence. Mais ce départ, à vrai dire largement attendu, a cependant modifié la tonalité des débats. L'Union européenne, en particulier, a justifié son maintien par le souci de parvenir à un consensus. Le Canada, traditionnellement plus proche des Etats-Unis, a adopté une semblable position.

Le retrait américain, c'est vrai, est tout sauf une surprise. Après avoir jusqu'au bout maintenu le suspense sur leur participation, les Etats-Unis ont envoyé une délégation réduite conduite par un haut fonctionnaire, le secrétaire d'Etat ayant renoncé (ou ayant été empêché ?) in extremis à se rendre à Durban. Israël avait pris la même attitude. Après la publication du texte des ONG évoquant un «génocide» des Palestiniens par Israël, le ton était monté. Le document de travail officiel de la conférence, très critique envers l'Etat hébreu mais n'utilisant pas ces termes, était également jugé «haineux» envers Israël par les délégués américains. Comme on avait pu le pressentir lors des travaux préparatoires à Genève, c'est bien la question du Proche Orient qui a cristallisé les oppositions à Durban.

En quittant la conférence, les Etats-Unis entendent retirer toute légitimité à ses éventuelles décisions, les assimilant par avance au vote de l'Assemblée générale assimilant en 1979 sionisme et racisme, mais abrogé par un autre vote quelques années plus tard. En un sens, George W. Bush, qui avait averti qu'il ne laisserait pas la conférence mettre en accusation son allié israélien, a tenu parole et ne peut être accusé d'avoir trompé l'opinion.

Un texte entièrement neuf

Mais la politique de la chaise vide décidée par Washington pour le compte d'Israël illustre une fois de plus son isolement international. Ses alliés n'ont pas suivi. Certes, cette décision de George Bush a toute chance d'emporter l'adhésion de nombreux Américains qui n'ont pas voté pour lui, à l'exception probable d'une part importante de la communauté noire. Quelle que soit la raison invoquée par l'administration Bush, il n'en reste pas moins que c'est la troisième conférence internationale sur le racisme que boycottent les Américains, après celles de 1978 et 1983. Du coup, Washington s'interdit de peser dans l'autre débat controversé, celui qui porte sur les réparations éventuellement dues aux descendants des esclaves africains.

Si les pays arabes se sont bruyamment réjouis du départ des Israéliens, certains critiquant ouvertement l'alignement de Washington sur les positions israéliennes, tel n'est pas du tout le sentiment des Européens, qui veulent remettre la conférence sur les rails. La France, tirant les leçons de la crise, a réclamé ce mardi l'abandon des «propositions inacceptables» risquant de faire échouer la réunion qui doit se «recentrer» sur la lutte contre le racisme. Nombre de délégués africains regrettent aussi que la question du Proche Orient ait en quelque sorte «kidnappé» la conférence de Durban. Aussi, plutôt que de retoucher le texte controversé, l'Afrique du Sud, pays-hôte de la conférence, a proposé la rédaction d'un texte entièrement neuf avec les Européens qui serait susceptible de recueillir le consensus. Les tractations ont donc repris entre Africains, Européens et Arabes afin de parvenir à un texte acceptable par tous.

Ce sera difficile, mais dans sa déclaration confirmant le retrait américain, Colin Powell lui-même ne la jugeait pas impossible en se refusant à parler de l'échec de la conférence, se contentant de souhaiter, en termes très diplomatiques, que «tout cela ait pu se terminer par davantage de réussite».



par Olivier  Da Lage

Article publié le 04/09/2001