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Racisme

Controverses au menu de Durban

La Conférence des Nations unies sur le racisme qui s'ouvre ce vendredi à Durban s'annonce agitée. En préambule des travaux officiels, la conférence des ONG a donné le ton des différentes polémiques qui vont être au c£ur des débats.
De notre correspondante en Afrique du Sud

Don Scott fait partie des 13 000 délégués étrangers, pour la majorité américains, à avoir fait le voyage jusqu'à Durban. Cet Africain-Américain représente une organisation non gouvernementale (ONG) qui s'oppose à la peine de mort aux Etats-Unis. Mais il est surtout là pour renouer, au pays de Nelson Mandela, avec ses racines africaines et voir avancer «la» grande question de la conférence, celle des réparations réclamées au titre de l'esclavage. «Je ne me fais guère d'illusions sur les résultats que nous obtiendrons», affirme-t-il cependant, sceptique, au terme de deux jours d'un forum des ONG qui a précédé l'ouverture officielle, ce vendredi, de la Conférence mondiale des Nations unies contre le racisme.

Les débats préliminaires des ONG ont essentiellement tourné autour de la nécessité de reconnaître la traite négrière comme un crime contre l'humanité et d'obtenir des réparations pour les victimes. L'absence annoncée de tout représentant officiel des Etats-Unis a été ressentie ici comme un camouflet. Dans le stade du centre-ville de Durban qui a accueilli des milliers de délégués sous de vastes tentes, une caricature improvisée a raillé Colin Powell. Le Secrétaire d'Etat américain y a été montré tout penaud, une bulle lui faisant dire «le patron dans la grande maison a pas voulu que je vienne...»

La question des réparations pour la traite négrière sera abordée

Pour Fodé Sylla, député européen et représentant de la Fédération internationale de l'association française SOS Racisme, la conférence est aussi importante pour la question de l'esclavage que pour «la reconnaissance internationale de l'Afrique comme un continent victime de la globalisation, après 350 ans de colonialisme et de néo-colonialisme». Trouver une forme de compensation en annulant la dette des pays africains serait un «bon prolongement des manifestations anti-mondialisation de Gênes», affirme-t-il.

Beaucoup, parmi les délégués présents, ont regretté que la conférence ait été «prise en otage» par le conflit israélo-palestinien. Des débats ont tourné à la foire d'empoigne entre Juifs et Palestiniens pendant le forum des ONG. Le Syndicat des avocats arabes (ALU) s'est forgé une réputation douteuse en distribuant des brochures juxtaposant la croix gammée des nazis à l'étoile de Davidà Irritée, la secrétaire générale de la conférence, Mary Robinson, par ailleurs Haut Commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, s'est déclarée «juive» un peu à la manière d'un John Kennedy se déclarant «berlinois». Point culminant d'un échange impossible: la manifestation de la délégation palestinienne, hier, qui scandait des slogans contre Israël face à un groupe de jeunes juifs tendant des fleurs et chantant «nous voulons le dialogue». Diane Sheinberg, une jeune française représentant l'Union européenne des étudiants juifs (UEJS), ne cache pas sa frustration. «Nous sommes tout le temps sur la défensive, dit-elle, il n'y a pas moyen de parler d'antisémitisme dans cette conférence, qui tourne autour d'un problème politique au lieu de se préoccuper des droits de l'homme».

Très organisés, les défenseurs de la cause des intouchables en Inde sont les seuls à avoir fait passer leur message, sur T-shirts, pins et posters. Quant aux représentants du Tibet, de diverses minorités ethniques allant des femmes soudanaises aux Africains-Américains de Kalamazoo, une petite ville du Michigan, ils auront surtout fait acte de présence. Kofi Annan, dans son discours de clôture du forum des ONG, a tenté de réconforter tout le monde. Il a souligné l'émergence de nouveaux mouvements mondiaux en faveur des gitans, des Américains d'origine africaine, des travailleurs immigrés et des malades du sida, et espéré que la «colère» de tous ceux dont la déclaration finale de la conférence ne parlera pas soit «canalisée dans des mouvements anti-racistes à travers le monde».



par A Durban, Sabine  Cessou

Article publié le 31/08/2001