Racisme
De l'antisémitisme à la judéophobie
La résurgence d'actes antisémites en France depuis 15 mois suscite l'inquiétude des communautés juive et arabe. Elles s'inquiètent à la fois de ces actes, et des interprétations auxquels ils donnent lieu.
Depuis la reprise du conflit israélo-palestinien en octobre 2000, les actes d’agression à l’encontre de la communauté juive se sont multipliés.
Le rapport 2000 de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme portant sur la xénophobie recense plus de 116 actes antisémites contre neuf l’année précédente. Des chiffres en baisse pour l’année 2001, selon le ministère de l’Intérieur.
Pour Jean Kahn, président du Consistoire central israélite de France, «cette vague d’actes antisémites est différente du vieil antisémitisme de l’affaire Dreyfus». Les organisations communautaires et celles qui luttent contre le racisme en France sont certes quasiment unanimes sur la nécessité de distinguer les actes antisémites actuels de l’antisémitisme institutionnalisé du début du XXème siècle. En revanche, la polémique porte sur la nature de ce nouvel antisémitisme. De son côté, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Roger Cukierman estime que «les actes antijuifs commis depuis plus d’un an sont très clairement localisés là où les communautés juive et maghrébine se côtoient».
La communauté juive se sent ainsi victime de l'amalgame qui tend à confondre les Français de confession juive et les Israéliens, transformant les premiers en partisans naturels de la politique du Premier ministre israélien Ariel Sharon.
Cet amalgame en côtoie logiquement un autre. Nombre de militants juifs ont constaté qu’il se produit un transfert du conflit israélo-palestinien sur le sol français. Ce glissement amène naturellement les jeunes «beurs», et plus encore les banlieusards en manque de modèles, à s’identifier aux Palestiniens, voire à leurs martyrs. Les Franco-Maghrébins sont ainsi les premiers montrés du doigt pour les exactions antisémites. Ce qui fait craindre à une partie de la communauté arabe, d'être elle aussi victime de cet amalgame.
«La judéophobie n’est pas fondée sur la théorie des races»
Et l’inquiétude qui monte dans la communauté juive échauffe les esprits. Le 13 janvier, à Créteil (banlieue parisienne), la communauté juive de la ville se réunit pour protester contre les agressions commises sur une école juive et une synagogue de la ville le 31 décembre.
Pourtant, lorsque Laurent Cathala, maire PS de Créteil, déclare: «Je suis un ami d’Israël, même si je suis contre Sharon», les éléments les plus à droite de l’assemblée lui répondent: «Israël vaincra!».
Même la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, la Licra, réunie le 20 janvier à Villeurbanne pour sa convention nationale, était divisée sur la question des formes d’antisémitisme en France. Si les intervenants ont rejeté la comparaison des actes actuels à l’antisémitisme du début du XXème siècle, d’autres militants ont marqué leur désaccord en parlant «d’antisémitisme larvé».
Devant la multiplication des amalgames, les intellectuels sont les premiers à monter au créneau aux côtés des organisations communautaires juives et arabes.
Pierre-André Taguieff, spécialiste des questions portant sur le racisme, définit les actes de violence en France comme une «judéophobie». Selon l’essayiste, la judéophobie exprime une haine contre les juifs qui n’est plus fondée sur la théorie des races, mais sur une vision anti-juive qui se rapproche du discours du nationalisme palestinien et se calque sur l’analyse du conflit israélo-palestinien.
Dans son essai, Pierre-André Taguieff accuse les intellectuels, les médias et la classe politique française de complaisance envers les Maghrébins. A la polémique d’origine sociale s’ajoute ainsi celle d’origine politique.
Pour couronner le tout, le vice-ministre israélien des
Affaires étrangères, Michael Melchior, a déclaré le 6 janvier que la France est «le pire pays occidental pour l’antisémitisme». Le même jour, Ariel Sharon institue,
avec le concours de l’Agence juive une aide financière de 9500 euros en moyenne. Baptisée «panier d’intégration», cette somme est destinée aux juifs de France qui désirent s’installer en Israël.
Une proposition qui choque une partie de la communauté juive de France qui ne se reconnaît pas dans cet amalgame. Tout comme une partie de la communauté arabe ne se reconnaît pas dans les stéréotypes qui les catégorisent en antisémites.
Ecouter également :
Reporter
Catherine Monnet, 24/01/02, 15'
Entre la peur et les amalgames, entre un silence gêné et les appels pour agir et réagir.
L'antisémitisme, le retour ?
Gros Plan
L'antisémitisme en France (Sophie Baker, le 28/01/2002)
Le rapport 2000 de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme portant sur la xénophobie recense plus de 116 actes antisémites contre neuf l’année précédente. Des chiffres en baisse pour l’année 2001, selon le ministère de l’Intérieur.
Pour Jean Kahn, président du Consistoire central israélite de France, «cette vague d’actes antisémites est différente du vieil antisémitisme de l’affaire Dreyfus». Les organisations communautaires et celles qui luttent contre le racisme en France sont certes quasiment unanimes sur la nécessité de distinguer les actes antisémites actuels de l’antisémitisme institutionnalisé du début du XXème siècle. En revanche, la polémique porte sur la nature de ce nouvel antisémitisme. De son côté, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Roger Cukierman estime que «les actes antijuifs commis depuis plus d’un an sont très clairement localisés là où les communautés juive et maghrébine se côtoient».
La communauté juive se sent ainsi victime de l'amalgame qui tend à confondre les Français de confession juive et les Israéliens, transformant les premiers en partisans naturels de la politique du Premier ministre israélien Ariel Sharon.
Cet amalgame en côtoie logiquement un autre. Nombre de militants juifs ont constaté qu’il se produit un transfert du conflit israélo-palestinien sur le sol français. Ce glissement amène naturellement les jeunes «beurs», et plus encore les banlieusards en manque de modèles, à s’identifier aux Palestiniens, voire à leurs martyrs. Les Franco-Maghrébins sont ainsi les premiers montrés du doigt pour les exactions antisémites. Ce qui fait craindre à une partie de la communauté arabe, d'être elle aussi victime de cet amalgame.
«La judéophobie n’est pas fondée sur la théorie des races»
Et l’inquiétude qui monte dans la communauté juive échauffe les esprits. Le 13 janvier, à Créteil (banlieue parisienne), la communauté juive de la ville se réunit pour protester contre les agressions commises sur une école juive et une synagogue de la ville le 31 décembre.
Pourtant, lorsque Laurent Cathala, maire PS de Créteil, déclare: «Je suis un ami d’Israël, même si je suis contre Sharon», les éléments les plus à droite de l’assemblée lui répondent: «Israël vaincra!».
Même la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, la Licra, réunie le 20 janvier à Villeurbanne pour sa convention nationale, était divisée sur la question des formes d’antisémitisme en France. Si les intervenants ont rejeté la comparaison des actes actuels à l’antisémitisme du début du XXème siècle, d’autres militants ont marqué leur désaccord en parlant «d’antisémitisme larvé».
Devant la multiplication des amalgames, les intellectuels sont les premiers à monter au créneau aux côtés des organisations communautaires juives et arabes.
Pierre-André Taguieff, spécialiste des questions portant sur le racisme, définit les actes de violence en France comme une «judéophobie». Selon l’essayiste, la judéophobie exprime une haine contre les juifs qui n’est plus fondée sur la théorie des races, mais sur une vision anti-juive qui se rapproche du discours du nationalisme palestinien et se calque sur l’analyse du conflit israélo-palestinien.
Dans son essai, Pierre-André Taguieff accuse les intellectuels, les médias et la classe politique française de complaisance envers les Maghrébins. A la polémique d’origine sociale s’ajoute ainsi celle d’origine politique.
Pour couronner le tout, le vice-ministre israélien des
Affaires étrangères, Michael Melchior, a déclaré le 6 janvier que la France est «le pire pays occidental pour l’antisémitisme». Le même jour, Ariel Sharon institue,
avec le concours de l’Agence juive une aide financière de 9500 euros en moyenne. Baptisée «panier d’intégration», cette somme est destinée aux juifs de France qui désirent s’installer en Israël.
Une proposition qui choque une partie de la communauté juive de France qui ne se reconnaît pas dans cet amalgame. Tout comme une partie de la communauté arabe ne se reconnaît pas dans les stéréotypes qui les catégorisent en antisémites.
Ecouter également :
Reporter
Catherine Monnet, 24/01/02, 15'
Entre la peur et les amalgames, entre un silence gêné et les appels pour agir et réagir.
L'antisémitisme, le retour ?
Gros Plan
L'antisémitisme en France (Sophie Baker, le 28/01/2002)
par Céline Boileau
Article publié le 25/01/2002