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Irak

Tony Blair au pied du mur et au bord du précipice...

Coup de tonnerre dans le ciel déjà bien sombre au-dessus du 10 Downing Street, Clare Short, la secrétaire au développement international vient de menacer de démissionner si Tony Blair s’engageait dans une guerre contre l’Irak sans l’aval de l’ONU. Voilà qui ne pouvait tomber plus mal pour le Premier ministre déjà en butte à l’opposition de sa population et de nombreux députés notamment de son propre parti et au moment même où il s’apprête à lancer une offensive diplomatique désespérée pour obtenir un soutien à une seconde résolution des Nations unies sur l’Irak.
De notre correspondante à Londres

L’attaque est d’autant plus cuisante et fracassante qu’elle a pris par surprise un gouvernement qui en reste aujourd’hui encore tout abasourdi. En effet Clare Short est intervenue de sa propre initiative ce dimanche soir lors d’une émission de radio de la BBC, intitulée «Parliamentary Hour», sans en avertir personne: «S'il n'y a pas d'aval de l'Onu pour une action militaire ou s'il n'y a pas d'aval de l'ONU pour reconstruire le pays, je n'apporterai pas mon soutien à une violation du droit international qui ébranlerait l'Onu et je démissionnerai du gouvernement», a prévenu la ministre, avant un peu plus tard d’enfoncer le clou: «Je crains que l'atmosphère actuelle ne soit celle d'une situation profondément dangereuse. Dangereuse car elle risque d'ébranler l'Onu dans un monde troublé qui ne se réduit pas à l'Irak et qui aura besoin d'elle. Dangereuse pour notre gouvernement, son futur et sa place dans l'Histoire».

Pire pour le chef du gouvernement, Clare Short l’a averti que sa position aux côtés du va-t-en-guerre président américain George Bush s’avérait extraordinairement imprudente pour son propre avenir en tant que Premier ministre. Une sortie qui n’a pas manqué de provoquer la colère mais aussi l’inquiétude de Tony Blair et de son entourage. Au lendemain de ce pavé dans la mare, son porte-parole pouvait à peine contenir sa rancœur en regrettant devant la presse le fait que Ms Short n’ait pas cherché à en discuter avec Tony Blair avant. Le cabinet s’est d’ailleurs réuni ce lundi d’urgence pour décider du sort de l’une des ministres les plus farouchement et ouvertement opposés à un conflit dans le Golfe.

Une alliée de Gordon Brown

Et si pour l’heure Clare Short garde son poste, c’est qu’en réalité Tony Blair n’a pas le choix. Car les propos de sa ministre ont mis le chef du gouvernement dans une situation impossible: s’il la désavouait et la forçait à démissionner, il risquait d’en faire une martyre -or Tony Blair ne peut se permettre aujourd’hui de se faire de nouveaux ennemis- mais d’un autre côté en la gardant, il révèle une certaine faiblesse. D’autant que la presse, qui relate en long, en large et en travers «la frappe préventive» de Clare Short, bruisse de rumeurs sur d’autres démissions. Le pionnier en la matière s’appelle Andrew Reed, député et attaché parlementaire auprès de la ministre de l’Environnement Margaret Beckett qui a annoncé quitter son poste dès ce dimanche; mais pas moins de 26 secrétaires comme lui pourraient l’imiter prochainement si la Grande-Bretagne s’engage unilatéralement dans un conflit en Irak. Beaucoup plus problématique encore pour Tony Blair, Robin Cook, le leader de la Chambre des Communes et ancien secrétaire au Foreign Office serait le prochain sur la liste...

Sans compter que le geste de Clare Short, alliée très proche de Gordon Brown, le ministre de l’Économie et des finances, encourage certains opposants à demander d’ores et déjà le départ de Tony Blair pour installer à sa place le chancelier de l’Echiquier. Ceci dit, Gordon Brown qui s’était certes prononcé tardivement sur la guerre contre l’Irak, a encore répété ce lundi son soutien sans faille à l’action du Premier ministre. Il n’empêche, Tony Blair fait désormais face à la plus grave crise de son mandat. S’il n’obtient pas de seconde résolution aux Nations unies et qu’un vote au parlement a lieu avant le début du conflit, plus de 170 députés travaillistes pourraient cette fois se rebeller contre lui (lors d’un dernier vote le 26 février, 122 travaillistes faisaient déjà partie de la fronde) et le Premier ministre n’aurait peut-être même d’autre choix que de s’appuyer sur le vote des conservateurs pour s’assurer un soutien à la guerre. Dans ces circonstances, Tony Blair verrait son autorité gravement atteinte, que seule une campagne militaire rapide et couronnée de succès pourrait restaurer...



par Muriel  Delcroix

Article publié le 10/03/2003