Irak
Nouvel isolement en perspective pour Washington
Les Européens, que ce soit au sein de l’Union européenne ou au sein de l’OTAN, ont préféré jouer jeudi la carte de l’apaisement à Bruxelles face à un Colin Powell venu renouer le contact après la dégradation des relations transatlantiques qui a précédé le déclenchement de la guerre contre l’Irak. Les discussions se sont volontairement tourné vers l’avenir dans le but évident d’éviter toute crispation. Une fois n’est pas coutume, les Européens ont présenté un visage uni insistant sur l’importance de revenir dans le cadre des Nations unies en ce qui concerne l’après-guerre. Mais il faut croire que le ton volontairement prudent du secrétaire d’Etat américain n’a pas été apprécié par ceux-là même qui s’étaient violemment opposés à une intervention militaire destinée à renverser le régime de Saddam Hussein. Au cours d’un déjeuner à Paris, les chefs de la diplomatie allemande, russe et française ont non seulement réclamé un arrêt des hostilités mais surtout insisté sur le «rôle central» que doit très vite retrouver l’ONU.
Malgré la volonté, semble-t-il sincère, d’aller de l’avant et de relancer une coopération diplomatique sérieusement mise à mal par le déclenchement, sans le soutien des Nations unies, par Washington et Londres de la guerre en Irak, les divergences de points de vues entre les Américains d’une part et les pays opposés à cette offensive militaire d’autre part sont loin d’être aplanies. L’escale marathon à Bruxelles du secrétaire d’Etat américain au cours de laquelle il a eu pas moins de 22 réunions bilatérales a tout juste permis de mesurer l’écart persistant sur le rôle à donner à l’ONU dans la transition politique en Irak et la reconstruction du pays. A l’issue d’un déjeuner de travail à Paris, les chefs de la diplomatie allemande, russe et française ont ainsi insisté sur le «rôle central» qui doit être celui de l’organisation internationale. Les Nations unies, a affirmé Dominique de Villepin, doivent jouer «dès maintenant un rôle central» en Irak notamment sur le plan humanitaire. «Nous adressons ces paroles à nos partenaires avec qui nous maintenons le dialogue car la fin de la guerre ne peut que profiter à tout le monde», a-t-il ajouté. Selon lui, «dans une crise ouverte si importante le principe même de légitimité internationale est un problème auquel nous sommes tous attachés et sur lequel il ne peut pas y avoir de discussions». Une position largement approuvée par ses deux hôtes.
Soucieux de rappeler le caractère unilatéral de l’offensive en cours, le ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, a pour sa part insisté sur l’arrêt immédiat des combats. «La priorité à l’heure actuelle, a-t-il déclaré, est l’arrêt le plus rapide des hostilités en Irak». Les trois ministres se sont par ailleurs vivement inquiétés de «la situation d’urgence humanitaire» qui prévaut sur le terrain. «Nous avons tous conscience que nous sommes dans une crise ouverte en Irak avec tous les drames que cela implique», a notamment insisté Dominique de Villepin en soulignant que la première urgence était humanitaire. Son homologue russe a d’ailleurs justifié les efforts de Moscou visant à arrêter la guerre dans l’optique de «résoudre les problèmes humanitaires». «Le plus tôt la guerre sera finie le mieux ce sera, y compris pour les Etats-Unis», a assuré le ministre russe.
Manifestement agacé par l’empressement de l’administration américaine à attribuer des contrats pour la reconstruction de l’Irak, Igor Ivanov a par ailleurs affirmé qu’il était «prématuré de parler des modalités de l’après-guerre tant que les hostilités continuent». Beaucoup plus virulent, le chef de la diplomatie française a vivement critiqué l’attitude de la Maison Blanche. «L'idée que l'Irak puisse être une sorte d'Eldorado, un gâteau que des Etats peuvent se partager me paraît à la fois contraire au bon sens et contraire à la vérité d'une population et d'un Etat qui sont aujourd'hui à l'épreuve», a-t-il notamment affirmé.
Les Britanniques pris entre deux feux
La Grande-Bretagne, pourtant engagée avec les Américains sur le front irakien, s’est rangée aux côtés des Européens pour réclamer le retour dans le giron des Nations unies, une fois la guerre terminée. Et l’insistance de Washington à donner le rôle principal à la coalition américano-britannique dans la gestion de l’après-Saddam gêne visiblement Londres. Le Premier ministre Tony Blair a ainsi semble-t-il voulu marquer sa différence avec l’administration Bush en assurant vendredi que les troupes coalisées quitteront aussi rapidement que possible l’Irak où «une autorité intérimaire dirigée par les Irakiens» sera mise en place. Le chef du gouvernement britannique s’est en outre engagé pour que «les forces américano-britanniques sécurisent le pays et travaillent avec les Nations unies pour aider à remettre sur pied le pays». Il a lourdement insisté sur le fait que les troupes britanniques «partiront dès qu’elles le pourront». «Elles ne resteront pas un jour de plus que ce qui est nécessaire», a-t-il affirmé.
Tony Blair a certes tenu ces propos en recevant l’opposition irakienne mais il n’en demeure pas moins que Londres apprécie moyennement l’attitude de la Maison Blanche consistant à distribuer aux entreprises américaines les premiers contrats pour la reconstruction de l’Irak. D’autant que les velléités britanniques de tenter de rapprocher Américains et Européens risquent d’être une nouvelle fois sérieusement mises à mal par la volonté affichée par la Chambre des représentants d’écarter notamment la France et l’Allemagne de la gestion de l’après-guerre. Les parlementaires américains ont en effet adopté à main levé jeudi un amendement écartant les entreprises françaises, allemandes, russes et syriennes des contrats de reconstruction de l’Irak financés par des fonds américains. La raison invoquée n’est autre que l’opposition de ces pays à une intervention contre le régime de Bagdad. Certes l’administration Bush a réussi à dissuader le Sénat d’adopter un texte similaire ce qui rend l’amendement adopté jeudi soir caduc. La Maison Blanche n’a toutefois pas agi dans le souci de préserver ses relations avec ces pays mais plutôt dans le souci de partager voire de faire porter le fardeau économique de la reconstruction de l’Irak par d’autres.
Soucieux de rappeler le caractère unilatéral de l’offensive en cours, le ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, a pour sa part insisté sur l’arrêt immédiat des combats. «La priorité à l’heure actuelle, a-t-il déclaré, est l’arrêt le plus rapide des hostilités en Irak». Les trois ministres se sont par ailleurs vivement inquiétés de «la situation d’urgence humanitaire» qui prévaut sur le terrain. «Nous avons tous conscience que nous sommes dans une crise ouverte en Irak avec tous les drames que cela implique», a notamment insisté Dominique de Villepin en soulignant que la première urgence était humanitaire. Son homologue russe a d’ailleurs justifié les efforts de Moscou visant à arrêter la guerre dans l’optique de «résoudre les problèmes humanitaires». «Le plus tôt la guerre sera finie le mieux ce sera, y compris pour les Etats-Unis», a assuré le ministre russe.
Manifestement agacé par l’empressement de l’administration américaine à attribuer des contrats pour la reconstruction de l’Irak, Igor Ivanov a par ailleurs affirmé qu’il était «prématuré de parler des modalités de l’après-guerre tant que les hostilités continuent». Beaucoup plus virulent, le chef de la diplomatie française a vivement critiqué l’attitude de la Maison Blanche. «L'idée que l'Irak puisse être une sorte d'Eldorado, un gâteau que des Etats peuvent se partager me paraît à la fois contraire au bon sens et contraire à la vérité d'une population et d'un Etat qui sont aujourd'hui à l'épreuve», a-t-il notamment affirmé.
Les Britanniques pris entre deux feux
La Grande-Bretagne, pourtant engagée avec les Américains sur le front irakien, s’est rangée aux côtés des Européens pour réclamer le retour dans le giron des Nations unies, une fois la guerre terminée. Et l’insistance de Washington à donner le rôle principal à la coalition américano-britannique dans la gestion de l’après-Saddam gêne visiblement Londres. Le Premier ministre Tony Blair a ainsi semble-t-il voulu marquer sa différence avec l’administration Bush en assurant vendredi que les troupes coalisées quitteront aussi rapidement que possible l’Irak où «une autorité intérimaire dirigée par les Irakiens» sera mise en place. Le chef du gouvernement britannique s’est en outre engagé pour que «les forces américano-britanniques sécurisent le pays et travaillent avec les Nations unies pour aider à remettre sur pied le pays». Il a lourdement insisté sur le fait que les troupes britanniques «partiront dès qu’elles le pourront». «Elles ne resteront pas un jour de plus que ce qui est nécessaire», a-t-il affirmé.
Tony Blair a certes tenu ces propos en recevant l’opposition irakienne mais il n’en demeure pas moins que Londres apprécie moyennement l’attitude de la Maison Blanche consistant à distribuer aux entreprises américaines les premiers contrats pour la reconstruction de l’Irak. D’autant que les velléités britanniques de tenter de rapprocher Américains et Européens risquent d’être une nouvelle fois sérieusement mises à mal par la volonté affichée par la Chambre des représentants d’écarter notamment la France et l’Allemagne de la gestion de l’après-guerre. Les parlementaires américains ont en effet adopté à main levé jeudi un amendement écartant les entreprises françaises, allemandes, russes et syriennes des contrats de reconstruction de l’Irak financés par des fonds américains. La raison invoquée n’est autre que l’opposition de ces pays à une intervention contre le régime de Bagdad. Certes l’administration Bush a réussi à dissuader le Sénat d’adopter un texte similaire ce qui rend l’amendement adopté jeudi soir caduc. La Maison Blanche n’a toutefois pas agi dans le souci de préserver ses relations avec ces pays mais plutôt dans le souci de partager voire de faire porter le fardeau économique de la reconstruction de l’Irak par d’autres.
par Mounia Daoudi
Article publié le 04/04/2003