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Irak

Al-Jazira, cible des hackers «patriotes»

Depuis le début du conflit, les affaires de piratage et de violation de sites se multiplient. Dernière victime de cette cyberguerre : le site en arabe de la chaîne de télévision par satellite Al-Jazira et sa version en langue anglaise.
Les pages web en anglais et en arabe de la chaîne de télévision d’information continue Al-Jazira basée au Qatar se sont vues exposées, depuis le début de la guerre en Irak, à une série d’attaques informatiques, allant jusqu’à empêcher l’accès à leurs pages d’informations. Le site en arabe aljazeera.net et la page annonçant la version en langue anglaise se sont retrouvés, entre le 26 et le 28 mars, paralysés, en totalité ou partiellement, pendant plusieurs heures.

Le contenu de la page d’accueil du futur site en anglais english.aljazeera.net a été remplacé par une carte des Etats-Unis aux couleurs de la bannière étoilée, barrée d’un message patriotique «Let Freedom Ring» : «Que la liberté triomphe». Tandis que d’autres hackers prenaient le contrôle temporaire des pages web en arabe, renvoyant les internautes sur des sites pornographiques.

La raison de ces attaques massives ? La diffusion controversée par la télévision Al-Jazira d’images de corps de soldats américains et britanniques tués dans des combats dans le sud de l’Irak, ainsi que des prisonniers de guerre. Le groupe à l’origine de ces actions se présente comme la milice «Patriot, Freedom Cyber Force». Pour sa part, Faisal Bodi, rédacteur en chef d’aljazeera.net n’a pas hésité dans les colonnes du journal britannique The Guardian à pointer du doigt l’administration Bush.

Plus de 20 000 dégradations de sites

Si l’on en croit une source du secteur ayant requis l’anonymat, les auteurs du piratage se sont emparés du nom de domaine et l’ont redirigé sur un autre serveur. Le hacker a pu prendre le contrôle du nom de domaine en envoyant un courrier à en-tête de la télévision qatarienne à la société de gestion des adresses internet Network Solutions et leur demandant le mot de passe d’accès au compte.

Le cas d’Al-Jazira n’est pas isolé, d’autres sites relatifs au monde arabe ont vu leurs pages détournées. De nombreux sites, quelle que soit leur ligne pro ou anti-guerre, sont pris pour cible. Dès le début des hostilités, des centaines de sites américains ou britanniques, professionnels, gouvernementaux ou municipaux ont été ainsi «taggés» de messages pacifistes.

Les événements en Irak ont semble-t-il inspiré de nombreux pirates à travers la Toile. Le cyberactivisme aussi appelé «hacktivisme» (du mot «hacker» pour pirate informatique) gagne du terrain. Tout est bon : intrusions ou détournements de sites, envoi massif d’e-mails accompagnés de virus à des fonctionnaires américains ou irakiens, ou bien encore détournement de pages web assorti de messages «patriotes».

Selon des sociétés spécialisées en sécurité informatique, les pirates se répartissent en trois catégories : certains sont des patriotes américains qui ont trouvé ce moyen là de se joindre à l’effort de guerre, d’autres sont des groupes musulmans extrémistes visant des sites américains, particulièrement des sites militaires, d’autres enfin sont des pacifistes.

Comme dans toutes les affaires de hacking, il est difficile de rattacher des statistiques à cette réalité. Depuis le début des hostilités, on recense plus de 20 000 dégradations de sites, la plus notable étant celle du site de la télévision arabe d’information continue Al-Jazira, retardant le lancement de sa version en anglais après la mi-avril, et non au début du mois comme prévu.



par Myriam  Berber

Article publié le 31/03/2003