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Reconstruction de l''Irak

Jay Garner, administrateur pressenti et déjà critiqué

Jay Garner, général américain à la retraite, devrait prendre très prochainement la tête d'une administration civile de reconstruction de l'Irak. Sa désignation unilatérale par l'administration Bush ne fait pas l'unanimité et ses liens avec les «marchands de canons» américains ont fait naître une controverse.
Il y a quelques jours la presse britannique révélait que l'administration américaine préparait en secret la constitution d'un gouvernement civil chargé des zones irakiennes, au fur et à mesure que la coalition américano-britannique en prendrait le contrôle. Le nom de Jay Garner, général de l'armée américaine en retraite, était prononcé pour en prendre la direction. Depuis, la conseillère de George Bush, Condoleezza Rice, a confirmé que Jay Garner devait, à la tête de l'Office pour la reconstruction et l'aide humanitaire, organisme rattaché au Pentagone, administrer provisoirement l'Irak jusqu'à ce qu'un gouvernement permanent, choisi par les Irakiens eux-mêmes, prenne le relais.

Sorte d'administrateur civil de temps de crise, Jay Garner, âgé de 64 ans, a quitté l'armée en 1997. Lors de la guerre du Golfe, en 1991, il était responsable des systèmes antimissiles Patriot. Après le conflit, il a été chargé d’assurer le retour des réfugiés kurdes dans le nord de l’Irak. C’est à cette occasion qu’il s’est acquis sa réputation de logisticien et d’organisateur de talent. De plus, ses anciens collaborateurs le décrivent comme un homme attentif et ouvert aux problèmes des gens. Il a achevé sa carrière comme adjoint à l’état-major de l’armée de terre.

Cette nomination pose toutefois un certain nombre de questions. Ami personnel du secrétaire à la défense Donald Rumsfeld, sa désignation alimente la polémique déjà entamée sur l’octroi à des «proches» du gouvernement Bush des premiers contrats commerciaux de reconstruction de l’Irak. De plus, ses liens avec le complexe militaro-industriel américain sont soulignés avec complaisance, y compris aux Etats-Unis. Après avoir quitté l’armée, l’ancien général est en effet devenu PDG de SY Technology, une société spécialisée dans le guidage des missiles, absorbée l’année dernière par un groupe industriel de défense. Jay Garner n’a quitté ces fonctions qu’en janvier dernier soulevant à nouveau la question des conflits d’intérêts, déjà évoquée lors de la démission de Richard Perle de la présidence du conseil consultatif de Défense en raison de son activité de consultant dans une entreprise de télécommunications engagée dans les contrats de reconstruction. C’est peut-être la raison pour laquelle le Pentagone a fait savoir qu’il ne devrait rester que quelques mois à ce poste d’administrateur civil à la reconstruction de l’Irak, avant d’être remplacé par une personnalité de réputation internationale.

Une présence de plus de six mois

La désignation sans négociations d’un ex-général américain n’est guère du goût de l’opposition politique irakienne à Saddam Hussein. Le Conseil national irakien (CNI), principal mouvement d’opposition, a estimé qu’aucun Américain ne devrait être amené à diriger les ministères irakiens. Dans le monde arabe, le fait que Jay Garner soit déjà présent au Koweït, ainsi que ses prises de positions en faveur d’Israël ont fait naître des doutes sur les intentions américaines et sur les chances de laisser un rôle important aux Nations Unies dans la reconstruction politique et économique de l’Irak.

Le secrétaire adjoint américain à la Défense, Paul Wolfowitz, n’a pas fait mystère des objectifs des États-Unis en la matière. Il a expliqué qu’il est de la responsabilité de la coalition de rétablir une administration efficace dès les premiers jours afin d’assurer les approvisionnements en nourriture, eau, médicaments et de veiller au fonctionnement des hôpitaux. Mais les Etats-Unis n’ont pas, a-t-il affirmé, l’intention de gouverner l’Irak. L’administration provisoire devra donc lancer un processus aboutissant à la création d’un gouvernement légitime irakien. Combien de temps faudra-t-il pour y parvenir ? Paul Wolfowitz évalue cette période transitoire à plus de six mois mais n’exclut pas, non plus, une présence militaire américaine prolongée en Irak comme celle qui perdure en Allemagne depuis la fin de la Seconde guerre mondiale…

Quoiqu’il en soit, les remarques et objections formulées contre ce projet américain semblent avoir semé le trouble. La conférence de presse que Jay Garner devait donner lundi au Koweït a été reportée à une date indéterminée.



par Francine  Quentin

Article publié le 07/04/2003