Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Chypre

L’eau: un régime à deux vitesses

Il y a encore cinq ans, Chypre ne disposait pas de 500 m3 d’eau par habitant et par an, soit le seuil de pénurie défini par les experts internationaux. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. En tout cas, pour ce qui concerne la partie grecque de l’île.
La période de restriction est loin derrière les Chypriotes grecs, même si la peur du manque reste encore très présente. Christina, une habitante de Nicosie, se souvient de toutes ces années durant lesquelles l’eau potable ne coulait à flot que trois jours par semaine, les lundi, mardi et jeudi. «Les autres jours, pour subvenir aux besoins quotidiens, nous utilisions nos réserves d'eau personnelles. Toutes les familles les gardaient, et les gardent toujours, dans des cumulus placés sur les toits. Ainsi, en été, l'eau pouvait chauffer. Aujourd'hui, dans le moindre village chypriote, toutes les maisons sont encore surplombées par ces cumulus».

La réalité de l'autre côté de la «ligne verte», la «ligne de démarcation», est tout à fait différente. Pour les habitants de la partie turque, l'eau est une denrée rare comme en témoigne Chatagai, un habitant de Nicosie-nord: «Nous n'avons l'eau courante que deux fois par semaine à raison de quatre heures chaque jour, soit 8h00 par semaine. Le reste du temps, nous faisons ce que nous pouvons avec nos réserves personnelles, un bidon ici ou là. C'est difficile, surtout en été».
Si les autorités grecques entretenaient des contacts réguliers avec leurs homologues turcs pendant les périodes de restrictions, aujourd'hui il n'en est plus question. Le problème, côté grec, est résolu. Les autorités ont multiplié les barrages dont l'eau profite aux agriculteurs et construit deux usines de dessalement d'eau de mer. Celles-ci alimentent en eau potable toutes les villes du sud de l'île. Par la même occasion, le gouvernement grec chypriote a innové en utilisant pour la première fois en Europe le système, BOOT (Build Own Operate Transfer).

La réunification pourrait commencer par les égouts

Les usines aujourd'hui détenues par les israéliens et les américains seront cédées dans dix ans au gouvernement chypriote. En attendant, ces usines (qui ont coûté 40 millions de dollars chacune) vendent l’eau au gouvernement grec au prix de 40 cents le mètre cube. Un mètre cube correspond ici à la consommation quotidienne d'une famille de quatre personnes. Les Turcs, eux, ont opté pour l'acheminement d'eau potable par d'immenses ballons en provenance de Turquie. Il est ainsi habituel de voir de la côte, ou d’avion, des sacs d'eau géants flotter vers Chypre en provenance du continent, distant d'une soixantaine de kilomètres.

Mais le plus gros problème reste celui des égouts. Et dans ce domaine précis les Grecs et les Turcs sont contraints de collaborer comme le constate Christodoulos Artemi, directeur du département de Développement des eaux du ministère de l'Agriculture et de l'Environnement. De chaque côté de la «ligne verte», les habitants de Nicosie sont obligés de vider régulièrement leurs fosses septiques sous peine d'être envahis par les excréments. Des excréments qui déjà s'évacuent dans la terre et qui par temps de pluie remontent en surface.
Dans ce pays où la capitale ne porte même pas le même nom, Lefkosia côté grec et Lefkosha côté turc, on se laisse aller à imaginer que la réunification pourrait commencer par les égouts mais... pas que.



par Valérie  Darmon

Article publié le 26/04/2003