Chine
Le retour de la censure
L’éclaircie aura été de courte durée. Alors que l’épidémie de pneumonie atypique avait permis aux médias chinois de se livrer à quelques travaux d’investigation, avec la bénédiction des autorités locales, la censure fait à nouveau rage dans l’empire du milieu. Elle frappe désormais de plein fouet des publications dont le seul tort a été de croire que l’information en Chine pouvait être libre.
De notre correspondante à Pékin
La dernière victime en date de ce musellement des médias est le Beijing Xinbao, un hebdomadaire pékinois dépendant du pourtant très officiel Quotidien des travailleurs. Dans son édition du 4 juin, date anniversaire de la répression de Tiananmen, le journal a eu le malheur de publier un article intitulé «les sept mauvaises habitudes chinoises». Parmi ces sept péchés capitaux était dénoncé l’amateurisme du Parlement, à propos duquel le journaliste posait une question pourtant largement approuvée par les Chinois : «qui a choisi ces représentants ?».
L’évidence est parfois audacieuse en Chine, et les journalistes du Xinbao l’ont appris à leurs dépens. Ils ne seront probablement pas les seuls à faire cette expérience : au moment même où le journal était interdit, un porte-parole du gouvernement appelait à une revue générale de la presse par les autorités, et prédisait que d’autres titres pourraient être fermés prochainement.
En novembre dernier, le Congrès du parti avait effectivement appelé à une réforme des médias, à partir de l’évaluation de la qualité et de la diffusion des différents titres. Mais cette réforme au contenu extrêmement flou pourrait facilement se transformer en alibi pour faire taire les voix discordantes au sein du pays.
En fait, les dirigeants chinois semblent avoir de plus à plus de mal à se positionner face aux médias, et apparaissent tiraillés entre la nécessité d’un minimum d’ouverture, et la crainte que celle-ci ne devienne incontrôlable. Le président Hu Jintao, à son arrivée au pouvoir, avait exhorté les médias à se consacrer davantage à la société, et moins aux rituels quotidiens des hommes d’État. Sous la couverture libérale de ce souhait, le message était subtil : si les reportages sur certains thèmes sociaux sont parfois encouragés par les autorités lorsqu’elles peuvent en tirer parti, les opinions politiques, elles, n’ont définitivement pas droit de cité dans l’Empire du milieu.
Deux poids deux mesures théoriques, qui se sont transformées en pratique quelques mois plus tard. En mars dernier, un hebdomadaire de Canton, le 21st Century World Herald, a été interdit suite à la publication d’un interview avec un ancien aide de Mao Zedong, qui appelait à la tenue d’élections libres. Mais toujours à Canton, les journaux qui ont rapporté le décès du designer Sun Zhigang, battu à mort par des co-détenus alors qu’il avait été arrêté pour n’avoir pas pu présenter ses papiers d’identité à un contrôle de police, ont non seulement recueilli l’assentiment général, mais ont de plus entraîné une révision par le gouvernement de la loi sur les vagabonds, responsable de l’arrestation et du traitement abusif du jeune homme.
Un instrument de propagande d’État
Même l’épidémie de Sras, pourtant considérée comme une période de relâchement dans le contrôle des médias, n’est pas exempte de paradoxes. Le tollé international soulevé par le camouflage de l’épidémie en Chine avait certes conduit les autorités à encourager les reportages sur la maladie, et les dénonciations des mauvaises pratiques et dissimulations. Mais paradoxalement, le Week-end du Sud, un hebdomadaire réputé pour sa liberté de parole, a été sanctionné précisément pour sa couverture de l’épidémie. Accusé d’avoir divulgué des secrets d’État durant la crise sanitaire, le journal s’est vu affublé d’un nouveau dirigeant, un apparatchik rigide dont le seul rôle sera de brider les velléités investigatrices de ses journalistes.
Cette sanction rappelle, si besoin était, que les médias chinois sont avant tout un instrument de la propagande d’État. Comme le résume si bien une jeune journaliste chinoise : «l’important n’est pas de savoir si une information est vraie ou fausse, mais de savoir pourquoi elle a été publiée».
La dernière victime en date de ce musellement des médias est le Beijing Xinbao, un hebdomadaire pékinois dépendant du pourtant très officiel Quotidien des travailleurs. Dans son édition du 4 juin, date anniversaire de la répression de Tiananmen, le journal a eu le malheur de publier un article intitulé «les sept mauvaises habitudes chinoises». Parmi ces sept péchés capitaux était dénoncé l’amateurisme du Parlement, à propos duquel le journaliste posait une question pourtant largement approuvée par les Chinois : «qui a choisi ces représentants ?».
L’évidence est parfois audacieuse en Chine, et les journalistes du Xinbao l’ont appris à leurs dépens. Ils ne seront probablement pas les seuls à faire cette expérience : au moment même où le journal était interdit, un porte-parole du gouvernement appelait à une revue générale de la presse par les autorités, et prédisait que d’autres titres pourraient être fermés prochainement.
En novembre dernier, le Congrès du parti avait effectivement appelé à une réforme des médias, à partir de l’évaluation de la qualité et de la diffusion des différents titres. Mais cette réforme au contenu extrêmement flou pourrait facilement se transformer en alibi pour faire taire les voix discordantes au sein du pays.
En fait, les dirigeants chinois semblent avoir de plus à plus de mal à se positionner face aux médias, et apparaissent tiraillés entre la nécessité d’un minimum d’ouverture, et la crainte que celle-ci ne devienne incontrôlable. Le président Hu Jintao, à son arrivée au pouvoir, avait exhorté les médias à se consacrer davantage à la société, et moins aux rituels quotidiens des hommes d’État. Sous la couverture libérale de ce souhait, le message était subtil : si les reportages sur certains thèmes sociaux sont parfois encouragés par les autorités lorsqu’elles peuvent en tirer parti, les opinions politiques, elles, n’ont définitivement pas droit de cité dans l’Empire du milieu.
Deux poids deux mesures théoriques, qui se sont transformées en pratique quelques mois plus tard. En mars dernier, un hebdomadaire de Canton, le 21st Century World Herald, a été interdit suite à la publication d’un interview avec un ancien aide de Mao Zedong, qui appelait à la tenue d’élections libres. Mais toujours à Canton, les journaux qui ont rapporté le décès du designer Sun Zhigang, battu à mort par des co-détenus alors qu’il avait été arrêté pour n’avoir pas pu présenter ses papiers d’identité à un contrôle de police, ont non seulement recueilli l’assentiment général, mais ont de plus entraîné une révision par le gouvernement de la loi sur les vagabonds, responsable de l’arrestation et du traitement abusif du jeune homme.
Un instrument de propagande d’État
Même l’épidémie de Sras, pourtant considérée comme une période de relâchement dans le contrôle des médias, n’est pas exempte de paradoxes. Le tollé international soulevé par le camouflage de l’épidémie en Chine avait certes conduit les autorités à encourager les reportages sur la maladie, et les dénonciations des mauvaises pratiques et dissimulations. Mais paradoxalement, le Week-end du Sud, un hebdomadaire réputé pour sa liberté de parole, a été sanctionné précisément pour sa couverture de l’épidémie. Accusé d’avoir divulgué des secrets d’État durant la crise sanitaire, le journal s’est vu affublé d’un nouveau dirigeant, un apparatchik rigide dont le seul rôle sera de brider les velléités investigatrices de ses journalistes.
Cette sanction rappelle, si besoin était, que les médias chinois sont avant tout un instrument de la propagande d’État. Comme le résume si bien une jeune journaliste chinoise : «l’important n’est pas de savoir si une information est vraie ou fausse, mais de savoir pourquoi elle a été publiée».
par Séverine Bardon
Article publié le 24/06/2003