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Chine

Pneumopathie: la Chine s'ouvre, mais rassure

Alors que le monde entier s'inquiète de la progression du Syndrome respiratoire aigü sévère (SRAS) qui touche la Chine du sud depuis novembre et le monde entier depuis février, la Chine d'où est partie l'épidémie, a présenté des excuses pour sa mauvaise gestion de la crise.
De notre correspondant à Pékin

Après plusieurs semaines de critiques internationales, les autorités sanitaires chinoises se sont excusées vendredi, par la voix d'un porte-parole du ministère de la Santé. «Nos départements médicaux et nos médias ont fait preuve d'une mauvaise coordination. Nous n'avons pas été capables de fournir suffisamment d'informations scientifiques, et d'informations pour le grand public». Depuis le début de l'épidémie, les autorités chinoises ont observé un silence quasi-total sur le sujet jusqu'à ce que les médias étrangers et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'en préoccupent, suite à l'arrivée du virus à Hong Kong. Dans l'ancienne colonie britannique, le virus est devenu la «priorité numéro un» du gouvernement local. Toutes les écoles sont fermées jusqu'à nouvel ordre, ainsi que les principales bibliothèques, piscines, de nombreux cinémas et centres commerciaux. La plupart des hongkongais sortent masqués, sur recommandation des autorités sanitaires, et la quarantaine a été déclarée obligatoire pour tous les cas suspects, ainsi que les proches des personnes atteintes.

Au Canada, où le virus a déjà causé 7 décès, ainsi qu'aux Etats-Unis, la quarantaine est désormais appliquée. Le contraste est grand avec la Chine, où le virus semble très éloigné des préoccupations quotidiennes. C'est pourtant là que se trouve le foyer du virus, et qu'il y a eu le plus grand nombre de malades et de décès ( 1220 et 49) depuis le début de l'épidémie, qui touche à présent six provinces, dont Canton, Pékin et Shanghai. Après la recommandation sans précédent de l'OMS d'éviter «autant que possible de se rendre en Chine du sud et à Hong Kong», les autorités chinoises ont été furieuses. «L'avis de l'OMS est injuste», a annoncé le ministère de la Santé chinois. «La pneumonie atypique est en passe d'être contrôlée dans la région de Canton. Nous espérons que l'OMS reviendra sur sa décision». Les médias continentaux sont toujours priés par les autorités de «donner une bonne image du pays, de favoriser le tourisme et les investissements». Un porte-parole chinois du ministère des Affaires étrangères assurait mardi que «Le gouvernement n'a rien dissimulé, ce serait inutile. Nous n'avons rien à cacher». Pour la plupart des Chinois, le virus s'arrête à la frontière hongkongaise, et à Canton même, les habitants ne portent pas de masque et aucun lieu public n'a été fermé. Une équipe de quatre spécialistes en virologie de l'OMS a obtenu l'autorisation de se rendre dans la région de Canton. Ils n'ont pas le droit de se rendre partout, mais cette autorisation est déjà perçue comme un signe d'ouverture de la part des autorités.

L'OMS mène l'enquête

Arrivés jeudi, l'équipe a rencontré des responsables sanitaires de la province de Canton en vue de partager leur expérience de la maladie. Ils vont éplucher les statistiques du virus depuis novembre, étudier des cas de décès et de rétablissement. Ils vont aussi aller à Foshan, ville où est apparu le premier cas, et étudier l'hypothèse d'une transmission à l'homme par le porc. «L'enquête va être compliquée et nous pourrions être engagés dans une entreprise de longue haleine. Ce virus est un mystère qui doit être résolu», a dit Chris Powell, porte-parole de l'équipe. Selon Powell, «les efforts locaux pour circonscrire l'épidémie semblent aller dans la bonne voie, même si le virus reste préoccupant» alors que le nombre de nouveaux cas est en diminution. «Il est clair que le gouvernement chinois espère pouvoir obtenir assez de preuves pour que la recommandation (de l'OMS) invitant à ne pas se rendre dans la province du Guangdong soit levée», a pour sa part déclaré un porte-parole de l'OMS à Genève.

Pour un haut diplomate français en poste à Pékin, «l'équipe de l'OMS va pouvoir vérifier si les données fournies par les autorités chinoises sont réalistes ou non. C'est la crédibilité de l'OMS qui est en jeu dans cette mission. Si ils se trompent -par exemple si ils annoncent que le danger est écarté alors qu'il ne l'est pas en réalité-, ils perdront leur légitimité. Mais si ils annoncent que l'épidémie est encore grave alors qu'elle ne l'est plus, ils seront aussi discrédités. Et en plus ils auront à faire face à l'ire du gouvernement chinois, pour qui la priorité, c'est d'éviter la panique nationale». Les premières conclusions de l'équipe de l'OMS seront connues mardi.



par Abel  Segrétin

Article publié le 05/04/2003