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Musique

L’idole des jeunes fête ses 60 ans

À grands renforts de trompettes médiatiques, Johnny Hallyday démarre une série de concerts à l’occasion de son soixantième anniversaire. Véritable phénomène national, les tubes de la célèbre star rythment la mémoire de plusieurs générations de Français.
Il a débarqué dans notre vie quotidienne en 1960. La France est un immense chantier de reconstruction. Les dernières fortifications qui entourent Paris vont être démontées et, à la place, on va construire un boulevard périphérique. Il est également question d’effacer les derniers bidonvilles de Saint Denis, là où se dresse aujourd’hui le Stade de France. La vie est dure dans cette France encore austère, qui garde très présente en mémoire le souvenir des tickets de rationnement, et n’en finit pas de sortir des guerres coloniales. Mais il y a du travail, l’activité tourne à plein, et l’été il y a des embouteillages sur la Route Nationale 7 qui mène vers les plages de la Méditerranée où, sur la serviette de bain, trône le transistor.

C’est dans cette atmosphère de prospérité naissante qu’ils arrivent, lui et toute sa bande de «yé-yés», adorateurs des rythmes excentriques importés dans le paquetage des soldats américains disséminés sur les bases européennes de l’OTAN. Pour faire court : Elvis Presley était parmi nous, Johnny Hallyday nous l’a révélé. Mais ce fut d’abord une révélation pour lui-même. Lorsque le jeune citoyen belge Jean-Philippe Smet assiste à la projection de Lovin you (1957), le futur Johnny est alors un «enfant de la balle», élevé dans le milieu du spectacle, et dont les voisins reconnaissent déjà l’aptitude à jouer cette musique de sauvage qui va empoisonner toutes les générations précédentes, bercées au son des mélodies sucrées et poétiques des chansons populaires d’antan. Le rock’n’roll allait tout emporter. Le petit Smet change de nom en s’inspirant de celui d’un ami de la famille (Lee Hallyday), artiste évidemment : il sera donc Johnny Hallyday.

C’est sur cette vague rock et ses attitudes délicieusement rebelles, ses déhanchements un tantinet provocateurs, qu’il va surfer au cours des décennies qui vont suivre. Johnny Hallyday est un artiste véritable dont le métier est le spectacle, la mise en scène. Il chante, bien sûr (et juste) mais il danse également, et joue la comédie. Il va incarner de nombreux rôles, à la ville comme à la scène. L’époque est propice à véhiculer toute sorte de message et ce rythme-là est aussi une sorte de prêt-à-porter musical sur lequel des générations successives vont s’employer graver toute sorte de messages définitifs. Lui sera successivement «blouson noir» à l’origine, puis conscrit modèle au moment du service militaire (qui le fait Français, 1964), gendre idéal (lors de son mariage avec Sylvie Vartan, 1965), «hippy» et d’autres clichés encore, mais sans jamais quitter le registre initial : le rock, dans toute l’étendue de sa palette. Car le raz- de-marée a bien eu lieu, comme il le pressentait. Et ne cessait de nous le répéter le transistor, toujours derrière en fond sonore, avec Europe 1 qui nous serine tous les jours en fin d’après-midi, «SLC, Salut les copains». Johnny est le stéréotype parfait de «l’idole des jeunes».

Otages de Johnny

Mais surtout, et ce n’est pas le moindre de ses talents, Johnny est un «passeur». De ses nombreux voyages aux Etats-Unis, terre bénite du rock’n’roll, et à Londres, capitale européenne du genre, il nous rapporte ce qui se fait de mieux, il s’en inspire et en revendique les influences. Il travaille avec les meilleurs, y compris sur la mise en scène, les costumes. Ses spectacles sont des performances. C’est d’ailleurs la scène qui a construit Johnny et continue de soutenir sa longue carrière. Outre une impressionnante discographie, ses biographies mentionnent surtout le caractère événementiel qu’il donne à ses spectacles. Un véritable rendez-vous avec son public dont il déclare ne pas se lasser.

Johnny Hallyday n’en est pas resté là. Outre le cinéma, il se décline en produits commerciaux, sans états d’âme puisqu’il n’a pas d’autre ambition que de bien faire le métier qu’il s’est choisi : chanteur de rock. Et les Français, dans leur grande majorité, n’en démordent pas : ils se le sont approprié, véritable icône, objet du patrimoine national, comme en témoignent la longévité de sa carrière et les millions de disques vendus. Mais, curieusement, cette reconnaissance a peu essaimé hors des frontières de l’hexagone où l’alchimie n’a pas fonctionné, faute de repères probablement. En effet, pour la génération française du «baby boom» actuellement aux commandes, chaque période de la vie, avec ses événements et ses émotions, peut être rythmée par un tube de Johnny. Ça crée des liens indéfectibles qu’ils sont peu à se partager parmi la poignée de rescapés de la grande époque de «yéyés».

C’est en tout cas un homme dont le destin national, exceptionnel et précoce a forcément bouleversé l’existence. Il est de ceux pour qui il a été, par exemple, impossible de prendre un verre dans un lieu public sans provoquer une émeute. Bien qu’élevé dans une famille de saltimbanques, le petit Jean-Philippe Smet n’avait certainement pas prévu que cette musique de zazous l’emmènerait aussi loin. Mais faute d’avoir connu autre chose… «Vous appelez quoi "une vie normale" ?», demande-t-il dans l’édition de ce 10 juin du Parisien.

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par Georges  Abou

Article publié le 10/06/2003