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La visite de George Bush en Afrique

George Bush à Gorée : un appel à l'électorat noir américain

Les supputations allaient bon train depuis quelques jours: qu'allait dire le président américain à l'Afrique où il entamait par Dakar, ce mardi, son périple sur le continent ? On le sait maintenant: George Bush a consacré ses quinze minutes de discours au thème de l'esclavage, la traite négrière, «ce mal de dimension colossale», citant un de ses compatriotes abolitionniste. Dès lors, la transition était toute trouvée pour surfer sur les problèmes actuels de l'Afrique: les conflits, les maladies, la pauvreté, la démocratie.
De notre correspondant à Dakar

Ce fut très subtil, mais personne ne s'y est trompé: il y avait une forte dose de pré-campagne électorale en direction de ses compatriotes africains-américains dans le discours du président américain. On le sait, le thème de l'esclavage et de la traite négrière est très sensible aux États-Unis, notamment au sein de l'électorat noir qui a toujours penché davantage vers les démocrates que vers les républicains. Et ce n'est pas non plus un hasard si Bush a exhibé ses deux ministres de couleur les plus en vue de son gouvernement: Colin Powell et Condoleeza Rice. Son discours aux forts accents «humanistes et moralistes» sur «des êtres humains vendus comme des marchandises embarqués dans des bateaux pour un voyage sans retour»; le calvaire dans les cales des négriers «où les malades étaient jetés à la mer», sur «l’hypocrisie des esclavagistes qui ont abdiqué une partie de leur foi chrétienne pour se livrer à ce commerce», tous ces thèmes déclinés d'une voix pleine de colère et d'indignation, ne manqueront pas de faire couler quelques larmes à Harlem, Bronx et autres bidonvilles à forte population noire et faire espérer ainsi quelques voix supplémentaires aux prochaines élections, qui s'annoncent de plus en plus difficiles à remporter notamment en raison de l’évolution de la guerre en Irak.

État de siège

Le président Bush, en déclarant que «le combat pour la justice et la liberté» dans son pays «n'a pas été facile» et qu'ils n'en sont pas encore venus à bout, enfonce des portes ouvertes. Pour lui, la ségrégation raciale persiste aux États-Unis et le combat que son gouvernement continuera de poursuivre pour la liberté et la justice dans son pays est aussi celui qu’il a décidé d'engager dans le reste du monde, notamment en Afrique. «Contre les guerres civiles, nous nous tiendrons côte à côte; contre les maladies, nous mènerons le combat avec vous en faveur de la vie; contre la pauvreté, nous nous joindrons à vous pour l'éradiquer; là où il y a la tyrannie, nous mènerons le combat pour la liberté». On pense alors à l'Irak ou au Libéria tout proche. Mais ce qui se passe dans ce pays n'a pas fait l'objet d'une ligne dans le discours d'un quart d'heure du président américain. Il semble, selon certaines sources, que la question a été abordée dans la réunion qu'il a tenue à huis clos avec le président Wade et les six chefs d'État présents à Dakar. Une réunion dont rien n'a filtré, le service de presse de la présidence se contentant d'annoncer que certains de ces chefs d'État devaient tenir des conférences de presse dans leur hôtel ou donner des interviews, s'ils le souhaitaient. Sauf que tous devaient quitter Dakar dans la journée, y compris le président Wade qui se rend à Maputo pour le sommet de l'Union africaine.

Enfin impossible de ne pas évoquer la situation sécuritaire qui prévalait à Dakar, décrite par la presse comme «un état de siège». A l'aéroport, outre le président Wade et son épouse, il n'y avait que le Premier ministre Idrissa Seck, et le président de l'Assemblée nationale, Pape Diop. À part les journalistes américains venus avec le président Bush, la presse a été interdite de salon d'honneur. Il y a eu trois cortèges séparés pour joindre le palais de la république: celui du président Wade, celui de Colin Powell et des officiels américains et celui de Bush, son épouse et leur fille. A Gorée même, où les populations étaient parquées depuis 4 heures du matin sur une place au centre de l'île sous un chaud soleil, on a frisé la crise diplomatique quand les services de sécurité américains ont voulu fouiller les officiels sénégalais, ministres et députés, comme n'importe qui. Il a fallu que le ministre de l'Intérieur, le général Mamadou Niang, rue dans les brancards pendant cinq bonnes minutes, pour que les Américains renoncent à la fouille au corps. Ajoutons que l'aéroport de Dakar est fermé depuis lundi minuit, jusqu'à mercredi 15 heures. Les examens universitaires et le bac ont été reportés jusqu'à mercredi. Une bonne partie des rues et quartiers de Dakar était inaccessible jusqu'au début de l'après-midi. Très peu de Dakarois se sont rendus à leur travail ce mardi. Tout le monde va pousser un «ouf» de soulagement quand Dakar sera «libérée» cet après-midi. En attendant les retombées financières, au lieu d'une éventuelle base miliaire annoncée lundi par la presse.



par Demba  Ndiaye

Article publié le 08/07/2003 Dernière mise à jour le 02/12/2005 à 11:46 TU