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Union africaine

Alpha Oumar Konare, candidat unique

Lundi 7 juillet, la Côte d’Ivoire a retiré la candidature de son poulain, Amara Essy, qui occupait depuis juillet 2001, à titre «intérimaire» la présidence de la Commission de l’Union africaine (UA), l’organe exécutif de la structure panafricaine qui a succédé à l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Le diplomate ivoirien, Amara Essy, sorti de la course, l’ancien président du Mali, Alpha Oumar Konare, reste seul en lice puisque l’Union africaine n’avait retenu que ces deux candidatures. Cela évitera aux chefs d’Etats de perdre du temps pour trancher entre deux Ouest-Africains francophones. Il faudra d’ailleurs répartir de nombreux autres postes, entre régions et même entre genres, comme l’a demandé l’Afrique du Sud qui milite en faveur de la parité hommes-femmes à l’UA. Quant au futur président de la Commission, chargé de la mise en œuvre de la politique panafricaine, il aura quatre ans pour faire oublier l’impuissance de l’OUA et concrétiser les promesses de l’UA.
«Dans l’intérêt supérieur de notre sous-région qui malheureusement allait se présenter à cette élection avec une double candidature, présage d’une lutte fratricide, le président de la République a décidé de retirer la candidature du ministre Amara Essy», explique le communiqué signé le 7 juillet par le président ivoirien, Laurent Gbagbo. Il remercie au passage les chefs d’Etat et de gouvernement qui avaient bien accueilli la candidature Essy mais ne convainc guère la presse ivoirienne qui voit plutôt là une déclaration de forfait. A l’en croire, celle-ci serait partiellement motivée par la mauvaise passe politico-militaire qui entache l’image de la Côte d’Ivoire, mais plus encore par une connivence de chefs d’Etat pressés de recaler un ministre pour recaser l’un des leurs. Quoi qu’il en soit, Amara Essy avait été très difficilement élu président par intérim de la Commission, à Lusaka (Zambie), en juillet 2001, à la naissance de l’Union africaine. C’est tout aussi péniblement qu’il avait obtenu des prolongations l’année suivante, à Durban, lors du premier sommet. Et si ce diplomate de carrière et de réseaux, franco-africains notamment, n’a pas démérité dans la transition entre l’OUA et l’UA, plusieurs poids lourds africains ont très tôt exprimé leur soutien à son concurrent.

Un mandat exécutif de quatre ans

La présidence de l’UA tourne chaque année d’un pays l’autre, à moindres risques diplomatiques vis-à-vis de l’un ou l’autre des 53 tenants de la magistrature suprême. C’est ainsi que l’actuel président en exercice, le chef de l’Etat sud-africain Thabo Mbeki va passer la main à Joachim Chissano, son homologue du Mozambique qui reçoit cette année le sommet de l’UA. La présidence de la Commission ouvre en revanche un mandat de quatre ans, renouvelable. Son titulaire est non seulement chargé de mettre en œuvre les décisions de l’organisation panafricaine, il en est aussi le représentant et même le comptable. Les Etats en retard sur leurs contributions sont exclus de la course à la présidence. Cela a été le cas de Miguel Trovoada, ancien président de Sao Tomé et Principe qui avait en outre déposé son dossier après le délai légal. S’il est élu, l’ancien chef de l’Etat malien sera flanqué d’un vice-président originaire d’une autre région. Deux candidats briguent ce poste : le Zambien Kazuka Mutukwa et le Rwandais Patrick Mazimpaka, chargé du dossier Congo-Kinshasa pour le président Kagame. Huit commissaires issus des cinq régions du continent seront également élus pendant ce sommet et la Commission devrait compter cinq femmes, en parité avec cinq hommes.

Le premier président de la Commission en titre de la jeune Union africaine est censé inaugurer une ère nouvelle dans les relations inter africaines et dans les relations extérieures du continent. Fin 1999, l’initiateur du projet UA, le colonel Moammar Kadhafi souhaitait engendrer rien moins que des Etats-Unis d’Afrique. Mais en juillet 2001, à Lusaka, le 37 ème sommet de l’OUA a accouché d’une Union qui manque de fondements économiques en dépit des velléités du Nouveau programme de développement économique pour l’Afrique (Nepad). Une faille dans le panafricanisme revendiqué à la naissance de l’OUA en 1963 et rapidement dissout dans les jeux d’intérêts poursuivis avec les anciennes puissances coloniales. Aujourd’hui, les communautés économiques régionales piétinent, les zones monétaires restent hétéroclites et dépendantes, les unions douanières embryonnaires et l’Afrique absente du commerce mondial. Parmi la douzaine d’organes prévus à son menu, l’UA a inscrit une banque africaine.

Un Parlement panafricain, une Cour de justice et un Conseil de paix et de sécurité (PSC) sont également au programme de l’UA. Le PSC n’est pas encore en place mais il devrait autoriser l’Union à prendre des mesures d’intervention directe en zone de conflit, des sanctions par exemple ou bien l’envoi de troupes, sur le modèle des 2 800 soldats sud-africains actuellement au Burundi. Mais tous les Etats n’ont pas l’envergure de l’Afrique du Sud et compte tenu de la balkanisation conflictuelle qui déchire aujourd’hui le continent, le président de la commission sera confronté de diverses manières à l’épineux dossier de la gestion et de la prévention des conflits que l’UA doit finaliser. En la matière, le ministre sud-africain de la Défense, Mosiuoa Lekota a quelque expérience et il entend poser la question de la «recherche d’une politique commune de défense au sein de l’UA», parce que, dit-il, «Nous savons trop bien que l’implication de puissances étrangères, en particulier leur implication militaire, a été souvent la cause même de nos problèmes. Mais, nous sommes contraints de faire appel au monde développé, en particulier aux anciennes puissances coloniales, pour résoudre ces mêmes problèmes.» Selon lui, les critères de formation et d’équipement d’une force d’intervention panafricaine feraient déjà consensus. Reste à trouver le financement.

L’acte de naissance de l’UA accorde un droit d’ingérence à l’Union pour agir dans un Etat membre en cas de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de génocide. C’est une vraie nouveauté par rapport à la charte de l’OUA qui était éminemment frileuse vis-à-vis des principes de souveraineté. S’il veut marquer la différence avec une OUA en forme de syndicat des chefs d’Etat, le futur chef de l’exécutif de l’UA devra imposer les textes sur le terrain. «Mon panafricanisme ne date pas d’aujourd’hui, je suis prêt à me battre pour mon continent», assure Alpha Oumar Konare et il se félicite de lire dans la constitution malienne que «pour réaliser l’Union africaine, le Mali est prêt à perdre tout ou partie de sa souveraineté». Il est vrai que lui-même a rompu avec la tradition des présidences à vie dont nombre de ses contemporains et voisins ont visiblement la nostalgie. Alpha Oumar Konare a été élu au Mali en 1992, après le retrait volontaire du tombeur du général Traoré, le général Amadou Toumani Touré qui vient de lui succéder dans les urnes, au terme du deuxième et dernier mandat légal obtenu en 1997. «L’Afrique manque de chefs d’Etat en retraite», disait Alpha Konare en 1992. A 57 ans, la sienne ne sera pas oisive.

L’Afrique du Sud, l’Egypte, la Libye, le Nigeria ou le Sénégal ont soutenu ouvertement la candidature de l’ancien président du Mali. Son image reste associée à la vague démocrate qui a semblé capable de balayer l’Afrique des années quatre-vingt dix, avant de s’éteindre dans l’indifférence internationale. Si aujourd’hui, le Mali apparaît comme un précurseur isolé, il en a quand même conservé une considération extérieure réelle. Elle donnerait quelque lustre à l’image de l’Union africaine au travers d’Alpha Konare. Comme chef d’Etat, il n’a par ailleurs jamais remisé l’honneur de son pays vis-à-vis des plus grands, ni guère mâché ses mots face à des pairs dont il n’approuvait pas les actes. Défaut ou qualité ? Il en ira selon le degré de sincérité des aspirations panafricaines affichées par l’UA.



par Monique  Mas

Article publié le 08/07/2003