Union africaine
L’éternel recommencement
Lancée publiquement mardi dans un stade de Durban en Afrique du Sud, l’Union africaine qui remplace l’OUA n’a pas échappé aux tourmentes qui secouent le continent et aux divisions qui l’affaiblissent.
De notre envoyée spéciale à Durban
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont maintenu dans leur grande majorité la suspension de Madagascar, malgré les réserves de certains, demandant la tenue de nouvelles élections présidentielles avant d’accueillir de nouveau cette île de l’Océan Indien.
Ironie de l’histoire: dès sa création en 1963, l'OUA avait refusé la participation du Togo – qui a pris la parole ce mardi au nom de l’Afrique de l’Ouest – pour cause de coup d’Etat militaire, le premier de l’histoire de l’Organisation panafricaine qui en vu beaucoup d’autres.
De même, le chef d’Etat sud-africain Thabo Mbeki, premier président en exercice de l’UA, et le secrétaire-général de l’ONU Kofi Annan, poursuivaient leurs efforts pour réunir les dirigeants du Rwanda et de la RDC, Paul Kagame et Joseph Kabila, afin de faire avancer le retour de la paix dans la région des Grands Lacs.
Le problème épineux de Madagascar: en écartant Madagascar et son nouveau président Marc Ravalomana, déjà reconnu par plusieurs pays occidentaux, l’Union africaine a certes voulu montrer d’emblée son attachement aux principes de bonne gouvernance et de droit d’ingérence, appelé ici «contrôle par les pairs».
Elle se trouve par ce fait confrontée à un problème bien épineux puisque l’ancien président malgache Didier Ratsiraka a quitté les lieux, laissant la place à son rival, qui s’était autoproclamé président à l’issue d’un premier tour d’élection qu’il estimait avoir gagné – décision avalisée par un conseil constitutionnel tronqué.
Seuls le Sénégal, le Burkina Faso et l’île Maurice se sont opposés à l’appel à de nouvelles élections, estimant que les dés étaient lancés. Le président sénégalais Abdoulaye Wade – qui a tenté une médiation entre les deux hommes - a tenu à inscrire ses réserves alors que la proposition du chef d’Etat gabonais Omar Bongo de réclamer des élections législatives et non présidentielles a immédiatement été écartée.
«Un chef d’Etat a même demandé qu’on ramène Ratsiraka à Madagascar», a ironisé en privé un ministre africain francophone, évoquant la solidarité du «Club des Chefs d’Etat» – au moment même où on parle d’une Afrique nouvelle rompant avec les pratiques du passé.
Il reste donc à voir si l’Union africaine pourra faire appliquer sa décision ou s’il ne s’agit que d’une position de principe qui sera vite oubliée à la faveur du pragmatisme politique.
Le difficile tête à tête Kagame-Kabila: toute la journée de mardi a été marquée par des rumeurs sur un éventuel tête à tête entre les présidents Kagame (Rwanda) et Kabila (RD Congo). Les deux hommes se sont finalement rencontrés dans la nuit de mardi à mercredi. Leur entretien a duré une demi-heure environ dans un grand hôtel de Durban. Paul Kagame assure que "les contacts vont se poursuivre" mais sa préoccupation reste avant tout "la sûreté des frontières du Rwanda".
Institutions de l’UA et du NEPAD: le sommet s’est finalement prononcé pour une période intérimaire d’un an au cours de laquelle l’actuel secrétaire général, l’Ivoirien Amara Essy restera en fonction. Il aura jusqu’au prochain sommet, prévu à Maputo, pour parachever la mise en place des nouvelles institutions.
La Libye n’a finalement pas insisté pour une période de transition de six mois, bien que le colonel Mouammar Kadhafi souhaite toujours accueillir à Syrte un sommet extraordinaire.
Sa proposition de création d’une armée africaine a été poliment renvoyée aux oubliettes, selon un ministre africain, «puisqu’il a été décidé de créer un comité pour l’étudier».
Le sommet a toutefois décidé d’élargir de 15 à 20 membres le comité directeur du NEPAD, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique. L'addition d’un pays par région géographique promet des débats houleux entre différents candidats, soucieux de prendre le train en marche.
Le conflit algéro-marocain a ressurgi: l’allocution prononcée au nom de l’Afrique du Nord par le président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Mohamed Abdelaziz, a été interprétée par de nombreux délégués «comme une provocation de l’Algérie et le signe que les relations de ce pays avec le Maroc vont mal».
Rabat s’était retiré de l’OUA au début des années 80 après l’admission de la RASD. Mais de nombreux pays africains entretiennent des relations très étroites avec le Maroc, tant sur le plan bilatéral que régional.
Sahraouis et Algériens ne cachaient pas leur jubilation à Durban, alors que les autres pays d’Afrique du Nord, comme l’Egypte, la Tunisie ou la Libye, gardaient un profil bas embarrassé. L'ONU essaye d'organiser un référendum d'autodétermination au Sahara occidental occupé par les Marocains. Rabat souhaiterait, indique-t-on de source informée, au moins la suspension de la participation de la RASD à l'UA jusqu'aux résultats du référendum, dont la date n'a pu encore être fixée.
Le problème de l’admission de la RASD avait divisé les Africains et avait failli provoquer l’éclatement de l’OUA, qui s’en est sortie lorsque des pays de l’Afrique subsaharienne comme le Nigeria, excédés par cette querelle avaient fini par voter pour son admission afin de mettre un terme à la crise.
Une cérémonie émouvante et cocasse: l’Afrique du Sud a voulu faire les choses en grand. Un stade bondé a suivi dans l’enthousiasme la cérémonie de lancement de l’Union africaine, en présence des chefs d’Etat ou leurs représentants mais aussi des anciens présidents sud-africains Nelson Mandela et Frederick de Klerk, le blanc qui a permis la libération de ce dernier.
Les discours mais surtout la musique, le défilé militaire, le survol des hélicoptères, l’atterrissage en parapente de militaires portant le drapeau sud-africain, les chants y compris l’hymne de l’OUA, ou la voix prenante d'une chanteuse sénégalaise venue affirmer en chaise roulante sa solidarité avec le continent et l’Afrique du Sud, ont été chaleureusement applaudis. Dans la foule de spectateurs on observait de nombreux militants de l’ANC, le parti au pouvoir qui avait mené la lutte armée contre le régime d’apartheid. .
Le colonel Kadhafi, invité a prendre la parole en tant que parrain de l’Union africaine, a même exhorté en anglais les Africains à s’unir et à relever la tête.
Parlant de son ami Robert Mugabe, le président contesté du Zimbabwe, il a affirmé que «la terre de l’Afrique est pour les Africains».
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont maintenu dans leur grande majorité la suspension de Madagascar, malgré les réserves de certains, demandant la tenue de nouvelles élections présidentielles avant d’accueillir de nouveau cette île de l’Océan Indien.
Ironie de l’histoire: dès sa création en 1963, l'OUA avait refusé la participation du Togo – qui a pris la parole ce mardi au nom de l’Afrique de l’Ouest – pour cause de coup d’Etat militaire, le premier de l’histoire de l’Organisation panafricaine qui en vu beaucoup d’autres.
De même, le chef d’Etat sud-africain Thabo Mbeki, premier président en exercice de l’UA, et le secrétaire-général de l’ONU Kofi Annan, poursuivaient leurs efforts pour réunir les dirigeants du Rwanda et de la RDC, Paul Kagame et Joseph Kabila, afin de faire avancer le retour de la paix dans la région des Grands Lacs.
Le problème épineux de Madagascar: en écartant Madagascar et son nouveau président Marc Ravalomana, déjà reconnu par plusieurs pays occidentaux, l’Union africaine a certes voulu montrer d’emblée son attachement aux principes de bonne gouvernance et de droit d’ingérence, appelé ici «contrôle par les pairs».
Elle se trouve par ce fait confrontée à un problème bien épineux puisque l’ancien président malgache Didier Ratsiraka a quitté les lieux, laissant la place à son rival, qui s’était autoproclamé président à l’issue d’un premier tour d’élection qu’il estimait avoir gagné – décision avalisée par un conseil constitutionnel tronqué.
Seuls le Sénégal, le Burkina Faso et l’île Maurice se sont opposés à l’appel à de nouvelles élections, estimant que les dés étaient lancés. Le président sénégalais Abdoulaye Wade – qui a tenté une médiation entre les deux hommes - a tenu à inscrire ses réserves alors que la proposition du chef d’Etat gabonais Omar Bongo de réclamer des élections législatives et non présidentielles a immédiatement été écartée.
«Un chef d’Etat a même demandé qu’on ramène Ratsiraka à Madagascar», a ironisé en privé un ministre africain francophone, évoquant la solidarité du «Club des Chefs d’Etat» – au moment même où on parle d’une Afrique nouvelle rompant avec les pratiques du passé.
Il reste donc à voir si l’Union africaine pourra faire appliquer sa décision ou s’il ne s’agit que d’une position de principe qui sera vite oubliée à la faveur du pragmatisme politique.
Le difficile tête à tête Kagame-Kabila: toute la journée de mardi a été marquée par des rumeurs sur un éventuel tête à tête entre les présidents Kagame (Rwanda) et Kabila (RD Congo). Les deux hommes se sont finalement rencontrés dans la nuit de mardi à mercredi. Leur entretien a duré une demi-heure environ dans un grand hôtel de Durban. Paul Kagame assure que "les contacts vont se poursuivre" mais sa préoccupation reste avant tout "la sûreté des frontières du Rwanda".
Institutions de l’UA et du NEPAD: le sommet s’est finalement prononcé pour une période intérimaire d’un an au cours de laquelle l’actuel secrétaire général, l’Ivoirien Amara Essy restera en fonction. Il aura jusqu’au prochain sommet, prévu à Maputo, pour parachever la mise en place des nouvelles institutions.
La Libye n’a finalement pas insisté pour une période de transition de six mois, bien que le colonel Mouammar Kadhafi souhaite toujours accueillir à Syrte un sommet extraordinaire.
Sa proposition de création d’une armée africaine a été poliment renvoyée aux oubliettes, selon un ministre africain, «puisqu’il a été décidé de créer un comité pour l’étudier».
Le sommet a toutefois décidé d’élargir de 15 à 20 membres le comité directeur du NEPAD, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique. L'addition d’un pays par région géographique promet des débats houleux entre différents candidats, soucieux de prendre le train en marche.
Le conflit algéro-marocain a ressurgi: l’allocution prononcée au nom de l’Afrique du Nord par le président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Mohamed Abdelaziz, a été interprétée par de nombreux délégués «comme une provocation de l’Algérie et le signe que les relations de ce pays avec le Maroc vont mal».
Rabat s’était retiré de l’OUA au début des années 80 après l’admission de la RASD. Mais de nombreux pays africains entretiennent des relations très étroites avec le Maroc, tant sur le plan bilatéral que régional.
Sahraouis et Algériens ne cachaient pas leur jubilation à Durban, alors que les autres pays d’Afrique du Nord, comme l’Egypte, la Tunisie ou la Libye, gardaient un profil bas embarrassé. L'ONU essaye d'organiser un référendum d'autodétermination au Sahara occidental occupé par les Marocains. Rabat souhaiterait, indique-t-on de source informée, au moins la suspension de la participation de la RASD à l'UA jusqu'aux résultats du référendum, dont la date n'a pu encore être fixée.
Le problème de l’admission de la RASD avait divisé les Africains et avait failli provoquer l’éclatement de l’OUA, qui s’en est sortie lorsque des pays de l’Afrique subsaharienne comme le Nigeria, excédés par cette querelle avaient fini par voter pour son admission afin de mettre un terme à la crise.
Une cérémonie émouvante et cocasse: l’Afrique du Sud a voulu faire les choses en grand. Un stade bondé a suivi dans l’enthousiasme la cérémonie de lancement de l’Union africaine, en présence des chefs d’Etat ou leurs représentants mais aussi des anciens présidents sud-africains Nelson Mandela et Frederick de Klerk, le blanc qui a permis la libération de ce dernier.
Les discours mais surtout la musique, le défilé militaire, le survol des hélicoptères, l’atterrissage en parapente de militaires portant le drapeau sud-africain, les chants y compris l’hymne de l’OUA, ou la voix prenante d'une chanteuse sénégalaise venue affirmer en chaise roulante sa solidarité avec le continent et l’Afrique du Sud, ont été chaleureusement applaudis. Dans la foule de spectateurs on observait de nombreux militants de l’ANC, le parti au pouvoir qui avait mené la lutte armée contre le régime d’apartheid. .
Le colonel Kadhafi, invité a prendre la parole en tant que parrain de l’Union africaine, a même exhorté en anglais les Africains à s’unir et à relever la tête.
Parlant de son ami Robert Mugabe, le président contesté du Zimbabwe, il a affirmé que «la terre de l’Afrique est pour les Africains».
par Marie Joannidis
Article publié le 10/07/2002