Union africaine
Ce que fut l'OUA
L’Organisation de l’unité africaine (OUA), créée dans un contexte de lutte contre le colonialisme, est née le 25 mai 1963 à Addis-Abeba. Issue d'une aspiration des Africains à l'union afin de promouvoir la solidarité du continent contre toutes les formes d’impérialisme, elle est aussi l’aboutissement d’une bataille diplomatique entre chefs d'États. Deux camps s'étaient dégagés : celui du « groupe de Monrovia », conçu comme le regroupement des « modérés » qui souhaitaient que l’intégration régionale se fasse par étape ; et le « groupe de Casablanca », qui rassemblait des leaders révolutionnaires adeptes d’une intégration rapide, comptant notamment dans ses rangs le Ghanéen Nkrumah, l'Égyptien Nasser, l'Algérien Ben Bella et le Guinéen Sékou Touré. Cet antagonisme et les compromis qui ont résulté ont abouti à la première phase de réalisation de l'idéal panafricain et en même temps ont durablement consacré une Afrique des divisions.
Le système de l’OUA
Le système de l’OUA repose sur une Charte adoptée lors de la Conférence constitutive de 1963 par 30 Etats indépendants. Cette Charte, signée dans la capitale éthiopienne, est le socle juridique régissant les principes et le fonctionnement des instances de l’organisation. Elle affirme l’égalité souveraine de tous les Etats membres, le respect du principe de non-ingérence, le respect du principe de souveraineté et de l’intégrité territoriale, le règlement pacifique des différents.
L’organe suprême de l’OUA est la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, dépositaire du pouvoir de décision, seul habilitée à statuer sur les problèmes communs et qui doit se réunir en session ordinaire une fois par an. Des sommets extraordinaires peuvent être convoqués. Le conseil des ministres des affaires étrangères est chargé de préparer les travaux de la Conférence. Le secrétariat général, dont le siège est à Addis-Abeba, est l’organe d’exécution et de mise en œuvre des décisions des chefs d’Etat. Le secrétaire général est nommé, au scrutin secret et à la majorité des deux tiers, pour 4 ans lors de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, et est rééligible. Enfin, des commissions viennent compléter cette machine administrative. Différentes commissions spécialisées, en effet, ont à charge la coopération en matière économique, socio-éducative, culturelle, militaire et scientifique. Pour sa part, la commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage est l’organe de règlement pacifique des différends.
A l’occasion du sommet de Monrovia, en 1979, l’idée d’élaborer un instrument juridique visant à protéger « les droits fondamentaux de l’homme et les libertés démocratiques » est lancée. La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sera ainsi définitivement adoptée à l’issue de la conférence des chefs d’Etat de 1981, à Nairobi, pour entrer en vigueur en 1986.
L’OUA et la gestion des crises
Dès l’origine, les objectifs principaux de l’organisation ont été l’élimination du fait colonial et la lutte contre la discrimination raciale. L’OUA a soutenu tous les mouvements de libération nationale. Elle a eu à faire pression sur la communauté internationale, via notamment les Nations unies, pour condamner les régimes coloniaux et les régimes ségrégationnistes d’Afrique australe. Dès 1963, un Comité de coordination pour la libération de l’Afrique est créé pour aider à l’émancipation totale des derniers territoires africains non encore indépendants. Des résolutions sont régulièrement prises lors des conférences des chefs d’Etat et de gouvernement pour condamner le Portugal, cela jusqu’aux dernières indépendances de ses colonies africaines ; la Rhodésie ; l’Afrique du sud, pour sa politique d’apartheid ; et aussi Israël, sous la pression des Etats arabes.
En 1989, l’Afrique se libère enfin des derniers vestiges du colonialisme après la victoire historique de la SWAPO, en Namibie. L’Afrique a également vu couronner son combat contre l'apartheid avec la libération de Nelson Mandela et son élection au poste de président de l’Afrique du sud. Cela dit, force est de constater qu’en marge de ces dates glorieuses, l’action de l’organisation est demeurée très limitée dans bien des domaines. Elle s’est souvent révélée impuissante face aux antagonismes qui agitent les pays africains et aux multiples conflits qui en sont le corollaire. L’action de l’OUA en matière de règlement pacifique des différents interafricains s’est révélée globalement inefficace. La faiblesse de la Charte d’Addis-Abeba peut expliquer en partie ces insuffisances, rien n’obligeant les Etats membres à reconnaître sa compétence. De plus, la Charte n’a pas prévu de doter l’organisation d’une force armée permanente. A cela, il faut ajouter l’insignifiance de son budget, encore aggravée par les nombreux arriérés de contribution. La raison principale du peu de résultats enregistré dans le règlement des conflits reste cependant le manque de volonté politique des Etats membres, plus soucieux de la préservation de leur souveraineté.
L’affaire du Sahara occidental, venue empoisonner les débats de l’OUA dès son apparition, en 1965, provoquera le départ d’un membre fondateur, le Maroc, en 1984, en protestation de l’admission de la RASD dans l’OUA, en 1981, et divisera l’OUA en deux camps. Par ailleurs l'OUA a tenté, à de nombreuses reprises, de trouver une solution aux conflits en déployant une intense politique d’apaisement ou en mettant en place des forces ad hoc en vue de résoudre un conflit, comme ce fut le cas en Tchad, entre 1981 et 1992. Ces missions, non prévues par la Charte, se sont révélées plus efficaces, parce que plus en phase avec la réalité du continent africain, que la seule Commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage.
Après la fin de la bipolarité, causée par l’effondrement du bloc communiste au début des années 1990, l’OUA a dû redéfinir sa politique de gestion des conflits. Par ailleurs, la prolifération des conflits infra-étatique en Afrique, où la logique de prédation domine, a changé la donne politique. Le 30 juin 1993, à l’issue du Sommet du Caire, les Etats membres de l’Organisation ont entériné un mécanisme de prévention, de gestion et de résolution des conflits, dont l’organe principal est composé des chefs d’Etats des pays membres du bureau en exercice de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement. Ce mécanisme introduit une innovation par rapport au Protocole de 1964, l’organe central pouvant désormais être saisi, dans certains cas, sans le consentement des parties au conflit. Au vu des multiples conflits parmi les plus sanguinaires qui se sont déroulés durant les années 1990 (Rwanda, Burundi, ex-Zaïre, Angola, Somalie…), on ne peut affirmer que l’organe central de ce mécanisme ait été à la hauteur des espérances du continent. Il ne faudrait, néanmoins, pas oublier qu’il ne peut se substituer à lui seul au Conseil de sécurité des Nations unies, en charge du maintien de la paix et de la sécurité internationale. Il a en outre affiché une grande visibilité dans la résolution de plusieurs conflits africains, tels la guerre Erythrée-Ethiopie, la crise aux Comores et le conflit entre RCA et Tchad.
L’OUA face aux problèmes économiques du continent
L’OUA n’a pas su apporter une réponse satisfaisante aux problèmes économiques du continent. A partir des années 1980, l’organisation a pourtant orienté ses efforts vers les questions liées au développement et à la coopération économique. Au mois d’avril 1980, lors du sommet de Lagos, les chefs d’Etat et de gouvernement ont entériné un plan d’action en faveur du développement économique de l’Afrique qui prévoyait notamment la promotion du développement économique et social et l’intégration de leurs économies respectives, et la création d’institutions nationales, locales et régionales chargées de faciliter la réalisation des objectifs d’indépendance et d’autosubsistance. Du 30 novembre au 1er décembre 1987, à Addis-Abeba, un sommet extraordinaire est uniquement consacré au problème de la dette extérieure du continent, évaluée à près de 200 milliards de dollars. A cette occasion, un assouplissement des conditions de remboursement de la dette et une amélioration des prix des matières premières sont demandés. Le 5 juin 1991, à l’issue du Sommet d’Abuja, un traité instituant la Communauté économique africaine est signé, prévoyant, après un délai de trente ans, la création d’un marché commun africain, un fond monétaire africain et une banque centrale.
Le bilan restera très controversé. On a souvent accusé l’OUA de n’être qu’un forum de discussion, un « syndicats de présidents ». Mais on aurait tort d'oublier l’intense travail diplomatique, faisant fi du manque de moyens financiers et de personnels, et les efforts permettant de conférer à l'Afrique unie une réalité tangible.
Fayçal Bouzennout
Le système de l’OUA
Le système de l’OUA repose sur une Charte adoptée lors de la Conférence constitutive de 1963 par 30 Etats indépendants. Cette Charte, signée dans la capitale éthiopienne, est le socle juridique régissant les principes et le fonctionnement des instances de l’organisation. Elle affirme l’égalité souveraine de tous les Etats membres, le respect du principe de non-ingérence, le respect du principe de souveraineté et de l’intégrité territoriale, le règlement pacifique des différents.
L’organe suprême de l’OUA est la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, dépositaire du pouvoir de décision, seul habilitée à statuer sur les problèmes communs et qui doit se réunir en session ordinaire une fois par an. Des sommets extraordinaires peuvent être convoqués. Le conseil des ministres des affaires étrangères est chargé de préparer les travaux de la Conférence. Le secrétariat général, dont le siège est à Addis-Abeba, est l’organe d’exécution et de mise en œuvre des décisions des chefs d’Etat. Le secrétaire général est nommé, au scrutin secret et à la majorité des deux tiers, pour 4 ans lors de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, et est rééligible. Enfin, des commissions viennent compléter cette machine administrative. Différentes commissions spécialisées, en effet, ont à charge la coopération en matière économique, socio-éducative, culturelle, militaire et scientifique. Pour sa part, la commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage est l’organe de règlement pacifique des différends.
A l’occasion du sommet de Monrovia, en 1979, l’idée d’élaborer un instrument juridique visant à protéger « les droits fondamentaux de l’homme et les libertés démocratiques » est lancée. La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sera ainsi définitivement adoptée à l’issue de la conférence des chefs d’Etat de 1981, à Nairobi, pour entrer en vigueur en 1986.
L’OUA et la gestion des crises
Dès l’origine, les objectifs principaux de l’organisation ont été l’élimination du fait colonial et la lutte contre la discrimination raciale. L’OUA a soutenu tous les mouvements de libération nationale. Elle a eu à faire pression sur la communauté internationale, via notamment les Nations unies, pour condamner les régimes coloniaux et les régimes ségrégationnistes d’Afrique australe. Dès 1963, un Comité de coordination pour la libération de l’Afrique est créé pour aider à l’émancipation totale des derniers territoires africains non encore indépendants. Des résolutions sont régulièrement prises lors des conférences des chefs d’Etat et de gouvernement pour condamner le Portugal, cela jusqu’aux dernières indépendances de ses colonies africaines ; la Rhodésie ; l’Afrique du sud, pour sa politique d’apartheid ; et aussi Israël, sous la pression des Etats arabes.
En 1989, l’Afrique se libère enfin des derniers vestiges du colonialisme après la victoire historique de la SWAPO, en Namibie. L’Afrique a également vu couronner son combat contre l'apartheid avec la libération de Nelson Mandela et son élection au poste de président de l’Afrique du sud. Cela dit, force est de constater qu’en marge de ces dates glorieuses, l’action de l’organisation est demeurée très limitée dans bien des domaines. Elle s’est souvent révélée impuissante face aux antagonismes qui agitent les pays africains et aux multiples conflits qui en sont le corollaire. L’action de l’OUA en matière de règlement pacifique des différents interafricains s’est révélée globalement inefficace. La faiblesse de la Charte d’Addis-Abeba peut expliquer en partie ces insuffisances, rien n’obligeant les Etats membres à reconnaître sa compétence. De plus, la Charte n’a pas prévu de doter l’organisation d’une force armée permanente. A cela, il faut ajouter l’insignifiance de son budget, encore aggravée par les nombreux arriérés de contribution. La raison principale du peu de résultats enregistré dans le règlement des conflits reste cependant le manque de volonté politique des Etats membres, plus soucieux de la préservation de leur souveraineté.
L’affaire du Sahara occidental, venue empoisonner les débats de l’OUA dès son apparition, en 1965, provoquera le départ d’un membre fondateur, le Maroc, en 1984, en protestation de l’admission de la RASD dans l’OUA, en 1981, et divisera l’OUA en deux camps. Par ailleurs l'OUA a tenté, à de nombreuses reprises, de trouver une solution aux conflits en déployant une intense politique d’apaisement ou en mettant en place des forces ad hoc en vue de résoudre un conflit, comme ce fut le cas en Tchad, entre 1981 et 1992. Ces missions, non prévues par la Charte, se sont révélées plus efficaces, parce que plus en phase avec la réalité du continent africain, que la seule Commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage.
Après la fin de la bipolarité, causée par l’effondrement du bloc communiste au début des années 1990, l’OUA a dû redéfinir sa politique de gestion des conflits. Par ailleurs, la prolifération des conflits infra-étatique en Afrique, où la logique de prédation domine, a changé la donne politique. Le 30 juin 1993, à l’issue du Sommet du Caire, les Etats membres de l’Organisation ont entériné un mécanisme de prévention, de gestion et de résolution des conflits, dont l’organe principal est composé des chefs d’Etats des pays membres du bureau en exercice de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement. Ce mécanisme introduit une innovation par rapport au Protocole de 1964, l’organe central pouvant désormais être saisi, dans certains cas, sans le consentement des parties au conflit. Au vu des multiples conflits parmi les plus sanguinaires qui se sont déroulés durant les années 1990 (Rwanda, Burundi, ex-Zaïre, Angola, Somalie…), on ne peut affirmer que l’organe central de ce mécanisme ait été à la hauteur des espérances du continent. Il ne faudrait, néanmoins, pas oublier qu’il ne peut se substituer à lui seul au Conseil de sécurité des Nations unies, en charge du maintien de la paix et de la sécurité internationale. Il a en outre affiché une grande visibilité dans la résolution de plusieurs conflits africains, tels la guerre Erythrée-Ethiopie, la crise aux Comores et le conflit entre RCA et Tchad.
L’OUA face aux problèmes économiques du continent
L’OUA n’a pas su apporter une réponse satisfaisante aux problèmes économiques du continent. A partir des années 1980, l’organisation a pourtant orienté ses efforts vers les questions liées au développement et à la coopération économique. Au mois d’avril 1980, lors du sommet de Lagos, les chefs d’Etat et de gouvernement ont entériné un plan d’action en faveur du développement économique de l’Afrique qui prévoyait notamment la promotion du développement économique et social et l’intégration de leurs économies respectives, et la création d’institutions nationales, locales et régionales chargées de faciliter la réalisation des objectifs d’indépendance et d’autosubsistance. Du 30 novembre au 1er décembre 1987, à Addis-Abeba, un sommet extraordinaire est uniquement consacré au problème de la dette extérieure du continent, évaluée à près de 200 milliards de dollars. A cette occasion, un assouplissement des conditions de remboursement de la dette et une amélioration des prix des matières premières sont demandés. Le 5 juin 1991, à l’issue du Sommet d’Abuja, un traité instituant la Communauté économique africaine est signé, prévoyant, après un délai de trente ans, la création d’un marché commun africain, un fond monétaire africain et une banque centrale.
Le bilan restera très controversé. On a souvent accusé l’OUA de n’être qu’un forum de discussion, un « syndicats de présidents ». Mais on aurait tort d'oublier l’intense travail diplomatique, faisant fi du manque de moyens financiers et de personnels, et les efforts permettant de conférer à l'Afrique unie une réalité tangible.
Fayçal Bouzennout
Article publié le 27/05/2002