Union africaine
Francophones, anglophones : dépasser les vieux clivages
Pays francophones et anglophones africains ont souvent divergé et se sont même parfois affrontés sur le plan politique, notamment au sein de l'OUA. Cette vieille rivalité, liée à la fois au passé colonial de ces pays et au rôle des anciens colonisateurs, mais aussi à leur culture et à leur poids économique, a certes connu une atténuation. Reste à savoir si les éléments de clivage peuvent totalement s'effacer dans l'avenir.
Paris aujourd'hui ne peut plus ou ne veut plus jouer au gendarme en Afrique, un rôle longtemps tenu auprès de ses partenaires africains francophones, et agit désormais dans un cadre européen ou multilatéral. En parallèle, la France a étendu ses relations en dehors de son « pré-carré » traditionnel. Dans le même temps, en Afrique de l'ouest, les craintes anciennes s'estompent : les pays francophones ne craignent plus autant leur puissant voisin anglophone nigérian, devenu leur partenaire au sein de la Cedeao, et le Nigeria est par ailleurs affaibli par les violences internes et la corruption.
Ils risquent toutefois de se trouver confrontés à l'hégémonisme de l'Afrique du Sud, le géant économique du continent, qui revendique aujourd'hui la direction du Nepad, le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique. Cette initiative destinée à relancer le développement du continent a été endossée l'année dernière par l'ultime sommet de l'OUA à Lusaka et doit constituer le cheval de bataille de la nouvelle Union africaine dont le premier sommet se réunit en juillet à Durban, précisément en Afrique du sud. Parrainé par le président sud-africain Thabo Mbeki mais aussi par ses homologues nigérian, algérien, sénégalais et égyptien, le Nepad est un enjeu majeur auprès des bailleurs de fonds, en particulier les pays du G8 qui se réunissaient en juin à Kananaskis au Canada.
La question du leadership autour du Nepad
De nombreux dirigeants francophones, mais ils ne sont pas les seuls, ne cachent pas en privé leur irritation de voir Thabo Mbeki se présenter dans ce contexte comme le porte-parole de l'Afrique auprès du monde développé et en « donneur de leçons » pour le reste du continent. Ainsi les Sénégalais ne manquent pas de souligner que le Nepad a finalement été le résultat de la fusion entre le plan du millénaire sud-africain (MAP) et le plan Omega de leur président Abdoulaye Wade. Les francophones avaient incontestablement marqué un point avec l'élection l'année dernière, au poste de secrétaire-général de l'OUA, de l'ivoirien Amara Essy face à des candidats anglophones de poids, et ce malgré l'opposition du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Mais cette nomination restait un compromis pour la période de transition vers l'Union africaine.
Majoritaires parmi les 53 membres de l'OUA, juste avant les anglophones - les autres : arabophones, lusophones ou hispanophone (Guinée équatoriale) venant loin derrière – les francophones n'ont toutefois presque jamais réussi à prendre l'avantage au sein de l'organisation panafricaine. Identifiés pour la plupart au bloc dit des « modérés », étroits partenaires de la France (à l'exception notable de la Guinée de Sékou Touré, du Bénin sous la houlette de Mathieu Kerekou première version, ou de Madagascar, à l'époque du marxisme-léninisme triomphant et de la guerre froide), ils ont été moins présents dans les débats panafricains, préférant souvent une approche régionale. Ils ont aussi été souvent moins actifs que les anglophones quand il s'agissait de débattre d'économie plutôt que de politique. On évoquera certaines différences culturelles face à des anglophones plus pragmatiques, mais aussi le peu de présence de poids lourds potentiels comme la Côte d'Ivoire, longtemps la locomotive de la Zone Franc ou comme l'ex-Zaïre devenu la République démocratique du Congo, un pays miné par les violences, le népotisme et la corruption du régime de Mobutu Sese Seko, avant de plonger dans le conflit actuel.
Le président Félix Houphouet Boigny avait par ailleurs subi les foudres des pays dits « progressistes », y compris ceux de la ligne de front d'Afrique australe, pour son dialogue politique avec l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid, dialogue destiné, selon lui, à encourager le changement pacifique. Il avait ainsi essayé de prendre la tête du groupe des « modérés » qui étaient à l'époque les principaux interlocuteurs des Occidentaux, mais ce bloc n'a pas réussi à imposer durablement ses points de vue dans l'organisation panafricaine.
Une logique de blocs au plan économique
A l'issue de la guerre froide, les pays occidentaux ont dans une certaine mesure favorisé les relations avec les pays engagés dans des réformes économiques préconisées par les institutions internationales comme le FMI et la Banque Mondiale et chères aux Américains. D'où la préférence et l'appui manifestés à des pays anglophones comme le Ghana, puis l'Ouganda. De son côté, l'existence de la Zone Franc a favorisé les liens entre francophones grâce à leur monnaie unique, tandis que les liens entre anglophones étaient cimentés, malgré leur divisions, par leur appartenance commune au Commonwealth. Un autre facteur de regroupement sur une base linguistique est apparu plus récemment avec l'implication de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Celle-ci est intervenue ces dernières années sur le terrain politique, en se signalant par des efforts de médiation, et a œuvré afin que ses membres, qui sont dans leur majorité africains, réussissent à présenter un front commun dans les enceintes internationales, notamment dans les négociations d'ordre économique.
Ils risquent toutefois de se trouver confrontés à l'hégémonisme de l'Afrique du Sud, le géant économique du continent, qui revendique aujourd'hui la direction du Nepad, le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique. Cette initiative destinée à relancer le développement du continent a été endossée l'année dernière par l'ultime sommet de l'OUA à Lusaka et doit constituer le cheval de bataille de la nouvelle Union africaine dont le premier sommet se réunit en juillet à Durban, précisément en Afrique du sud. Parrainé par le président sud-africain Thabo Mbeki mais aussi par ses homologues nigérian, algérien, sénégalais et égyptien, le Nepad est un enjeu majeur auprès des bailleurs de fonds, en particulier les pays du G8 qui se réunissaient en juin à Kananaskis au Canada.
La question du leadership autour du Nepad
De nombreux dirigeants francophones, mais ils ne sont pas les seuls, ne cachent pas en privé leur irritation de voir Thabo Mbeki se présenter dans ce contexte comme le porte-parole de l'Afrique auprès du monde développé et en « donneur de leçons » pour le reste du continent. Ainsi les Sénégalais ne manquent pas de souligner que le Nepad a finalement été le résultat de la fusion entre le plan du millénaire sud-africain (MAP) et le plan Omega de leur président Abdoulaye Wade. Les francophones avaient incontestablement marqué un point avec l'élection l'année dernière, au poste de secrétaire-général de l'OUA, de l'ivoirien Amara Essy face à des candidats anglophones de poids, et ce malgré l'opposition du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Mais cette nomination restait un compromis pour la période de transition vers l'Union africaine.
Majoritaires parmi les 53 membres de l'OUA, juste avant les anglophones - les autres : arabophones, lusophones ou hispanophone (Guinée équatoriale) venant loin derrière – les francophones n'ont toutefois presque jamais réussi à prendre l'avantage au sein de l'organisation panafricaine. Identifiés pour la plupart au bloc dit des « modérés », étroits partenaires de la France (à l'exception notable de la Guinée de Sékou Touré, du Bénin sous la houlette de Mathieu Kerekou première version, ou de Madagascar, à l'époque du marxisme-léninisme triomphant et de la guerre froide), ils ont été moins présents dans les débats panafricains, préférant souvent une approche régionale. Ils ont aussi été souvent moins actifs que les anglophones quand il s'agissait de débattre d'économie plutôt que de politique. On évoquera certaines différences culturelles face à des anglophones plus pragmatiques, mais aussi le peu de présence de poids lourds potentiels comme la Côte d'Ivoire, longtemps la locomotive de la Zone Franc ou comme l'ex-Zaïre devenu la République démocratique du Congo, un pays miné par les violences, le népotisme et la corruption du régime de Mobutu Sese Seko, avant de plonger dans le conflit actuel.
Le président Félix Houphouet Boigny avait par ailleurs subi les foudres des pays dits « progressistes », y compris ceux de la ligne de front d'Afrique australe, pour son dialogue politique avec l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid, dialogue destiné, selon lui, à encourager le changement pacifique. Il avait ainsi essayé de prendre la tête du groupe des « modérés » qui étaient à l'époque les principaux interlocuteurs des Occidentaux, mais ce bloc n'a pas réussi à imposer durablement ses points de vue dans l'organisation panafricaine.
Une logique de blocs au plan économique
A l'issue de la guerre froide, les pays occidentaux ont dans une certaine mesure favorisé les relations avec les pays engagés dans des réformes économiques préconisées par les institutions internationales comme le FMI et la Banque Mondiale et chères aux Américains. D'où la préférence et l'appui manifestés à des pays anglophones comme le Ghana, puis l'Ouganda. De son côté, l'existence de la Zone Franc a favorisé les liens entre francophones grâce à leur monnaie unique, tandis que les liens entre anglophones étaient cimentés, malgré leur divisions, par leur appartenance commune au Commonwealth. Un autre facteur de regroupement sur une base linguistique est apparu plus récemment avec l'implication de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Celle-ci est intervenue ces dernières années sur le terrain politique, en se signalant par des efforts de médiation, et a œuvré afin que ses membres, qui sont dans leur majorité africains, réussissent à présenter un front commun dans les enceintes internationales, notamment dans les négociations d'ordre économique.
par Marie Joannidis
Article publié le 24/05/2002