Irak
Le talon d’Achille sécuritaire
Alors que le Conseil de gouvernement irakien se réunissait pour la première fois dimanche à Bagdad, les Américains sont confrontés à l’insécurité qui retarde le retour à la normale dans le pays. Les 25 membres du Conseil de gouvernement transitoire ont inscrit au rang des priorités le rétablissement de la sécurité et de la stabilité ainsi que la relance de l'économie. Ils ont aussi décrété jour férié le 9 avril, date de la chute de Saddam Hussein.
De notre envoyé spécial à Bagdad
L’insécurité est en effet devenue la question la plus épineuse pour les forces de la coalition, comme vient de le reconnaître lui-même George Bush lors de sa tournée africaine. Un manque de stabilité qui retarde d’autant le retour à la vie normale pour les Irakiens et qui commence à sérieusement inquiéter la communauté expatriée.
Le général Tommy Franks l’a confirmé: les forces américaines font face à 10 à 25 attaques par jour. Selon des observateurs, ce chiffre pourrait même être sous-évalué pour ne pas entamer un peu plus le moral des 148 000 militaires américains présents en Irak. A cela s’ajoute des vols dont sont victimes les ONG et des incidents impliquant des personnels de l’ONU.
Des tirs de RPG et des jets de grenades à Mossoul contre des équipes de l’Office international des migrations (OIM) et du Programme alimentaire mondial (PAM), deux agences spécialisées des Nations unies, ont alourdit le climat. Le PAM a fait savoir qu’il avait été victime depuis le 10 juin «d’au moins 12 attaques, tirs ou pillages».
«Si un attentat devait entraîner des pertes parmi nos personnels, explique un haut responsable de l’ONU, nous serions obligé de mettre en place un plan d’évacuation, ce qui serait embarrassant non seulement pour nous mais pour les Américains qui ont besoin de notre aide». Il confirme l’inquiétude des services de sécurité de l’organisation internationale qui retarde l’arrivée de nouveaux personnels en Irak, alors que les besoins sur le terrains sont gigantesques.
A Bagdad, l’ONU compte 350 agents expatriés répartis entre l’Hôtel Qanat, son QG, et 9 hôtels. Pour le moment, les mesures de sécurité (niveau 4 sur une échelle de 5 degrés) concernant la vie quotidienne restent strictes: interdiction de sortir après 20 heures et de circuler en taxi, obligation d’évoluer dans Bagdad en tandem, comprenant un arabisant.
«Dans toutes les réunions entre l’ONU, les ONG et les Américains, la sécurité est désormais le sujet de discussion numéro un», remarque Elodie Adjali de Médecins du Monde (MDM), dont deux convois d’expatriés se sont fait dépouiller sur l’autoroute Amman-Bagdad. Déjà CARE, une ONG anglo-saxonne, a décidé de réduire de moitié ses personnels en Irak, de 10 à 5 personnes.
Les «boys» sont sur leurs gardes
Sur le terrain, les humanitaires cherchent au maximum à se distinguer de l’armée américaine en portant des signes visuels clairs sur leurs vêtements et sur leurs véhicules. «Pas question de prendre des gardes armés», affirme l’un d’entre eux, «car nous serions assimilés à des militaires». Pour le moment, les ONG travaillent normalement en Irak, «mais si nous venions a être pris pour cible, nous n’aurions plus d’autre choix que de partir», ajoute-t-il. Après trois mois de présence en Irak, les Américains n’ont toujours pas réussi à ramener l’ordre et le calme dans le pays. Pire: les GI'S se sentent aujourd’hui des cibles potentielles. La collecte d’armes ordonnée par Paul Bremer, l’administrateur civil américain, a tourné au fiasco. «Les ports d’armes ne sont plus délivrés», affirme un homme d’affaires qui a en obtenu un pour six mois début juin. «Les soldats américains ont la trouille et ne souhaitent qu’une seule chose, c’est rentrer chez eux», poursuit-il.
Face à l’augmentation des actes de résistance, les «boys » sont sur leurs gardes: s’approcher trop près d’une jeep ou d’un blindé peut être considéré comme une menace ou un signe d’hostilité. Dans la chaleur de l’été irakien qui dépasse les 50 degrés, le soldats ont la gâchette facile et gare à celui qui n’obtempère pas aux ordres…Pour bien discerner les passagers des véhicules, l’administration civile a décidé d’interdire les vitres fumées et les rideaux pare-soleil dans les voitures. Ironie de l’histoire: cette mesure avait été aussi prise du temps de Saddam Hussein avec bien peu de résultats pratiques. Tout comme l’ancien président irakien, les Américains veulent remettre sur pied une police tribale, comprenant toute l’influence des clans sur la vie quotidienne.
Beaucoup de Bagdadis limitent leurs déplacements, les femmes restent souvent confinées à la maison, ne sortant que pour faire les courses au marché. Les fillettes et les adolescentes ne se rendent plus à l’école ou à l’université, alors que la période des examens bat son plein.
Les vols de voitures et les cambriolages n’ont pas cessé, et même en pleine journée, des fusillades peuvent retentir dans Bagdad. Le journal Al-Zamane rapporte que des inconnus se sont introduits au siège de la compagnie nationale des ciments à Bagdad, emportant avec eux la totalité des fonds pour payer les salaires, évalués à 200 000 dollars.
Outre qu’elle accroît le mécontentement opulaire, «l’insécurité a des effets négatifs sur les efforts de reconstruction, explique un diplomate. Difficile dans cette absence de visibilité pour les compagnies étrangères de renvoyer leurs expatriés ou d’investir en Irak tant que la situation ne sera pas stabilisée».
L’insécurité est en effet devenue la question la plus épineuse pour les forces de la coalition, comme vient de le reconnaître lui-même George Bush lors de sa tournée africaine. Un manque de stabilité qui retarde d’autant le retour à la vie normale pour les Irakiens et qui commence à sérieusement inquiéter la communauté expatriée.
Le général Tommy Franks l’a confirmé: les forces américaines font face à 10 à 25 attaques par jour. Selon des observateurs, ce chiffre pourrait même être sous-évalué pour ne pas entamer un peu plus le moral des 148 000 militaires américains présents en Irak. A cela s’ajoute des vols dont sont victimes les ONG et des incidents impliquant des personnels de l’ONU.
Des tirs de RPG et des jets de grenades à Mossoul contre des équipes de l’Office international des migrations (OIM) et du Programme alimentaire mondial (PAM), deux agences spécialisées des Nations unies, ont alourdit le climat. Le PAM a fait savoir qu’il avait été victime depuis le 10 juin «d’au moins 12 attaques, tirs ou pillages».
«Si un attentat devait entraîner des pertes parmi nos personnels, explique un haut responsable de l’ONU, nous serions obligé de mettre en place un plan d’évacuation, ce qui serait embarrassant non seulement pour nous mais pour les Américains qui ont besoin de notre aide». Il confirme l’inquiétude des services de sécurité de l’organisation internationale qui retarde l’arrivée de nouveaux personnels en Irak, alors que les besoins sur le terrains sont gigantesques.
A Bagdad, l’ONU compte 350 agents expatriés répartis entre l’Hôtel Qanat, son QG, et 9 hôtels. Pour le moment, les mesures de sécurité (niveau 4 sur une échelle de 5 degrés) concernant la vie quotidienne restent strictes: interdiction de sortir après 20 heures et de circuler en taxi, obligation d’évoluer dans Bagdad en tandem, comprenant un arabisant.
«Dans toutes les réunions entre l’ONU, les ONG et les Américains, la sécurité est désormais le sujet de discussion numéro un», remarque Elodie Adjali de Médecins du Monde (MDM), dont deux convois d’expatriés se sont fait dépouiller sur l’autoroute Amman-Bagdad. Déjà CARE, une ONG anglo-saxonne, a décidé de réduire de moitié ses personnels en Irak, de 10 à 5 personnes.
Les «boys» sont sur leurs gardes
Sur le terrain, les humanitaires cherchent au maximum à se distinguer de l’armée américaine en portant des signes visuels clairs sur leurs vêtements et sur leurs véhicules. «Pas question de prendre des gardes armés», affirme l’un d’entre eux, «car nous serions assimilés à des militaires». Pour le moment, les ONG travaillent normalement en Irak, «mais si nous venions a être pris pour cible, nous n’aurions plus d’autre choix que de partir», ajoute-t-il. Après trois mois de présence en Irak, les Américains n’ont toujours pas réussi à ramener l’ordre et le calme dans le pays. Pire: les GI'S se sentent aujourd’hui des cibles potentielles. La collecte d’armes ordonnée par Paul Bremer, l’administrateur civil américain, a tourné au fiasco. «Les ports d’armes ne sont plus délivrés», affirme un homme d’affaires qui a en obtenu un pour six mois début juin. «Les soldats américains ont la trouille et ne souhaitent qu’une seule chose, c’est rentrer chez eux», poursuit-il.
Face à l’augmentation des actes de résistance, les «boys » sont sur leurs gardes: s’approcher trop près d’une jeep ou d’un blindé peut être considéré comme une menace ou un signe d’hostilité. Dans la chaleur de l’été irakien qui dépasse les 50 degrés, le soldats ont la gâchette facile et gare à celui qui n’obtempère pas aux ordres…Pour bien discerner les passagers des véhicules, l’administration civile a décidé d’interdire les vitres fumées et les rideaux pare-soleil dans les voitures. Ironie de l’histoire: cette mesure avait été aussi prise du temps de Saddam Hussein avec bien peu de résultats pratiques. Tout comme l’ancien président irakien, les Américains veulent remettre sur pied une police tribale, comprenant toute l’influence des clans sur la vie quotidienne.
Beaucoup de Bagdadis limitent leurs déplacements, les femmes restent souvent confinées à la maison, ne sortant que pour faire les courses au marché. Les fillettes et les adolescentes ne se rendent plus à l’école ou à l’université, alors que la période des examens bat son plein.
Les vols de voitures et les cambriolages n’ont pas cessé, et même en pleine journée, des fusillades peuvent retentir dans Bagdad. Le journal Al-Zamane rapporte que des inconnus se sont introduits au siège de la compagnie nationale des ciments à Bagdad, emportant avec eux la totalité des fonds pour payer les salaires, évalués à 200 000 dollars.
Outre qu’elle accroît le mécontentement opulaire, «l’insécurité a des effets négatifs sur les efforts de reconstruction, explique un diplomate. Difficile dans cette absence de visibilité pour les compagnies étrangères de renvoyer leurs expatriés ou d’investir en Irak tant que la situation ne sera pas stabilisée».
par Christian Chesnot
Article publié le 13/07/2003