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Attentats

Procès Moussaoui: l'administration Bush défie la justice

Reporté sine die, le procès de Zacarias Moussaoui, seul inculpé aux Etats-Unis en liaison avec les attentats du 11 septembre, est empêtré dans les batailles procédurières. Alors que la juge en charge du dossier a autorisé ce Franco-marocain de 36 ans à faire comparaître un témoin, membre présumé d’al-Qaïda, l’organisation terroriste d’Oussama ben Laden, les autorités américaines refusent une telle audition qu’elles considèrent comme pouvant porter atteinte à la sécurité nationale. Cette position pourrait entraîner un non-lieu contre Zacarias Moussaoui et donner ainsi la possibilité à l’administration Bush de le faire juger par un tribunal militaire.
La décision des autorités américaines de refuser à Zacarias Moussaoui l’audition d’un témoin clé, qu’il affirme pouvoir le disculper, semble bel et bien irrévocable. Ce témoin n’est autre que Ramzi ben al-Shaiba, l’un des coordinateurs présumés des attentats contre New York et Washington qui avaient fait quelque 3 000 morts. L’homme est détenu au secret par les autorités américaines depuis sa capture au Pakistan en septembre dernier. La juge Leonie Brinkema, en charge du dossier de Zacarias Moussaoui, avait autorisé en janvier dernier celui que les Américains accusent d’être «le 20ème homme» des commandos suicide à faire comparaître celui qui aurait financé et organisé les attaques terroristes du 11 septembre. Mais le procureur fédéral, Paul McNulty, avait aussitôt fait appel de cette décision devant une juridiction qui, à deux reprises –le 26 juin et le 3 juillet–, a rejeté sa demande.

Ce double revers judiciaire n’a toutefois pas empêché le département américain de la Justice de maintenir sa décision d’empêcher coûte que coûte l’audition de Ramzi ben al-Shaiba. «Une déposition qui permettrait à un terroriste avoué et non repentant –Zacarias Moussaoui qui assure sa propre défense a toujours clamé son appartenance au réseau d’Oussama ben Laden– de questionner l’un de ses complices d’al-Qaïda, entraînerait nécessairement la mise sur la place publique d’informations classées secrètes», a tenté de justifié Paul McNulty dans une lettre à la juge Leonie Brinkema. Selon lui, un tel scénario est inacceptable pour le gouvernement américain qui a la double responsabilité de traduire en justice l’accusé et également de «protéger la sécurité de la nation». «Les autorités, a-t-il insisté, sont engagées dans une guerre contre un ennemi qui a déjà tué des milliers de nos concitoyens».

Dans une déclaration sous serment communiquée à la juge en charge du dossier Moussaoui, l'Attorney general John Ashcroft a souligné que le gouvernement américain reconnaissait que sa décision allait «contraindre la cour» soit à rejeter l’acte d’accusation, soit à prendre d’autres sanctions. Un aveu franc de la position sans appel des autorités américaines dans ce dossier.

Renvoi vers un tribunal militaire ?

Face au refus affiché des autorités américaines de se soumettre à sa décision, la juge Leonie Brinkema pourrait accuser le département de la Justice d’outrage à magistrat et prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre de Paul McNulty et son équipe. Dans ce contexte et dans le cas où elle ordonnerait la poursuite du procès, elle serait alors en mesure de négocier avec le cabinet du procureur fédéral l’abandon de la peine capitale, Zacarias Moussaoui devant répondre de six chefs d’inculpation dont quatre sont passibles de la peine de mort. Elle pourrait également prendre le prétexte de ne pas être en mesure d’offrir un procès équitable au jeune Franco-marocain pour décider de prononcer un non lieu contre celui qui demeure le seul inculpé aux Etats-Unis en liaison avec les attentats du 11 septembre.

Cet éventuel abandon des charges contre Moussaoui ne le dispense toutefois pas d’être jugé aux Etats-Unis. Le gouvernement pourrait en effet décider de le transférer devant un tribunal militaire spécial. Considéré dans ce contexte comme un combattant illégal, il perdrait tout les droits accordés lors d’une procédure civile. Son procès se déroulerait en effet à huis clos devant une juridiction où seule une majorité aux deux tiers est requise pour un verdict.

Arrêté quelques semaines avant les attentats du 11 septembre, Zacarias Moussaoui est accusé par les autorités américaines d’être le terroriste manquant, le 20ème homme des commandos suicide qui ont dirigé les attaques suicide contre le World Trade Center et le Pentagone. S’il a toujours affirmé appartenir au réseau al-Qaïda d’Oussama ben Laden, le jeune Franco-marocain nie toutefois avoir participé aux attentats du 11 septembre. Ses avocats, commis d’office, affirment en outre qu’il devait bien participer à des attentats mais hors du territoire américain.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 15/07/2003