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Attentats

Rapport accablant pour la CIA et le FBI

Un rapport d’enquête parlementaire sur les circonstances des attentats du 11 septembre 2001, publié jeudi, a mis en évidence les défaillances des services de renseignement américains, qui n’auraient pas pris au sérieux de nombreuses informations annonciatrices du drame. Ce document de 900 pages couronne neuf mois d’enquête et d’auditions réalisées par les commissions du renseignement du sénat et de la chambre des représentants. Il reproche notamment aux services secrets américains d’avoir laissé passer des occasions de recueillir des renseignements qui auraient pu permettre de découvrir et déjouer les plans d’al-Qaïda contre New York et Washington. Ce rapport très détaillé a toutefois été censuré en partie par l’administration Bush qui «pour des raisons de sécurité nationale» refusait d’y voir figurer les preuves sur l’implication présumée de l’Arabie saoudite dans les attentats du 11 septembre. Une décision qui a déclenché la colère des démocrates et des proches des victimes de ces attaques terroristes.
Si le rapport reconnaît que ni la CIA, ni le FBI, ni la NSA, l’agence chargée d’espionner les communications électroniques à l’échelle de la planète, ne disposaient d’indices précis sur la date et les lieux des attaques terroristes du 11 septembre, il pointe en revanche l’existence d’«un nombre significatif d’informations pertinentes» qui auraient pu permettre en amont de prévenir le drame. Les enquêteurs ont ainsi retrouvé plusieurs rapports des services secrets américains, certains datant de 1998, indiquant que le réseau d’Oussama ben Laden songeait à organiser des attaques dans des endroits publics de New York et Washington à l’aide d’avions commerciaux. Selon ces documents al-Qaïda avait même dépêché ces agents pour tester les systèmes de sécurité des aéroports new-yorkais.

Le rapport parlementaire contient par ailleurs de nombreux exemples de mauvaises communications entre les différents services de renseignement et de mauvaise organisation à l’intérieur même des agences. Ainsi la NSA, l’agence chargée des écoutes, a été épinglée pour n’avoir jamais transmis à la CIA et au FBI des conservations interceptées au début de 1999 indiquant que deux des futurs kamikazes, Nawaf al-Hazmi et Khaled al-Mihdar, étaient en relation avec une cellule d’al-Qaïda au Moyen Orient. Cette information n’a été révélée qu’au début de 2002, plus de trois mois après que les deux hommes, à bord d’un Boeing, se soient écrasés sur le Pentagone. La NSA aurait également intercepté entre le 8 et le 10 septembre «plusieurs communications qui indiquaient une possible attaque terroriste à venir».

De son côté la CIA était au courant, deux ans avant les attentats, des liens avec le réseau al-Qaïda de Nawaf al-Hazmi et Khaled al-Mihdar. Les deux hommes se sont installés en toute tranquillité à San Diego en Californie en septembre 2000 et ont même eu de nombreux contacts avec un informateur du FBI sans être inquiétés. Pour le bureau fédéral, si la CIA avait révélé ce qu’elle savait de ces deux individus, «cela aurait fait une énorme différence». Mais le FBI n’est toutefois pas en reste puisque l’enquête parlementaire révèle que 14 personnes fichées par la police fédérale ont eu des relations avec au moins 4 des terroristes ayant participé aux attentats du 11 septembre sans que cela n’éveille la moindre interrogation.

28 pages problématiques

Le rapport accuse donc en substance la CIA de n’avoir pas su utiliser les informations dont elle disposait sur les pirates de l’air qui ont commis les attentats, le FBI d’avoir été incapable de traquer les membres d’al-Qaïda présents aux Etats-Unis et la NSA de ne pas avoir transmis les communications qu’elle avait interceptées. «Pour diverses raisons, la communauté du renseignement n’a pas été capable d’exploiter des informations importantes qui semblent liées aux événements du 11 septembre. En conséquence, conclut ce document, elle a manqué des occasions de déjouer le complot en empêchant les terroristes en puissance d’entrer sur le territoire américain ou en les arrêtant».

Outre la responsabilité des différentes agences de renseignement, l’enquête parlementaire a soulevé de nombreuses interrogations concernant notamment le rôle de l’Arabie saoudite dans le financement des attentats du 11 septembre. Sur ce sujet les réponses demeurent toutefois des plus ambiguës, l’administration Bush ayant refusé, pour des raisons de sécurité nationale, de lever le secret sur les 28 pages du rapport qui y sont consacrées. Selon plusieurs sources, ces pages classées top-secret traitent notamment de la politique saoudienne de soutien au fondamentalisme et l’absence de mesure contre le réseau al-Qaïda. Des informations ont également filtré dans la presse signalant que l’un des associés de deux pirates de l’air ayant participé aux attentats du11 septembre était en fait un agent des services secrets saoudiens. Il aurait eu un accès illimité à des fonds en provenance d’Arabie saoudite.

L’ambassadeur à Washington de la monarchie saoudienne a vivement démenti ces informations les qualifiant de «sans fondement». «L’idée que le gouvernement saoudien a financé, organisé ou était même au courant du 11 septembre est malicieuse et sans fondement», a-t-il précisé regrettant la décision de la Maison Blanche de mettre sous le sceau du secret une partie du rapport. «Nous ne pouvons répondre à des pages blanches», a-t-il souligné. Pour des raisons différentes, les démocrates ont également dénoncé la décision de la Maison Blanche de présenter un rapport en partie censuré. «Il semble y avoir une stratégie systématique d’indulgence et de dissimulation en ce qui concerne les Saoudiens», s’est ainsi indigné le sénateur démocrate Charles Schumer tandis que Joseph Lieberman, candidat à l’investiture démocrate soulignait que «la sécurité des Américains ne s’améliorera que quand ils connaîtront toute l’histoire».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 25/07/2003