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Rwanda

Législatives : le FPR, faute d’adversaire

Près de quatre millions d’électeurs étaient appelés ce mardi à élire la majorité de leurs députés au suffrage universel direct. C’est la phase la plus importante des premières élections législatives depuis le génocide de 1994, qui se déroulent de lundi à jeudi. Cinquante-trois députés sur 80 sont directement élus par la population, les autres étant des représentants élus des femmes, des jeunes et des handicapés. La campagne électorale a été relativement atone, après les meetings géants qui ont précédé la présidentielle du 25 août, remportée avec 95,05% des voix par Paul Kagame. Mais l’ombre du génocide, neuf ans après les massacres, plane toujours sur la politique rwandaise.
De notre correspondante à Kigali

«Mukecuru», la veille, trône à l’entrée de sa petite maison de Kicukiro, un quartier du sud de Kigali, la capitale. Du haut de ses 90 ans, elle toise ses trois neuveu et nièces en pleins préparatifs pour aller voter. Leur choix est fait : ce sera le FPR, le parti du président Kagame. «Vous allez encore élire le président, c’est bien !», leur chuchote Mukecuru de sa voix criarde. Le déroulement compliqué de ces élections législatives lui échappe, mais elle répète les phrases diffusées depuis neuf ans par le parti au pouvoir : «Pour qu’il n’y ait plus de génocide, il faut voter pour le FPR, le parti de l’unité et de la réconciliation.» La vieille a perdu tous ses fils, ses belle-filles et la plupart de ses petits enfants durant les massacres. Autour d’elle, deux jeunes filles d’une vingtaine d’années et un jeune homme un peu plus âgé sont les seuls proches qui lui restent. Il se rendent au bureau de vote qui leur est assigné à l’Ecole technique officielle (ETO) de Kicukiro, où des files d’attente se sont déjà formées avant 6 heures du matin. Ironie du sort, c’est aussi l’endroit où toute leur famille a été exterminée pendant le génocide.

Une ambiance paisible règne néanmoins dans le site, comme lors de l’élection précédente. Les habitants se saluent, le sourire aux lèvres, avec dans la plupart des cas l’impression d’accomplir un acte symbolique : «Je suis émue c’est la première fois que je vote, j’étais à l’étranger pour la présidentielle et je crois que c’est un moment important pour le pays», explique Annie, qui a revêtu son plus beau pagne pour l’occasion.

Pas de véritable opposition

Ces élections sont en effet présentées comme les premières élections multipartites depuis l’indépendance du pays en 1962. Mais l’enjeu est faible. Sans véritable opposition face à lui, le FPR est le grand favori du scrutin. Le seul qui aurait pu lui faire concurrence, le MDR, principal parti hutu créé en 1959, a été dissout avant les élections. Le parti qui devait lui succéder, l’Adep-Mizero, n’a pas obtenu l’agrément pour les législatives. Quant au président de ce parti, Célestin Kabanda, l’un des principaux opposants rwandais, jugé coupable de fraude, il a été rayé de la liste des candidats indépendants. «Depuis le début, il y a une campagne organisée contre moi par des gens qui ne veulent pas me voir siéger à l’assemblée», accuse Kabanda, l’ex-président du MDR et proche de Faustin Twagiramungu, le rival malheureux de Paul Kagame à la présidentielle.

Les trois autres partis en course face au FPR ont soutenu Kagame à la présidentielle. Ils ne sont donc pas considérés comme des mouvements d’opposition, mais «les députés de ces partis, une fois élus et non plus nommés par le pouvoir, pourraient toutefois prendre un peu d’autonomie vis-à-vis du parti présidentiel», estime Alyson Des Forges, spécialiste américaine des Grands lacs pour Human Rights Watch.

Les trois petites formations, le Parti libéral, le Parti social démocrate et le Parti pour le progrès et la concorde, n’ont pas été à l’abri d’ennuis pendant la campagne. Meetings annulés, candidats interpellés, matériel confisqué… autant d’incidents dont le FPR est le seul à avoir été épargné. «Ces problèmes sont dus pour la plupart à leur manque d’organisation. Le FPR est beaucoup mieux préparé», se défend Christophe Bazivamo, le ministre de l’Administration locale, chargé de l’organisation du scrutin et également…directeur de campagne du FPR. S’exprimant sur le scrutin juste après avoir glissé son bulletin de vote dans l’urne, le président Kagame a d’ailleurs affirmé qu’il prédisait la victoire du FPR mais que «toutes les tendances seraient représentées à l’assemblée».

Il est bientôt 15 heures, les bureaux de vote vont fermer. Antoine vient de voter à Kicukiro, où la participation, comme dans de nombreux sites de Kigali, semble bien moins importante que lors de la présidentielle (avec ses 95% de participation). Il est l’un des rares à accepter de s’exprimer bien qu’il n’ait pas voté pour le FPR. «Je suis rescapé du génocide, et je crois que le Parti libéral qui compte de nombreux survivants des massacres est plus capable de résoudre nos problèmes», explique ce jeune homme d’une vingtaine d’années. Créé en 1991 par des Tutsi, avant le génocide, le PL est considéré comme le parti des rescapés de la même ethnie. «J’ai voté Kagame à la présidentielle, mais le FPR, ça ne me dit rien. C’est un parti pour ceux qui sont au pouvoir !», poursuit-il avant d’ajouter d’une voix timide : «J’espère que le dépouillement se passera bien».

Près de 70 observateurs de l’Union européenne sont éparpillés dans le pays. Ils avaient dénoncé des «cas de fraude» lors de la présidentielle et se sont déclarés particulièrement vigilants.



par Pauline  Simonet

Article publié le 30/09/2003