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Rwanda

Atmosphère tendue pour la présidentielle

Quelque quatre millions de Rwandais sont appelés lundi aux urnes à l’occasion de la première élection présidentielle pluraliste depuis l’indépendance de l’ancienne colonie belge en 1962, un scrutin uninominal à un tour dont le président sortant Paul Kagame est le grand favori. Le vainqueur sera élu pour un mandat de sept ans, renouvelable une seule fois. Son principal adversaire est Faustin Twagiramungu, ancien Premier ministre hutu modéré rentré en juin après huit ans d’exil volontaire en Europe. Une campagne qui se déroule dans une atmosphère tendue.
De notre correspondante à Kigali

La ville se réveille et s’endort au son de la musique de campagne très rythmée du président-candidat Kagame. «‘Tora neza : Kagame’ votez-bien :Kagame !», hurlent des haut-parleurs accrochés sur des véhicules. Les rues de Kigali, et l’entrée des principales bourgades du pays, sont décorées d’affiches du président sortant. Son effigie s’exhibe sur l’arrière des voitures, sur des casquettes, et des t-shirts aux couleurs du FPR, le parti au pouvoir. Tous les candidats en ont l’autorisation, mais aucun n’en a les moyens. Dans ce contexte, difficile de se souvenir qu’il y a trois autres candidats en course pour l’élection présidentielle lundi prochain, tant ils sont invisibles sur la place publique. Le principal d’entre eux, Faustin Twagiramungu, est un Hutu modéré, rescapé du génocide, qui avait fait alliance avec le FPR avant de devenir premier ministre de juillet 1994 à août 1995, alors que Kagame était vice-président et le véritable homme fort du régime.

La campagne permet d’entendre des discours indépendants, à la radio nationale notamment, mais se déroule dans une atmosphère tendue.

Deux clans s’opposent . Le premier est celui de Kagame et de la seule femme candidate, Alivera Mukabaramba, une médecin. C’est de ce camp qu’émanent les accusations de «divisionnisme ethnique» à l’encontre des deux autres candidats : Twagiramungu et un ancien ministre Jean-Népomucène Nayinzira, également hutu. Ces derniers sont accusés de vouloir jouer la carte ethnique des Hutus majoritaires pour remporter les élections et de rallumer les foudres qui ont mené au génocide de 1994. L’accusation de «divisionnisme» est grave dans ce petit pays de huit millions d’habitants. Les massacres avaient fait près d’un million de morts parmi la minorité tutsie et les Hutus modérés, selon Kigali.

Accusation de «divisionnisme»

En raison de son manque de moyens, plutôt que dans les stades, Twagiramungu fait campagne dans les salles de conférence, où il exprime sa colère à la presse. «C’est une honte, que le FPR, avec qui j’ai collaboré et risqué ma vie me traite de divisionniste et corrompe ou intimide mes sympathisants. C’est une sale politique», s’est-il écrié à plusieurs reprises devant les journalistes. Car selon Twagiramungu et des défenseurs des droits de l’homme, le FPR utiliserait l’accusation de «divisionnisme» pour discréditer son principal rival.L’ancien parti de Twagiramungu, le MDR, a été dissout de facto avant la campagne, après avoir été accusé de prêcher la division ethnique, contraignant l’ancien premier ministre à faire campagne en solo.

Le président Kagame enchaîne quant à lui les meetings grandioses, à grand renfort de musique, dans des stades archicombles. Faisant résonner à travers le pays sa principale promesse : l’école primaire et les trois premières années du secondaire gratuites pour tous. Aidé par un public conquis d’avance ou bien entraîné, il dispense son leitmotiv d’unité et de réconciliation : «il n’y a plus de Hutus ou de Tutsis, nous sommes tous des Rwandais», scande-t-il devant ses sympathisants.

L’exercice est plus délicat pour Twagiramungu qui doit contourner les interdits fixés par la constitution : ne pas prêcher de discours qui pourrait semer la division des Rwandais, tout en dénonçant les inégalités. Il harangue la foule debout sur une petite table en bois, devant un pupitre maigrement décoré de son emblème : un arbre cousu à la hâte sur un morceau de tissu. Sans jamais prononcer les mots Hutus et Tutsis, devenus tabous depuis le génocide, il déplore publiquement que les juridictions populaires gacaca ne traitent que des actes commis durant le génocide sans évoquer les crimes du FPR. Sur le plan des inégalités, il s’insurge contre la mainmise du FPR non seulement dans la fonction publique mais aussi sur le pouvoir économique.

Mais à Cyangugu, le fief de Twagiramungu dans le sud-ouest du pays, ils n’étaient pas très nombreux le week-end dernier à être venus écouter son discours. Selon lui, les autorités locales, proches du FPR, font pression et intimident la population. «Nous l’avons autorisé à concourir, comment peut-il nous accuser d’être malhonnêtes», se défend le président sortant. Pour superviser le bon déroulement du processus électoral, quelque 800 observateurs seront dispersés dans le pays et autour des 2000 sites de votes lundi. Environ 250 observateurs sont des étrangers, dont 80 envoyés par l’Union européenne. Les quatre candidats ont jusqu’à dimanche 6 heures du matin, pour faire campagne.

Ecouter également :

Bernard Nageotte, notre envoyé spécial à Cyangugu dans le sud du pays.

Pauline Simonet, notre correspondante au Rwanda, décrit l'ambiance de cette élection historique, deux heures après l'ouverture des bureaux de vote.

Invités Afrique du 22 août 2003, Christophe Bazivamo directeur de campagne du président sortant Paul Kagame et Jean Népomuscène Nayinzira, ancien ministre démissionnaire et candidat à la prochaine élection présidentielle répondent aux questions de Pauline Simonet (4'57")

L'invité Afrique du 21 août 2003, l'ancien Premier ministre rwandais Faustin Twagiramungu répond aux questions de Pauline Simonet (5'30")



par Pauline  Simonet

Article publié le 22/08/2003