Rwanda
Des élections sous influence
Un peu plus de quatre millions d’électeurs sont appelés aux urnes le 25 août pour des présidentielles et le 29 septembre pour des législatives qui doivent marquer la fin de la transition, ouverte par le Front patriotique rwandais (FPR) le 19 juillet 1994, après sa victoire militaire contre les artisans du génocide. Les candidats à la magistrature suprême devaient faire acte de candidature entre le 14 et le 18 juillet. Le chef de l’Etat en titre, Paul Kagame escompte un plébiscite. Outre trois petits outsiders, il aura en face de lui un ancien partenaire de l’ère post-génocide, Faustin Twagiramungu. Premier ministre de 1994 à 1995, démissionné par le régime FPR, exilé huit ans durant en Belgique, Faustin Twagiramungu devra concourir sans étiquette, son parti, le Mouvement démocratique républicain (MDR) ayant été dissout.
En avril 2000, le général Kagame avait été porté à la présidence de la République par le Parlement, à la place du premier président de la transition, Pasteur Bizimungu, «démissionné», puis emprisonné en 2002, après avoir voulu rebondir politiquement en créant son propre parti. Cette fois, c’est devant le suffrage universel que le président Kagame va briguer un septennat, renouvelable une fois. La campagne démarre le 1er août. Mais pour lui, elle est lancée de longue date. Le FPR s’est entouré de précautions législatives et procédurales pour limiter la concurrence. En neuf ans, le gel obligé de la vie politique rwandaise a fait le reste. C’est ainsi que, en dehors du FPR (et du MDR désormais exclu), les autres petits partis du gouvernement «d’unité nationale» actuel, le Parti démocrate chrétien (PDC), le Parti libéral (PL), le Parti social démocrate (PSD) et le Parti démocratique islamique (PDI) – soit la majorité des partis politiques agréés au Rwanda – se contenteront de soutenir la candidature du président Kagame, officialisée le 14 juillet.
Faute d’avoir été présenté par le PDC, dont il est pourtant le président fondateur, l’ancien ministre Jean Népomuscène Nayinzira sera en lice comme «indépendant». Autres petits candidats : un médecin, Théoneste Niyitegeka et une femme, Alivera Mukabaramba. Celle-ci était députée sur un siège attribué au MDR. Mais ce parti historique est dans le collimateur du pouvoir FPR qui l’accuse d’alimenter le «démon ethnique». En fait, le pouvoir craint surtout un scénario électoral à la burundaise, à l’image de la victoire en 1993 du parti dans lequel la majorité hutu s’était reconnue (le Front démocratique du Burundi - Frodebu), lors du premier scrutin pluraliste chez les voisins du Rwanda. Un volumineux rapport politico-juridique condamnait le MDR à la dissolution. Le parti avait jusqu’à dimanche dernier pour tenter d’obtenir un nouvel agrément. Mais personne n’a relevé le gant. Lointain successeur de Faustin Twagiramungu, le dernier président du MDR, Célestin Kabanda a lancé un nouveau parti le 12 juillet, l’Alliance pour la démocratie, l’équité et le progrès (Adep-Mizero, espoir en kinyarwanda).
«Monarchie républicaine»
Madame Mukabaramba a, elle aussi, pris la tête d’un nouveau parti, immédiatement agréé, le Parti du progrès et de la concorde (PPC). Placée sous l’étendard d’un parti, à l’instar du président Kagame, et à la différence de ses concurrents indépendants, elle n’a pas eu à remplir la formalité des 600 signatures de soutien de citoyens rwandais, dont au moins trente dans chacune des onze provinces du pays. Jean Népomuscène Nayinzira a remis sa liste dès jeudi. Le docteur Niyitega et Faustin Twagiramungu l’on fait ce matin. Ce dernier a même présenté 1 200 signatures. Mais il relève qu’un de ses partisans potentiels du Mutara a été contraint manu militari à une visite des réalisations locales du FPR. Pourquoi changer une équipe qui gagne ? interroge en effet le FPR, qui fait campagne en promettant de renforcer l’économie du pays et de relever le niveau de vie des Rwandais.
Paul Kagame ne peut douter un instant de sa victoire. Il envisagera alors, dit-il, d’associer «les partis perdants au gouvernement pour renforcer l’unité du pays». C’est déjà ce qu’il avait fait avec ses obligés d’hier. En attendant, il n’hésite pas à prophétiser que «ceux qui seront élus devront être à 100% en phase avec l’actuel agenda politique, destiné à construire le pays». Faute de quoi, seraient compromis «la sécurité nationale, l’unité, le développement et la démocratie». L’opposition en exil avait demandé, en vain, un report des scrutins, le temps de discuter d’un éventuel retour. Mais bien sûr, si des négociations inter-rwandaises s’ouvrent un jour, cela ne sera sûrement pas dans des circonstances qui menaceraient d’une quelconque façon le pouvoir du FPR. Moins d’une décennie après le génocide, cela n’est pas du tout à l’ordre du jour avec les rebelles rwandais du Congo. Mais Paul Kagame agite beaucoup plus largement le chiffon ethnique lorsqu’il assure : «je sais que les vues de ceux qui ont l’intention de revenir sont fondées sur la division» et «quiconque apporterait la division ne sera pas élu».
Faustin Twagiramungu est rentré à Kigali en juin dernier. Même si les moyens matériels et l’accès aux médias nationaux lui font défaut, il sera de fait le principal challenger de Kagame. Dans le régime FPR, il dénonce «une monarchie républicaine qui se construit sur les cadavres de mes concitoyens hutu et tutsi, de mes amis, de mes frères et voisins, pour satisfaire les intérêts d’une oligarchie sans autre projet que de détruire ceux qui contestent son pouvoir, sous le seul prétexte d’avoir arrêté le génocide». Lui-même a risqué sa vie pendant le génocide. Mais comme opposant, il s’est déjà entendu ranger dans le camp des «génocidaires». Pour le FPR, Paul Kagame doit être élu sans coup férir. Mais en même temps, il a besoin d’élections présentables à l’extérieur. En outre, il n’y aurait pas de quoi se vanter à emporter la course sur quelques lièvres. En fin de compte, l’entrée en lice de Twagiramungu offre à Kagame une compétition honorable, bien qu’inégale. Reste à savoir si le FPR peut accepter, au moins, un véritable débat contradictoire.
Faute d’avoir été présenté par le PDC, dont il est pourtant le président fondateur, l’ancien ministre Jean Népomuscène Nayinzira sera en lice comme «indépendant». Autres petits candidats : un médecin, Théoneste Niyitegeka et une femme, Alivera Mukabaramba. Celle-ci était députée sur un siège attribué au MDR. Mais ce parti historique est dans le collimateur du pouvoir FPR qui l’accuse d’alimenter le «démon ethnique». En fait, le pouvoir craint surtout un scénario électoral à la burundaise, à l’image de la victoire en 1993 du parti dans lequel la majorité hutu s’était reconnue (le Front démocratique du Burundi - Frodebu), lors du premier scrutin pluraliste chez les voisins du Rwanda. Un volumineux rapport politico-juridique condamnait le MDR à la dissolution. Le parti avait jusqu’à dimanche dernier pour tenter d’obtenir un nouvel agrément. Mais personne n’a relevé le gant. Lointain successeur de Faustin Twagiramungu, le dernier président du MDR, Célestin Kabanda a lancé un nouveau parti le 12 juillet, l’Alliance pour la démocratie, l’équité et le progrès (Adep-Mizero, espoir en kinyarwanda).
«Monarchie républicaine»
Madame Mukabaramba a, elle aussi, pris la tête d’un nouveau parti, immédiatement agréé, le Parti du progrès et de la concorde (PPC). Placée sous l’étendard d’un parti, à l’instar du président Kagame, et à la différence de ses concurrents indépendants, elle n’a pas eu à remplir la formalité des 600 signatures de soutien de citoyens rwandais, dont au moins trente dans chacune des onze provinces du pays. Jean Népomuscène Nayinzira a remis sa liste dès jeudi. Le docteur Niyitega et Faustin Twagiramungu l’on fait ce matin. Ce dernier a même présenté 1 200 signatures. Mais il relève qu’un de ses partisans potentiels du Mutara a été contraint manu militari à une visite des réalisations locales du FPR. Pourquoi changer une équipe qui gagne ? interroge en effet le FPR, qui fait campagne en promettant de renforcer l’économie du pays et de relever le niveau de vie des Rwandais.
Paul Kagame ne peut douter un instant de sa victoire. Il envisagera alors, dit-il, d’associer «les partis perdants au gouvernement pour renforcer l’unité du pays». C’est déjà ce qu’il avait fait avec ses obligés d’hier. En attendant, il n’hésite pas à prophétiser que «ceux qui seront élus devront être à 100% en phase avec l’actuel agenda politique, destiné à construire le pays». Faute de quoi, seraient compromis «la sécurité nationale, l’unité, le développement et la démocratie». L’opposition en exil avait demandé, en vain, un report des scrutins, le temps de discuter d’un éventuel retour. Mais bien sûr, si des négociations inter-rwandaises s’ouvrent un jour, cela ne sera sûrement pas dans des circonstances qui menaceraient d’une quelconque façon le pouvoir du FPR. Moins d’une décennie après le génocide, cela n’est pas du tout à l’ordre du jour avec les rebelles rwandais du Congo. Mais Paul Kagame agite beaucoup plus largement le chiffon ethnique lorsqu’il assure : «je sais que les vues de ceux qui ont l’intention de revenir sont fondées sur la division» et «quiconque apporterait la division ne sera pas élu».
Faustin Twagiramungu est rentré à Kigali en juin dernier. Même si les moyens matériels et l’accès aux médias nationaux lui font défaut, il sera de fait le principal challenger de Kagame. Dans le régime FPR, il dénonce «une monarchie républicaine qui se construit sur les cadavres de mes concitoyens hutu et tutsi, de mes amis, de mes frères et voisins, pour satisfaire les intérêts d’une oligarchie sans autre projet que de détruire ceux qui contestent son pouvoir, sous le seul prétexte d’avoir arrêté le génocide». Lui-même a risqué sa vie pendant le génocide. Mais comme opposant, il s’est déjà entendu ranger dans le camp des «génocidaires». Pour le FPR, Paul Kagame doit être élu sans coup férir. Mais en même temps, il a besoin d’élections présentables à l’extérieur. En outre, il n’y aurait pas de quoi se vanter à emporter la course sur quelques lièvres. En fin de compte, l’entrée en lice de Twagiramungu offre à Kagame une compétition honorable, bien qu’inégale. Reste à savoir si le FPR peut accepter, au moins, un véritable débat contradictoire.
par Monique Mas
Article publié le 18/07/2003