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Jacques Chirac au Niger et au Mali

Le chef de l’Etat français entame mercredi une visite officielle de quatre jours au Niger et au Mali. Pauvres parmi les pauvres ces deux pays attendent beaucoup de cette visite. Le chef de l’Etat français sera accompagné de quelques hommes d’affaires et des ministres de l’Agriculture Hervé Gaymard et de la Coopération, Pierre-André Wiltzer.
Les services de communication de l’Elysée à Paris placent le nouveau voyage présidentiel au Niger et au Mali sous le sceau du soutien au développement et à la bonne gouvernance. Mais les motivations sont aussi ailleurs. Il s’agit pour la diplomatie française de se rappeler au bon souvenir de ses ex-colonies, à plus de 90% musulmane, dont la dernière visite d’un président de la République française, François Mitterrand, remonte à 1982 pour le Niger et à 1986 pour le Mali. Le contexte politique international offre au président Jacques Chirac l’opportunité d’évoquer la solidarité internationale et le devoir de soutien des pays industrialisés en faveur des plus pauvres.

C’est à l’Assemblée nationale nigérienne que le président Chirac posera un premier acte politique dès son arrivée à Niamey, en s’adressant aux élus du peuple pour affirmer son attachement aux valeurs démocratiques dans un pays où aucun président élu n’a jamais terminé son mandat. Mais les Nigériens l’attendent sur des dossiers sensibles, parmi lesquels des questions relatives aux échanges bilatéraux, suite à l’échec du sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de Cancun au Mexique. Les Nigériens évoqueront également avec le président français le problème de l’uranium, dont les Américains soupçonnent la vente à l’Irak de Saddam Hussein. Selon les autorités nigériennes les accusations de Washington sont «sans fondement» et répondent à «un montage grossier» dans le seul but de trouver des prétextes à une guerre contre l’Irak. Selon les autorités nigériennes, seuls les actionnaires des sociétés de production de l’uranium «l’achètent et le revendent», soit «la France, l’Espagne et le Japon». De même source, toutes les transactions sont signalées et transmises à «l’Agence internationale de l’énergie atomique».

Le Niger est le troisième producteur mondial d’uranium (8%) avec une production annuelle de 2 900 tonnes derrière le Canada (33%) et l’Australie (21%). Les gains tirés de cette position représentaient plus de 80% des recettes du pays, mais l’effondrement des cours entraînent l’économie nigérienne dans son sillage. Le président Mamadou Tandja attend du président Jacques Chirac un soutien dans ce dossier dans lequel «nous sommes lavés de tout soupçon», précise-t-il.

Immigration, un dossier incontournable

Au Mali, dès le vendredi, le président français et sa suite visiteront Tombouctou, ville historique, classée patrimoine mondial de l’Unesco. Une visite de Mopti, ville commerciale située sur le fleuve Niger, et des villages dogons est inscrite dans l’agenda de Jacques Chirac. Mais le tourisme n’occultera pas les autres rendez-vous politiques du Chef de l’Etat français qui doit rencontrer son homologue malien, Amadou Toumani Touré. En matière de coopération et de développement, le Mali entend soumettre aux autorités françaises, le dossier du projet d’aménagement du fleuve Niger menacé d’ensablement et de prolifération de certaines algues. Jacques Chirac devrait aussi annoncer le soutien de la France dans la conduite financière et technique de l’ouvrage, avant d’évoquer les questions d’immigration, récurrentes entre les deux pays.

En effet, la lutte contre l’immigration sub-saharienne dite «clandestine» et la lutte contre les «sans papiers» en France touchent majoritairement les Maliens qui dénoncent un certains «acharnement» du ministre de l’Intérieur français Nicolas Sarkozy. Il vient de faire passer une loi à l’Assemblée nationale française sur la maîtrise de l’immigration qui durcit les conditions d’entrée sur le territoire français. Les mesures de reconduite à la frontière ont été jugées «humiliantes et dégradantes» par des associations de défense des droits de l’homme. Mais pour ne pas laisser le champ libre à ces organisations, Nicolas Sarkozy s’était rendu au Mali en février dernier pour présenter les mesures d’accompagnement, qui sont des aides au retour. Elles s’inscrivent dans un programme baptisé «co-développement», mais moins de cinquante personnes les ont sollicitées. Nicolas Sarkozy a proposé alors d’augmenter le montant de l’aide au retour qui passe de 3600 euros à 7000 euros (2,4 millions à près de 4,6 millions de francs CFA) en soutien à un projet défini.

Le président Amadou Toumani Touré qui avait moyennement apprécié les déclarations du ministre français de l’Intérieur, s’était montré avare en déclarations, privilégiant des contacts directs avec ses compatriotes et à travers des associations. C’est ailleurs avec un grand intérêt qu’il a soutenu le forum de la diaspora malienne qui s’est tenu à Bamako, du 13 au 17 octobre. L’immigration malienne, essentiellement de la région de Kayes, constitue une source de revenus considérable. «Au Mali les ressources rapatriées par les émigrés représentent 81% du déficit commercial. Les 60 millions de francs français, transférés chaque année pèsent plus lourd que le total des crédits internationaux de coopération», précise le journaliste Philippe Bernard, dans un ouvrage, Immigration: le défi mondial (édition Gallimard). Mais le président Jacques Chirac devrait aussi aborder avec ses hôtes maliens le problème du coton africain non subventionné sur le marché international, contrairement à la production américaine. Les Maliens attendent de lui qu’il se saisisse de ce dossier et le défende au sein de l’Union européenne.

A écouter :
Geneviève Goëtzinger, Journaliste à RFI, envoyée spéciale à Niamey (Invitée de la rédaction le 22/10/2001).





par Didier  Samson

Article publié le 21/10/2003