Sida
Combattre le virus au travail
Au moins 60 millions d’Africains subissent les répercussions directes du sida, soit parce qu’ils sont infectés, soit parce que l’un de leur parent l’est. Cette situation a bien évidemment des conséquences importantes en termes économiques puisque c’est la population active qui est principalement touchée. Dans ce contexte, les entreprises privées commencent à engager des programmes de lutte contre le VIH pour tenter de limiter leurs pertes de productivité en sauvant des vies.
Le sida continue de tuer en Afrique. En 2003, plus de deux millions d’individus sont morts des suites de leur infection sur le continent. Les adultes, et de plus en plus les femmes, sont les principales victimes du VIH. Du coup, le nombre d’orphelins du sida ne cesse d’augmenter. On compte déjà plus de onze millions d’enfants qui ont perdu leurs parents à cause du sida en Afrique et, d’ici 2010, ce chiffre devrait passer à 20 millions. Cette coupe claire au cœur de la pyramide des âges a de lourdes conséquences sur les économies africaines et la propagation du sida hypothèque chaque jour davantage les chances de développement des pays du continent. En frappant les forces productives, explique Michel Sidibé, le directeur du département d’appui aux pays et régions de l’Onusida, le VIH «touche les fondements de l’Etat» qui se retrouve rapidement «dans l’incapacité de fournir les services de base» dans les domaines de la santé ou de l’éducation. Dans certains pays du continent, Onusida estime que les taux de morbidité et de mortalité ont en effet été «multipliés par cinq ou six» chez les agents de santé. Dans le secteur de l’éducation, près d’un million d’écoliers africains devraient perdre leur instituteur à cause du sida en 2003. Et la situation va encore se détériorer selon Peter Piot, le directeur exécutif d’Onusida : «Les effets sociaux et économiques les plus dévastateurs du sida sont encore à venir».
D’ores et déjà, la baisse de l’espérance de vie et l’augmentation de la mortalité entraînent une diminution des recettes fiscales et une baisse de l’épargne alors même que les dépenses de santé augmentent. Et au-delà des aspects financiers, la ponction réalisée par le sida provoque une perte de compétences bien difficile à compenser sur le court terme dans le contexte africain. Une étude, publiée par la Banque mondiale en juillet 2003, avance même qu’en Afrique du Sud, le pays qui compte le plus grand nombre de personnes vivant avec le VIH (5,3 millions), le produit intérieur brut par habitant pourrait diminuer de «50 % en trois générations».
Les entreprises privées prennent le relais
A leur niveau, les entreprises africaines, ou travaillant en Afrique, sont confrontées au quotidien aux ravages du sida qui menacent leur activité et mettent en cause leur survie. La propagation du virus parmi leurs employés se traduit en effet par une augmentation très rapide de l’absentéisme, des décès et une baisse importante de la productivité. Dans la compagnie des chemins de fer de Zambie, par exemple, la participation aux obsèques des employés victimes du sida a ainsi engendré, selon Sabine Durier, la directrice du programme contre le sida de la Société financière internationale (groupe Banque mondiale), une augmentation d’environ 15 % de l’absentéisme.
Dans un tel contexte, un certain nombre d’entreprises ont mis en place des programmes de lutte contre le sida. Ils consistent la plupart du temps à prendre en charge les soins médicaux et les frais d’obsèques, à mener des campagnes d’information et de prévention, à apporter des soutiens aux familles mais aussi à créer un environnement non discriminatoire sur le lieu de travail pour inciter au dépistage et limiter les infections. La mise en place des telles mesures a bien évidemment un coût mais il semble que l’investissement soit rentable et que les entreprises en tirent un véritable bénéfice. Au Zimbabwe, une étude a en effet permis de constater une baisse des taux d’infection pouvant aller jusqu’à 34 % dans les entreprises où des campagnes d’information avaient lieu, par rapport à celles où ce n’était pas le cas.
Ce sont généralement les grosses sociétés qui ont initié le mouvement. En Afrique du Sud, DaimlerChrysler (Mercedes Benz South African) a pris des mesures dès 1991 (traitement, information, dépistage, partenariats avec les familles…). D’autres entreprises comme le géant minier AngloGold ont aussi décidé de distribuer des antirétroviraux à leurs employés atteints par le sida. AngloGold emploie 40 000 personnes dans ses mines sud-africaines. Parmi elles, 30 % sont séropositives. La société d’extraction minière Lonmin Platinum a, quant à elle, décidé la construction de logements familiaux proches des chantiers qui permettent aux employés de faire venir leurs épouses et de limiter le recours à la prostitution. En Afrique de l’Ouest, la CIE, compagnie ivoirienne privée d’électricité, joue un rôle pilote au niveau régional. Son programme de lutte contre le sida comporte notamment des distributions de préservatifs, des actions d’éducation destinées aux communautés vivant à proximité (prostituées notamment), des soins médicaux confidentiels, la garantie aux employés séropositifs qu’ils ne seront pas renvoyés.
Dans le contexte d’urgence dans lequel se trouvent les pays africains face à la propagation du VIH, l’implication des entreprises privées est très importante. Elle est particulièrement encouragée par les partenaires engagés dans la lutte contre le sida en Afrique [Onusida, Organisation mondiale de la Santé] qui mettent de plus en plus l’accent sur la nécessité de développer les actions concertées entre les acteurs publics et privés pour combattre la propagation du virus avec plus d’efficacité. Dorénavant pour Sabine Durier : «Le secteur privé est un acteur légitime et nécessaire dans la lutte contre le sida».
A écouter également :
La correspondance de Bruno Minas sur le concert de Green Point organisé au Cap en Afrique du Sud par Nelson Mandela à l'occasion de la journée mondiale de la lutte contre le sida. (30/11/2003, 1')
D’ores et déjà, la baisse de l’espérance de vie et l’augmentation de la mortalité entraînent une diminution des recettes fiscales et une baisse de l’épargne alors même que les dépenses de santé augmentent. Et au-delà des aspects financiers, la ponction réalisée par le sida provoque une perte de compétences bien difficile à compenser sur le court terme dans le contexte africain. Une étude, publiée par la Banque mondiale en juillet 2003, avance même qu’en Afrique du Sud, le pays qui compte le plus grand nombre de personnes vivant avec le VIH (5,3 millions), le produit intérieur brut par habitant pourrait diminuer de «50 % en trois générations».
Les entreprises privées prennent le relais
A leur niveau, les entreprises africaines, ou travaillant en Afrique, sont confrontées au quotidien aux ravages du sida qui menacent leur activité et mettent en cause leur survie. La propagation du virus parmi leurs employés se traduit en effet par une augmentation très rapide de l’absentéisme, des décès et une baisse importante de la productivité. Dans la compagnie des chemins de fer de Zambie, par exemple, la participation aux obsèques des employés victimes du sida a ainsi engendré, selon Sabine Durier, la directrice du programme contre le sida de la Société financière internationale (groupe Banque mondiale), une augmentation d’environ 15 % de l’absentéisme.
Dans un tel contexte, un certain nombre d’entreprises ont mis en place des programmes de lutte contre le sida. Ils consistent la plupart du temps à prendre en charge les soins médicaux et les frais d’obsèques, à mener des campagnes d’information et de prévention, à apporter des soutiens aux familles mais aussi à créer un environnement non discriminatoire sur le lieu de travail pour inciter au dépistage et limiter les infections. La mise en place des telles mesures a bien évidemment un coût mais il semble que l’investissement soit rentable et que les entreprises en tirent un véritable bénéfice. Au Zimbabwe, une étude a en effet permis de constater une baisse des taux d’infection pouvant aller jusqu’à 34 % dans les entreprises où des campagnes d’information avaient lieu, par rapport à celles où ce n’était pas le cas.
Ce sont généralement les grosses sociétés qui ont initié le mouvement. En Afrique du Sud, DaimlerChrysler (Mercedes Benz South African) a pris des mesures dès 1991 (traitement, information, dépistage, partenariats avec les familles…). D’autres entreprises comme le géant minier AngloGold ont aussi décidé de distribuer des antirétroviraux à leurs employés atteints par le sida. AngloGold emploie 40 000 personnes dans ses mines sud-africaines. Parmi elles, 30 % sont séropositives. La société d’extraction minière Lonmin Platinum a, quant à elle, décidé la construction de logements familiaux proches des chantiers qui permettent aux employés de faire venir leurs épouses et de limiter le recours à la prostitution. En Afrique de l’Ouest, la CIE, compagnie ivoirienne privée d’électricité, joue un rôle pilote au niveau régional. Son programme de lutte contre le sida comporte notamment des distributions de préservatifs, des actions d’éducation destinées aux communautés vivant à proximité (prostituées notamment), des soins médicaux confidentiels, la garantie aux employés séropositifs qu’ils ne seront pas renvoyés.
Dans le contexte d’urgence dans lequel se trouvent les pays africains face à la propagation du VIH, l’implication des entreprises privées est très importante. Elle est particulièrement encouragée par les partenaires engagés dans la lutte contre le sida en Afrique [Onusida, Organisation mondiale de la Santé] qui mettent de plus en plus l’accent sur la nécessité de développer les actions concertées entre les acteurs publics et privés pour combattre la propagation du virus avec plus d’efficacité. Dorénavant pour Sabine Durier : «Le secteur privé est un acteur légitime et nécessaire dans la lutte contre le sida».
A écouter également :
La correspondance de Bruno Minas sur le concert de Green Point organisé au Cap en Afrique du Sud par Nelson Mandela à l'occasion de la journée mondiale de la lutte contre le sida. (30/11/2003, 1')
par Valérie Gas
Article publié le 30/11/2003