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Sida

Vifs débats à la Conférence du Durban

En Afrique du sud, la conférence nationale sur le sida qui a débuté ses travaux le 3 août, à Durban a vu s’affronter deux approches opposées dans le traitement de la maladie. Le gouvernement d’une part arc-bouté sur certains principes, et d’autre part des associations de malades et des organisations non gouvernementales qui trouvent des appuis auprès du programme des Nations unies pour la lutte contre le sida.
Depuis l’ouverture de la conférence nationale sur le sida à Durban jusqu’à la veille de sa clôture le mercredi 5 août, les autorités politiques sud-africaines n’ont pu se faire entendre et défendre valablement les choix qu’ils ont opérés. Manto Tshabalala-Msimang, la ministre sud-africaine de la Santé a été huée tout le long de son discours d’ouverture. «Honte à vous» scandaient les militants de l’association Campagne d’action pour le traitement (TAC), qui n’ont guère ménagé non plus le vice-président Jacob Zuma. «Un traitement pour le sida maintenant», réclament les associations qui accusent, au passage, le gouvernement d’acte de «génocide et de non-assistance à personne en danger».

«Ne nous laissons pas tuer par Mbeki (président de la République) et la ministre de la Santé Manto Tshabalala-Msimang» renchérit Zackie Achmat, le président du TAC qui mobilise plus d’un millier de manifestants sur les lieux de la conférence. Ils réclament tous un accès au traitement en insistant sur des chiffres alarmants: au moins 1 000 morts par jour provoquées par le sida. «Deux pilules par jour = des vies sauvées», lisait-on sur certaines banderoles. Mais, Manto Tsabalala-Msimang a rétorqué que les traitements anti-rétroviraux «ne pouvaient pas être prescrits comme des cachets d’aspirine».

Polémique autour d’un anti-rétroviral


En effet, suivant les recommandations du Conseil gouvernemental de contrôle des médicaments (CCM), le gouvernement sud-africain vient de remettre en cause l’efficacité de la Nevirapine. Ce médicament est administré aux femmes enceintes séropositives pour éviter la transmission du virus de la mère à l’enfant. Par ailleurs, certains choix du gouvernement semblent presque délirants pour des associations de malades, tant cela ressemble à un aveu d’incapacité. Depuis quelques semaines maintenant, le gouvernement sud-africain s’est lancé dans une campagne vantant les bienfaits «des régimes nutritionnels» à base d’ail, d’oignon et d’huile d’olive «pour rehausser les défenses de l’organisme contre le VIH».

Les associations de malades qui contestent les orientations gouvernementales ont annoncé une action en justice contre le gouvernement et ont appelé les citoyens à une désobéissance civile en soutien à leur lutte. Elles trouvent aussi auprès des institutions et organisations internationales un appui efficace dans la mesure où la Nevirapine rejetée par les autorités sud-africaines est approuvée et recommandée par l’Organisation mondiale de la santé et les agences spécialisées de l’ONU. Stephen Lewis, l’envoyé spécial des Nations unies chargé des problèmes du sida en Afrique, a fait l’éloge des performances obtenues par l’Ouganda qui a axé une partie de sa politique de prévention sur l’administration de ce médicament. «Il (Ouganda) ne dispose pas de beaucoup de capacité en ressources humaines, mais il est tout simplement déterminé à maintenir ses habitants en vie», a-t-il déclaré.

Rod Hoff, chercheur au département américain de la Santé a aussi parlé de l’efficacité du traitement à la Nevirapine avec des chiffres pour étayer ses arguments. «La transmission du VIH de la mère à l’enfant a été réduite à 1 ou 2 % aux Etats-Unis en 2002 avec l’administration de la thérapie alors que le taux était de 25% avant 1994», a-t-il précisé. L’Afrique du sud compte parmi les pays les plus affectés par la pandémie avec 5 millions de personnes, sur une population de 44 millions, infectées par le sida. Ces chiffres ont poussé le directeur général des services gouvernementaux de la santé pour la province du Cap occidental, Fareed Abdullah a tiré la sonnette d’alarme. Toute son intervention à la tribune de la conférence a été dans le sens d’un rappel au bon sens qui devrait guider les décideurs de son pays. «Aucun programme contre le sida ne peut être efficace sans la thérapie par anti-rétroviraux» a-t-il poursuivi, en ajoutant qu’une catastrophe majeure se profile à l’horizon avec la mort de 5 millions de morts en 10 ans si l’Afrique du sud «ne modifie pas dès maintenant ses priorités budgétaires pour mener un véritable combat contre la pandémie».




par Didier  Samson

Article publié le 05/08/2003