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Roumanie

La Roumanie ferme ses mines pour entrer dans l’Europe

En raison de ses coûts, jugés trop élevés, l’industrie minière roumaine doit massivement se reconvertir afin que le pays puisse espérer intégrer l’Union européenne en 2007. Une évolution menée dans la douleur dans la vallée du Jiu.
Le quartier s’appelle Dallas, mais la vie sur les hauteurs de Vulcan, petite cité minière de la vallée du Jiu, n’a rien d’un feuilleton américain: immeubles troués, routes défoncées, ordures qui s’accumulent au pied des blocs. Constantin, ancien mineur, vit dans un appartement de deux pièces, sans chauffage, ni eau chaude avec ses 9 enfants. Comme lui, des dizaines de milliers de mineurs sont aujourd’hui au chômage après avoir accepté en 1997 d’être «disponibilisé» et de quitter les mines contre l’équivalent d’une année de salaire. «C’était une erreur. Je n’ai trouvé que des boulots de deux mois pour la mairie payés 2,7 millions de lei (65 euros). Qu’est-ce que je peux faire avec 2,7 millions de lei ? C’était un gros mensonge. On a été arnaqué!» Depuis la mise en place du programme gouvernemental de fermeture des mines, le nombre de mineurs dans la vallée est passé de 60 000 en 1989 à 16 000 aujourd’hui, alimentant un chômage qui avoisine les 30%. «Les programmes de reconversion ne marchent pas très bien, reconnaît Carol Schreter, ancien maire de Petrosani (chef-lieu de Jiu). Les mineurs dépendent de l’aide sociale. Très peu d’entre eux ont trouvé du travail et malheureusement beaucoup ont dépassé 40 ans et ce qui est déjà vieux pour retrouver un emploi».

La restructuration, condition de l’entrée dans l’UE

Quelques usines textiles se sont bien installées à Petrosani, mais elles offrent moins de 100 euros par mois. Inacceptable pour des mineurs dont le salaire dépasse les 300 euros. Le gouvernement roumain mise donc sur la reconversion de la région. La Banque mondiale finance un programme de 2 millions d’euros (micro-crédits, incubateur d’entreprises…) «Il faut oublier les mines. Nous travaillons sur des alternatives comme le tourisme, l’élevage ou l’exploitation du bois. On peut peut-être exploiter d’autres minéraux dans la vallée, mais pas le charbon», explique Nicolae Turdean, responsable du projet au titre évocateur: «Fermeture des mines et réduction de l’impact social». «Nous exploitons aujourd’hui dix mines dans la vallée du Jiu. Pour être honnête, seules quatre ou cinq peuvent prétendre à la modernisation. Pour les autres, nous allons les fermer progressivement d’ici 2010, de façon à arrêter totalement les subventions», affirme Gavril Baïkan, secrétaire d’Etat à l’Industrie. Car la Commission européenne fait de la restructuration du secteur minier une condition nécessaire à l’adhésion de la Roumanie en 2007. Un nouveau programme de «disponibilisation» «plus ou moins volontaire» est déjà en cours, explique t-on au ministère. A terme, il ne devrait rester que 8000 mineurs dans la vallée du Jiu. «Rien ne peut-être obtenu sans sacrifices, tranche le secrétaire d’Etat. Le pays tout entier doit remplir les critères. Bien sûr, l’industrie des mines est affectée, mais pas plus que les autres industries. Tout le monde doit faire des efforts pour 2007». La «vallée du chagrin», comme la surnomment les Roumains, n’a pas fini d’essuyer ses larmes.



par Karim  Lebhour

Article publié le 21/11/2003