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Côte d''Ivoire

Fusillade mortelle à Abidjan

Un important dispositif de sécurité quadrillait vendredi le périmètre du siège de la télévision nationale ivoirienne après la fusillade qui a opposé, dans la nuit, un groupe d’assaillants non-identifiés et les forces de l’ordre ivoiriennes. Ce nouvel épisode de la guerre civile ivoirienne survient au moment où les militaires des deux bords ont entamé un processus visant à faire baisser la tension. Les négociations politiques pourraient bien s’en ressentir.
Abidjan a encore dû affronter l’épreuve du feu la nuit dernière. Plusieurs fusillades ont opposé des assaillants non-identifiés aux forces de l’ordre et le bilan est très lourd : au moins dix-huit morts, selon le ministre de la Défense René Amani qui précise que les forces de l’ordre ont également capturé des agresseurs. Selon le ministre, la capitale économique ivoirienne a subi des «attaques simultanées» en trois points différents. Le principal accrochage a eu lieu dans le quartier central de Cocody, à environ deux cents mètre du siège de la télévision nationale, cible de l’attaque selon la gendarmerie. Intercepté à un barrage de contrôle, les occupants de trois «gbakas», ces mini-bus utilisé pour les transports en commun, ont ouvert le feu sur les gendarmes. Ces derniers ont riposté, mettant en fuite deux véhicules et immobilisant le troisième. Un gendarme a été blessé au cours de la fusillade.

Le conseiller à la Défense du président Gbagbo a précisé que d’autres échanges de tirs, au moins deux, avaient eu lieu dans le quartier populaire d’Abobo. «Les occupants d’un véhicule 4x4 ont ouvert le feu sur des soldats à un point de contrôle», blessant grièvement un commando parachutiste, a déclaré Bertin Kadet qui précise qu’un autre commando avait été tué peu après dans le même quartier, à la sortie nord d’Abidjan.

Le conseiller de Laurent Gbagbo s’est rendu sur les lieux dans la nuit, en compagnie du ministre de la Défense et du chef d’état-major, Mathias Doué. Bertin Kadet a notamment indiqué que certains des assaillants tués portaient des maillots noirs portant l’inscription «brigade Ninja». Après le début du conflit, en septembre 2002, des partisans radicaux du président Gbagbo s’étaient regroupés au sein d’une milice baptisée «ninja», mais le conseiller du président n’a pas été en mesure d’identifier à quel groupe appartenaient les agresseurs.

«C’est troublant et préoccupant», a estimé M. Kadet face à ce nouvel épisode de la guerre civile ivoirienne. Ce dernier note en effet qu’il apparaît à la veille de décisions importantes pour la normalisation de la situation. «A chaque fois que nous sommes près d’un but positif, ce genre d’incident survient», observe-t-il. En effet, l’armée ivoirienne et l’ex-rébellion sont convenues de démarrer le 13 décembre le processus de désarmement. La décision vient d’être prise et a été annoncée à l’issue d’une réunion-marathon, mercredi à Bouaké. L’état-major des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) et les chefs militaires des ex-rebelles des Forces nouvelles sont également tombés d’accord pour supprimer les multiples barrages qui entravent la circulation des personnes et des biens.

Les armes dans les armureries

Dans le détail, il s’agit moins d’un processus de désarmement à proprement parler que d’un regroupement des armes : selon le communiqué publié dans la nuit du 11 au 12, les armements lourds devront avoir quitté la ligne de front et les armements légers, dont l’emploi sera «limité aux seules fins de service», seront remisés dans les armureries d’ici la date symbolique du 25 décembre. Concernant les check-points, les anciens belligérants ont décidé «du maintien d’un seul point de contrôle aux entrées des grandes villes sur toute l’étendue du territoire». Entre le 13 décembre et Noël, tous les barrages excédentaires devraient être démantelés.

A ce stade, les opérations sont menées sur la base de la bonne volonté réciproque, «chaque camp est responsable du démantèlement de ses points de contrôle et du regroupement de ses armes», déclare le porte-parole de l’opération militaire française Licorne. Il n’est pas envisagé de saisir le matériel, ni de le détruire : «Nous voulons que les armes restent dans les armureries, comme c’est le cas dans n’importe quel pays en paix», a expliqué le lieutenant-colonel Peillon à l’AFP.

En revanche, au niveau politique, les rencontres abidjanaises de mercredi et jeudi, entre gouvernement et Forces nouvelles, n’ont pas encore débouché sur l’adoption d’un «plan de sortie de crise». Et les événements de la nuit dernière semblent d’ores et déjà de nature à perturber la poursuite du travail entamé. «Nous nous étions réunis jusque tard dans la nuit et nous avions préparé un document annonçant notre retour. Et puis est arrivé ce qui s’est passé à Abidjan, nous ne savons plus quoi faire», a expliqué à l’AFP un responsable des Forces nouvelles. Les ex-rebelles ont quitté le gouvernement au mois de septembre et déclaraient, il y a encore peu de temps, attendre du président de la République qu’il respecte les accords de Marcoussis, et notamment qu’il accorde à son Premier ministre les pouvoirs prévus par la conférence de réconciliation.

Au terme de ces derniers jours de rencontres et de discussions, les militaires se sont donc engagés dans des actions concrètes. De leur côté les politiques continuent de marquer le pas tout en déclarant, officiellement, leurs bonnes intentions. Mais les événements de la nuit dernière, quels qu’en soient les auteurs et leurs motivations, incitent à la prudence, rappellent l’instabilité des équilibres, l’exacerbation des passions et révèlent la difficulté devant laquelle se trouvent ceux qui doivent aujourd’hui décider de l’avenir de la Côte d’Ivoire.



par Georges  Abou

Article publié le 12/12/2003