Côte d''Ivoire
Volonté d'apaisement
Le ministre de la Défense René Amani assure qu’il ne croit pas à l’implication de «militaires des Forces nouvelles» dans l’épopée des très «jeunes gens nés entre 1980 et 1983… tous des Ivoiriens» qui s’est soldée par une fusillade sanglante dans la nuit du 11 au 12 décembre. Dix-huit d’entre eux ont été tués ainsi qu’un militaire et un gendarme. Il y aurait des prisonniers et le ministre évoque une «atteinte à la sûreté de l’Etat» dans cette étrange affaire. Il n’exclut aucune piste, pas même celle d’organisations se réclamant des «jeunes patriotes». Abidjan tient visiblement à apaiser les esprits. Le regroupement des armes lourdes dans les garnisons respectives des anciens belligérant a commencé. Reste le désarmement. Pour cela, il faut d'abord que les anciens rebelles reviennent au gouvernement. Or justement, les deux parties pourraient trouver un compromis.
Les tenants et aboutissants du carnage nocturne de la semaine dernière restent opaques. On ne saura pas davantage ce qu’il est advenu des militaires qui ont pris le micro fin novembre à la télévision nationale pour demander la tête de leurs chefs d'état-major qualifiés de traîtres. Pour connaître la vérité, il faudra sans doute attendre que la paix revienne et les esprits s’apaisent. C'est visiblement pour les calmer que le ministre de la Défense, René Amani a tenu sur cette affaire des propos si peu «politiquement corrects» - comme l'a souligné lui-même ce ministre tant décrié à sa nomination par les Forces nouvelles que les anciens rebelles en ont fait, fin septembre, un motif de boycott du gouvernement de «réconciliation nationale». En tout cas, expliquant pourquoi il avait tenu à préciser que des documents d’identité trouvés sur sept des «assaillants» les désignaient comme des Ivoiriens, contre le témoignage d’un gendarme les déclarant Burkinabé, René Amani a demandé à ses compatriotes de cesser «de voir nos problèmes chez les autres».
«Vous parlez de Burkinabé, il faut qu’on sorte de ce cliché Je dis qu’en Côte d’Ivoire, nous avons un problème de peuplement, un problème économique, un problème de paupérisation», a observé le ministre en poursuivant «la réalité est que vous ne pouvez pas être une oasis dans le désert, il faut voir le problème sous un autre angle». Suggérant que les «agresseurs devaient percevoir chacun deux millions et demi de CFA s’ils avaient atteint leur objectif», notant que l’équipée des jeunes gens était trop mal montée pour avoir une chance de réussir et que leurs commanditaires inconnus les envoyaient «à l’holocauste», le ministre conclut le chapitre de la fusillade en indiquant la leçon à retenir : «Aujourd’hui, la tendance à aller à la paix par un processus pacifique est beaucoup plus forte que les quelques velléités que les uns et les autres vont avoir à vouloir la remettre en cause». René Amani n’en dit pas plus sur l’identité des «uns et des autres» qu’il renvoie dos-à-dos. Mais son prédécesseur à la Défense désormais conseiller présidentiel, Bertin Kadet assure lui aussi que ces fâcheux événements «n’hypothèquent rien», surtout pas la paix.
Couper court aux polémiques
Le porte-parole de l’état-major ivoirien, le lieutenant-colonel Aka N’Goran assure lui aussi que les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) sont disposées à tout faire pour ramener la paix au plus vite. Il en veut pour preuve la levée des barrages loyalistes, à Abidjan comme en province, et surtout le regroupement des armes lourdes déployées dans l’ancienne zone de guerre. Le 10 décembre, à Bouaké, Fanci et Forces nouvelles se sont en effet promis de commencer dès le 13 décembre à ramener dans leurs garnisons respectives, non seulement les soldats déployés aux check points, mais aussi le matériel de guerre. Le porte-parole de l’opération française Licorne chargée de la surveillance de la zone de confiance (zone tampon sur l’ancienne ligne de front) confirme la disparition de nombreux barrages aux quatre coins du pays. Côté Fanci, des armes lourdes sont déjà regroupées à Daoukro, Yamoussoukro ou Bondoukou. Le lieutenant-colonel Aka annonce même qu’elles regagneront bientôt Abidjan. Côté Forces nouvelles, le colonel Bakayoko affirme lui aussi que ses commandants de zone ont démarré la même opération. Elle doit être finie à Noël et, le 26 décembre, la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Minuci) doit vérifier, d’Abidjan à Korhogo, que les anciens combattants n’ont plus l’arme à l’épaule, mais aux pieds.
Composées chacune de quatre militaires, seize équipes de la Minuci se préparent à aller vérifier le regroupement des armes. L’heure du désarmement venue, les anciens combattants devront remettre leur matériel de guerre à une tierce partie indépendante. En attendant le retour des Forces nouvelles au gouvernement, l’opération de regroupement des armes repose entièrement sur la bonne volonté de chacune des parties. Elle n’a rien de contraignant et la Minuci ne dispose pas nécessairement de tous les paramètres permettant de vérifier qu’effectivement tous les fusils sont au ratelier et tous les mortiers à l’écart. Mais cette opération a néanmoins valeur de test symbolique dans le lent cheminement vers la normalisation à l’ivoirienne. D’ailleurs, de garnisons Fanci en arsenaux Forces nouvelles, les équipes de la Minuci emmèneront des militaires des deux bords dans leurs fourgons pacifiques.
De l’avis général, la rencontre entre Fanci et Forces nouvelles du 10 décembre avait donné lieu à des «avancées importantes». Le lendemain soir, Abidjan était le théâtre de mortels événements qui restent à élucider. Les Forces nouvelles avaient alors exprimé une nouvelle fois leur hésitation à rentrer dans le giron gouvernemental, exigeant des garanties internationales et évoquant un plan de sortie de crise. Or, cette fois, les Forces nouvelles ne poseraient plus comme préalable à leur retour au gouvernement la satisfaction de leurs revendications. Elles accepteraient de réintégrer d'abord leurs fauteuils ministériels pour peu que des garanties de sécurité leur soient données, qu'elles obtiennent des assurances sur la répartition des postes dans les états-majors, mais aussi concernant les portefeuilles de la Défense et de la Sécurité et surtout la délégation des prérogatives de l'exécutif par le président Gbagbo au Premier ministre Seydou Diarra. Sur ce dernier point, le marchandage politique se poursuit. Il porte désormais sur la durée et le contenu de la délégation des pouvoirs présidentiels. Le principe paraît acquis.
Pour sa part, le Comité de suivi des accords de Marcoussis a répondu ce 16 décembre au secrétaire général Guillaume Soro en accusant réception des propositions présentées le 9 décembre dernier par son adjoint Louis Dacoury Tabley sous la forme d'un projet de sortie de crise. Pressant lui aussi les Forces nouvelles de revenir au gouvernement, «seul cadre approprié pour une solution aux questions posées» (les revendications des anciens rebelles), le Comité de suivi promet «un soutien sans faille au gouvernement ainsi rassemblé». Bien évidemment, les anciens rebelles continuent de tenter d'obtenir ce que ni la tentative de putsch, ni même Marcoussis ne leur a donné jusqu'à présent: la mise hors jeu de Laurent Gbagbo. Aujourd'hui, le bras de fer politique n'a toujours aucune raison de cesser, ni d'un côté ni de l'autre. Mais les conditions pourraient bien être rapidement réunies pour qu'il se déplace sur un théâtre des opérations moins coûteux que celui de la guerre et de partition du pays.
En exonérant les militaires des Forces nouvelles de toute implication dans la dernière fusillade et en ramenant l’événement sur un terrain ivoiro-ivoirien, le ministre de la Défense a coupé court à toute nouvelle polémique. Les deux parties ont continué leur travail technique visant au redéploiement de l’administration et des services publics sur l’ensemble du territoire. Quelles que soient leurs arrières-pensées et leurs mobiles respectifs, les anciens belligérants paraissent avoir désormais un véritable intérêt à trouver un compromis. Les Ivoiriens qui aspirent à la paix retiennent leur souffle.
«Vous parlez de Burkinabé, il faut qu’on sorte de ce cliché Je dis qu’en Côte d’Ivoire, nous avons un problème de peuplement, un problème économique, un problème de paupérisation», a observé le ministre en poursuivant «la réalité est que vous ne pouvez pas être une oasis dans le désert, il faut voir le problème sous un autre angle». Suggérant que les «agresseurs devaient percevoir chacun deux millions et demi de CFA s’ils avaient atteint leur objectif», notant que l’équipée des jeunes gens était trop mal montée pour avoir une chance de réussir et que leurs commanditaires inconnus les envoyaient «à l’holocauste», le ministre conclut le chapitre de la fusillade en indiquant la leçon à retenir : «Aujourd’hui, la tendance à aller à la paix par un processus pacifique est beaucoup plus forte que les quelques velléités que les uns et les autres vont avoir à vouloir la remettre en cause». René Amani n’en dit pas plus sur l’identité des «uns et des autres» qu’il renvoie dos-à-dos. Mais son prédécesseur à la Défense désormais conseiller présidentiel, Bertin Kadet assure lui aussi que ces fâcheux événements «n’hypothèquent rien», surtout pas la paix.
Couper court aux polémiques
Le porte-parole de l’état-major ivoirien, le lieutenant-colonel Aka N’Goran assure lui aussi que les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) sont disposées à tout faire pour ramener la paix au plus vite. Il en veut pour preuve la levée des barrages loyalistes, à Abidjan comme en province, et surtout le regroupement des armes lourdes déployées dans l’ancienne zone de guerre. Le 10 décembre, à Bouaké, Fanci et Forces nouvelles se sont en effet promis de commencer dès le 13 décembre à ramener dans leurs garnisons respectives, non seulement les soldats déployés aux check points, mais aussi le matériel de guerre. Le porte-parole de l’opération française Licorne chargée de la surveillance de la zone de confiance (zone tampon sur l’ancienne ligne de front) confirme la disparition de nombreux barrages aux quatre coins du pays. Côté Fanci, des armes lourdes sont déjà regroupées à Daoukro, Yamoussoukro ou Bondoukou. Le lieutenant-colonel Aka annonce même qu’elles regagneront bientôt Abidjan. Côté Forces nouvelles, le colonel Bakayoko affirme lui aussi que ses commandants de zone ont démarré la même opération. Elle doit être finie à Noël et, le 26 décembre, la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Minuci) doit vérifier, d’Abidjan à Korhogo, que les anciens combattants n’ont plus l’arme à l’épaule, mais aux pieds.
Composées chacune de quatre militaires, seize équipes de la Minuci se préparent à aller vérifier le regroupement des armes. L’heure du désarmement venue, les anciens combattants devront remettre leur matériel de guerre à une tierce partie indépendante. En attendant le retour des Forces nouvelles au gouvernement, l’opération de regroupement des armes repose entièrement sur la bonne volonté de chacune des parties. Elle n’a rien de contraignant et la Minuci ne dispose pas nécessairement de tous les paramètres permettant de vérifier qu’effectivement tous les fusils sont au ratelier et tous les mortiers à l’écart. Mais cette opération a néanmoins valeur de test symbolique dans le lent cheminement vers la normalisation à l’ivoirienne. D’ailleurs, de garnisons Fanci en arsenaux Forces nouvelles, les équipes de la Minuci emmèneront des militaires des deux bords dans leurs fourgons pacifiques.
De l’avis général, la rencontre entre Fanci et Forces nouvelles du 10 décembre avait donné lieu à des «avancées importantes». Le lendemain soir, Abidjan était le théâtre de mortels événements qui restent à élucider. Les Forces nouvelles avaient alors exprimé une nouvelle fois leur hésitation à rentrer dans le giron gouvernemental, exigeant des garanties internationales et évoquant un plan de sortie de crise. Or, cette fois, les Forces nouvelles ne poseraient plus comme préalable à leur retour au gouvernement la satisfaction de leurs revendications. Elles accepteraient de réintégrer d'abord leurs fauteuils ministériels pour peu que des garanties de sécurité leur soient données, qu'elles obtiennent des assurances sur la répartition des postes dans les états-majors, mais aussi concernant les portefeuilles de la Défense et de la Sécurité et surtout la délégation des prérogatives de l'exécutif par le président Gbagbo au Premier ministre Seydou Diarra. Sur ce dernier point, le marchandage politique se poursuit. Il porte désormais sur la durée et le contenu de la délégation des pouvoirs présidentiels. Le principe paraît acquis.
Pour sa part, le Comité de suivi des accords de Marcoussis a répondu ce 16 décembre au secrétaire général Guillaume Soro en accusant réception des propositions présentées le 9 décembre dernier par son adjoint Louis Dacoury Tabley sous la forme d'un projet de sortie de crise. Pressant lui aussi les Forces nouvelles de revenir au gouvernement, «seul cadre approprié pour une solution aux questions posées» (les revendications des anciens rebelles), le Comité de suivi promet «un soutien sans faille au gouvernement ainsi rassemblé». Bien évidemment, les anciens rebelles continuent de tenter d'obtenir ce que ni la tentative de putsch, ni même Marcoussis ne leur a donné jusqu'à présent: la mise hors jeu de Laurent Gbagbo. Aujourd'hui, le bras de fer politique n'a toujours aucune raison de cesser, ni d'un côté ni de l'autre. Mais les conditions pourraient bien être rapidement réunies pour qu'il se déplace sur un théâtre des opérations moins coûteux que celui de la guerre et de partition du pays.
En exonérant les militaires des Forces nouvelles de toute implication dans la dernière fusillade et en ramenant l’événement sur un terrain ivoiro-ivoirien, le ministre de la Défense a coupé court à toute nouvelle polémique. Les deux parties ont continué leur travail technique visant au redéploiement de l’administration et des services publics sur l’ensemble du territoire. Quelles que soient leurs arrières-pensées et leurs mobiles respectifs, les anciens belligérants paraissent avoir désormais un véritable intérêt à trouver un compromis. Les Ivoiriens qui aspirent à la paix retiennent leur souffle.
par Monique Mas
Article publié le 16/12/2003