Proche-Orient
Risque sérieux d’embrasement de la région
Les dirigeants arabes qui ont condamné avec vigueur l’assassinat du chef spirituel du Hamas ont tous affirmé craindre un nouvel embrasement de la région. Plusieurs groupes radicaux palestiniens ont d’ores et déjà annoncé des représailles sanglantes et au cours des obsèques de cheikh Yassine des dizaines de candidats au suicide ont juré de venger la mort du vieux leader. Lundi en fin de journée, le mouvement chiite libanais du Hezbollah a lancé plusieurs roquettes sur des positions de l’armée israélienne dans le secteur controversé des fermes de Chebaa. Cette attaque a immédiatement été suivie d’une riposte de l’aviation israélienne sans qu’aucun blessé n’ait toutefois été à déplorer de part et d’autre. Ces premiers incidents semblent n’être que le prélude à une radicalisation de la situation a un moment où la région est déjà en proie à de violentes tensions avec l’occupation américaine de plus en plus contestée de l’Irak et les vives critiques ouvertement dirigées contre le plan de l’administration Bush concernant le Grand Moyen-Orient.
En s’attaquant à une cible aussi symbolique que cheikh Ahmed Yassine, Israël ne pouvait ignorer qu’il ouvrait la voie à une escalade de la violence sur son sol mais aussi dans les territoires occupés. Les représailles risquent en effet d’être sans commune mesure avec celles qui ont dans le passé suivi l’assassinat d’autres activistes du mouvement et qui déjà à l’époque s’étaient soldées par la mort de dizaines d’Israéliens. Dans ce contexte, la déclaration du commandant de la région militaire Centre d’Israël concernant les groupes radicaux palestiniens n’en revêt que plus de signification. «Nous nous attendons à une augmentation des capacités terroristes et à une amélioration de la puissance de leurs charges explosives et de la portée de leurs missiles», a en effet déclaré le général de brigade Gadu Eisenkot. La coopération observée depuis plusieurs mois déjà entre les différents groupuscules extrémistes palestiniens devrait à n’en pas douter se renforcer et plonger la région dans un cycle de violence sans précédent.
Ces conséquences prévisibles, pourquoi Israël a-t-il alors voulu l’assassinat d’un homme qui après plus de trois années d’Intifada avait réussi à fédérer autour de ses idées une large majorité de la population palestinienne ? L’explication la plus plausible tient sans doute au fait que le Premier ministre Ariel Sharon, qui a dévoilé il y a quelques semaines son plan très contesté au sein de la classe politique israélienne de retrait unilatéral de la bande de Gaza, souhaitait décapiter et affaiblir un mouvement qui en aurait tiré tous les avantages. En donnant carte blanche à l’armée israélienne, le chef du gouvernement évitait non seulement toutes les critiques qui n’auraient pas manqué de pleuvoir sur son plan considéré d’ores et déjà par certains comme «une prime au terrorisme», mais aussi de voir se profiler le spectre du retrait peu glorieux et sans contrepartie du Liban en mai 2002. Cette explication toute théorique ne prend toutefois pas en compte le sentiment de colère et de haine au sein de la société palestinienne qui n’a fait que s’amplifier ces derniers mois et que la mort de cheikh Yassine ne va faire qu’accentuer. Cette politique du pire risque en outre de conduire à un climat d’insurrection dans la bande de Gaza et en Cisjordanie où l’Autorité palestinienne isolée et affaiblie ne contrôle déjà plus grand chose. Elle risque en outre de conforter la position des factions les plus radicales dont on voit mal aujourd’hui comment elles pourraient être désarmées.
Un contexte régional tendu
En décidant l’élimination de cheikh Yassine, les autorités israéliennes semblent par ailleurs n’avoir pas voulu prendre en compte un contexte régional pourtant très tendu. L’occupation américaine de l’Irak est en effet ouvertement critiquée par les alliés traditionnels de Washington et le plan de George Bush pour le Grand Moyen-Orient visant à imposer des réformes aux pays de la région fait l’unanimité contre lui. Ces deux sujets devaient d’ailleurs prioritairement être discutés la semaine prochaine à Tunis lors du sommet des chefs d’Etat arabes. Avec la liquidation du chef spirituel du Hamas, la question palestinienne est donc redevenue la priorité. Les responsables arabes, qui devaient sans doute comme lors du dernier sommet de Beyrouth renouveler leur initiative appelant à la normalisation des relations avec Israël en échange d’un retrait des territoires arabes conquis en 1967, pourraient adopter une position beaucoup plus radicale. Préoccupés par la survie de leurs régimes, ces pays ne peuvent en effet pas ignorer la réaction de leurs populations. Ils ont d’ailleurs ouvertement mis en garde contre un embrasement de la région. L’Egypte et la Jordanie, où des manifestations spontanées ont éclaté, sont sans doute les deux pays qui ont le plus à perdre.
Dans ce contexte, l’assassinat de cheikh Yassine risque bien de dégrader les relations déjà tendues entre Washington et ses alliés arabes traditionnels. L’administration Bush, qui cherche par tous les moyens, campagne électorale oblige, à se désengager du bourbier irakien, doit désormais faire face à ce nouveau front d’hostilités. Et c’est sans doute pour tenter d’apaiser la situation que le département d’Etat s’est cru obligé de déclarer lundi soir que Washington était «profondément troublé» par l'action israélienne et de reconnaître que la liquidation du chef spirituel du Hamas avait «accru la tension» dans la région. Alors que les condamnations ont été unanimes au sein de la communauté internationale –l’Union européenne a officiellement dénoncé «les assassinats extra-judiciaires qui sont contraires au droit international et sapent le concept même d'Etat de droit qui est un élément central dans la lutte contre le terrorisme»–, les autorités américaines s’étaient bien gardées de dénoncer, voire de critiquer, le raid de l’aviation israélienne.
Ces conséquences prévisibles, pourquoi Israël a-t-il alors voulu l’assassinat d’un homme qui après plus de trois années d’Intifada avait réussi à fédérer autour de ses idées une large majorité de la population palestinienne ? L’explication la plus plausible tient sans doute au fait que le Premier ministre Ariel Sharon, qui a dévoilé il y a quelques semaines son plan très contesté au sein de la classe politique israélienne de retrait unilatéral de la bande de Gaza, souhaitait décapiter et affaiblir un mouvement qui en aurait tiré tous les avantages. En donnant carte blanche à l’armée israélienne, le chef du gouvernement évitait non seulement toutes les critiques qui n’auraient pas manqué de pleuvoir sur son plan considéré d’ores et déjà par certains comme «une prime au terrorisme», mais aussi de voir se profiler le spectre du retrait peu glorieux et sans contrepartie du Liban en mai 2002. Cette explication toute théorique ne prend toutefois pas en compte le sentiment de colère et de haine au sein de la société palestinienne qui n’a fait que s’amplifier ces derniers mois et que la mort de cheikh Yassine ne va faire qu’accentuer. Cette politique du pire risque en outre de conduire à un climat d’insurrection dans la bande de Gaza et en Cisjordanie où l’Autorité palestinienne isolée et affaiblie ne contrôle déjà plus grand chose. Elle risque en outre de conforter la position des factions les plus radicales dont on voit mal aujourd’hui comment elles pourraient être désarmées.
Un contexte régional tendu
En décidant l’élimination de cheikh Yassine, les autorités israéliennes semblent par ailleurs n’avoir pas voulu prendre en compte un contexte régional pourtant très tendu. L’occupation américaine de l’Irak est en effet ouvertement critiquée par les alliés traditionnels de Washington et le plan de George Bush pour le Grand Moyen-Orient visant à imposer des réformes aux pays de la région fait l’unanimité contre lui. Ces deux sujets devaient d’ailleurs prioritairement être discutés la semaine prochaine à Tunis lors du sommet des chefs d’Etat arabes. Avec la liquidation du chef spirituel du Hamas, la question palestinienne est donc redevenue la priorité. Les responsables arabes, qui devaient sans doute comme lors du dernier sommet de Beyrouth renouveler leur initiative appelant à la normalisation des relations avec Israël en échange d’un retrait des territoires arabes conquis en 1967, pourraient adopter une position beaucoup plus radicale. Préoccupés par la survie de leurs régimes, ces pays ne peuvent en effet pas ignorer la réaction de leurs populations. Ils ont d’ailleurs ouvertement mis en garde contre un embrasement de la région. L’Egypte et la Jordanie, où des manifestations spontanées ont éclaté, sont sans doute les deux pays qui ont le plus à perdre.
Dans ce contexte, l’assassinat de cheikh Yassine risque bien de dégrader les relations déjà tendues entre Washington et ses alliés arabes traditionnels. L’administration Bush, qui cherche par tous les moyens, campagne électorale oblige, à se désengager du bourbier irakien, doit désormais faire face à ce nouveau front d’hostilités. Et c’est sans doute pour tenter d’apaiser la situation que le département d’Etat s’est cru obligé de déclarer lundi soir que Washington était «profondément troublé» par l'action israélienne et de reconnaître que la liquidation du chef spirituel du Hamas avait «accru la tension» dans la région. Alors que les condamnations ont été unanimes au sein de la communauté internationale –l’Union européenne a officiellement dénoncé «les assassinats extra-judiciaires qui sont contraires au droit international et sapent le concept même d'Etat de droit qui est un élément central dans la lutte contre le terrorisme»–, les autorités américaines s’étaient bien gardées de dénoncer, voire de critiquer, le raid de l’aviation israélienne.
par Mounia Daoudi
Article publié le 22/03/2004