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Israël

Sharon sous la menace d’une inculpation

Ariel Sharon pourrait être inculpé pour corruption. La décision est entre les mains du procureur général Menahim Mazouz. 

		Photo AFP
Ariel Sharon pourrait être inculpé pour corruption. La décision est entre les mains du procureur général Menahim Mazouz.
Photo AFP
L’étau semble se resserrer autour du Premier ministre israélien désormais sous la menace directe d’une inculpation pour corruption dans l’affaire dite de «l’île grecque» dans laquelle son fils Gilad est très largement impliqué. Le procureur de l’Etat d’Israël, Edna Arbel, a en effet remis dimanche, après plusieurs mois d’investigations, ses recommandations au procureur général lui enjoignant d’engager des poursuites judiciaires contre Ariel Sharon. Ce rebondissement dans un dossier qui empoisonne le débat public depuis des semaines, ne pouvait plus mal tomber pour l’homme fort du Likoud mis en minorité dans son propre parti depuis la présentation de son plan de séparation unilatéral d’avec les Palestiniens. Plusieurs ministres de son gouvernement ainsi que plusieurs personnalités de l’opposition ont d’ores et déjà réclamé sa démission.

Le Premier ministre israélien a eu beau nier son implication dans l’affaire dite de «l’île grecque», le procureur de l’Etat Edna Arbel est demeurée inflexible. Selon la magistrate, Ariel Sharon, qui était chef de la diplomatie israélienne à l’époque des faits, «ne pouvait être dans l’ignorance des relations» entre son fils Gilad et l’entrepreneur David Appel. Ce dernier, qui a déjà été inculpé pour corruption en janvier, est accusé d’avoir embauché Gilad Sharon comme «conseiller touristique» et de lui avoir versé de fortes sommes –quelques 700 000 dollars– pour convaincre son père de l’aider à promouvoir un projet de station balnéaire sur une île grecque qui n’a finalement jamais vu le jour. David Appel aurait notamment continué à verser à son conseiller 10 000 dollars mensuels et cela bien après que l’affaire eut tourné court.

L’affaire est aujourd’hui entre les mains du procureur général, seul habilité à décider des suites à lui donner. Nommé il y a quelques semaines par Ariel Sharon lui-même, Menahim Mazouz, qui est également conseiller juridique du gouvernement israélien, passe pour être un homme intègre, peu susceptible de céder à des pressions. Selon la presse, le magistrat, qui pourrait rendre sa décision dans les deux mois, aurait déjà affirmé que le dossier était «limite» voire «problématique». Il est vrai que la double fonction occupée par Menahim Mazouz le met dans une situation des plus délicates. Avec sa casquette de procureur, il est en effet de son devoir d’accuser le Premier ministre alors qu’avec son rôle de conseiller juridique, il se doit de protéger les intérêts de l’exécutif israélien.

Ces derniers rebondissements dans l’affaire de «l’île grecque» ont mis la classe politique israélienne en ébullition. Et même si le numéro 2 du cabinet Sharon, Ehoud Olmert, s’est empressé d’affirmer que le Premier ministre n’abandonnera pas son poste –«Il a été élu magistralement à deux reprises et le Likoud lui doit d’avoir doubler le nombre de ses députés à la Knesset», a-t-il justifié– de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer son départ dans le cas où il serait inculpé. Plusieurs formations de l’actuel coalition comme le parti laïc Shinoui ou encore le Parti national religieux ou l’Union nationale –deux mouvements de la droite extrême qui dénoncent la politique jugée trop molle d’Ariel Sharon– ont d’ores et déjà menacé de rejoindre l’opposition. A gauche, le travailliste Avraham Burg s’est prononcé contre tout ralliement de son parti à un gouvernement d’union nationale de plus en plus évoqué «tant que les nuages entourant l’actuel Premier ministre ne seront pas dissipés».

A la veille d’une visite à Washington

Cette menace d’inculpation pour corruption ne pouvait plus mal tomber pour Ariel Sharon. Certes légalement le Premier ministre n’est pas contraint à la démission s’il est mis en accusation voire même condamné. Mais dans le contexte politique actuel, cette épée de Damoclès ne fait que fragiliser sa position. En chute libre dans les sondages, Ariel Sharon est en effet de plus en plus contesté au sein de son propre parti. Et même si la liquidation la semaines dernière du chef spirituel du Hamas, cheikh Ahmed Yassine, a contribué à redorer son blason parmi les durs du Likoud, il risque d’avoir le plus grand mal à imposer son plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens. Ce plan prévoit le démantèlement de la plupart des implantations de la bande de Gaza et l’annexion de facto de larges secteurs de la Cisjordanie ainsi que la poursuite de la construction de la barrière de sécurité.

Plusieurs ténors du Likoud ont d’ores et déjà exigé le soutien ouvert de Washington avant de l’approuver. Ils réclament notamment que l’administration Bush se prononce officiellement contre le droit au retour des réfugiés palestiniens, pour l’achèvement du «mur» dont le tracé controversé embarrasse les Etats-Unis ainsi que pour le maintien du contrôle des points de passage –ports, aéroport et frontière terrestre– entre la bande de Gaza et le reste du monde. Plus radicaux, les ultras du gouvernement Sharon refusent l’idée même d’un démantèlement des colonies de Gaza et ne cachent pas leur intention de démissionner pour empêcher sa mise en application. Les démêlés judiciaires d’Ariel Sharon sont à ce titre une aubaine pour eux dans la mesure où ce dernier n’a désormais plus les mains libres pour appliquer sa politique.

Les ennuis du Premier ministre israélien interviennent en outre deux semaines avant une visite –la neuvième depuis son arrivée au pouvoir– jugée cruciale à Washington. Ariel Sharon, qui a dépêché sans succès dans la capitale américaine son chef de la diplomatie, Sylvan Shalom, et son directeur de cabinet, Dov Weiglass, doit tenter de convaincre son ami le président Bush de s’engager de nouveau à ses côtés dans le conflit du Proche-Orient et cela malgré l’approche de l’élection présidentielle. Et quoi qu’en dise la Maison Blanche qui a refusé lundi de commenter l’affaire de «l’île grecque» estimant qu’il s’agissait d’une «affaire intérieure à Israël», le dossier devrait peser dans les discussions entre les deux hommes.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 30/03/2004 Dernière mise à jour le 30/03/2004 à 16:14 TU

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Dominique Roch

Envoyée spéciale de RFI à Jérusalem

[22/01/2004]

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