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Chypre

Référendum sur la réunification

Le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan en compagnie du Premier ministre grecque Costas Caramanlis (G) et  son homologue turque Recep Tayip Erdogan (D) à Bürgenstock en Suisse.  

		Photo AFP
Le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan en compagnie du Premier ministre grecque Costas Caramanlis (G) et son homologue turque Recep Tayip Erdogan (D) à Bürgenstock en Suisse.
Photo AFP
Neuf jours de négociations intenses à huis clos n’auront pas permis au secrétaire général des Nations unies de convaincre les dirigeants des communautés chypriotes grecque et turque d’adhérer au plan de paix qu’il a personnellement supervisé. Impuissant à les convaincre de surmonter leurs divergences, Kofi Annan n’en a pas moins décidé de soumettre son plan aux habitants de l’île qui devront se prononcer par référendum le 24 avril prochain, soit dix jours avant l’élargissement de l’Union européenne. En cas de rejet de ce plan, seule la partie grecque de l’île adhérera à l’Europe des 25.

Les discussions marathon sur l’unification de Chypre qui se sont déroulées neuf jours durant à huis clos dans le complexe hôtelier de Bürgenstock en Suisse se sont terminées sur un constat d’échec. Le plan de paix des Nations unies, dont la quatrième mouture a été présentée par Kofi Annan aux dirigeants chypriotes grecs et turcs ainsi qu’aux deux autres parties prenantes dans ce dossier que sont la Grèce et la Turquie, n’a pas eu en effet l’aval des principaux intéressés. Ce document prévoit notamment la mise en place à Chypre d’une confédération de type helvétique composée de deux entités égales en droits et largement autonomes, l’une turque au nord et l’autre grecque au sud. Selon les dispositions de ce plan, la nouvelle République unie de Chypre sera dirigée par une présidence collégiale de six membres –quatre Grecs et deux Turcs– élus pour cinq ans. La fonction de chef de l’Etat sera assurée pendant quarante mois par un membre grec de cette présidence puis pendant vingt mois par un membre turc. Le plan de Kofi Annan, qui doit permettre après trente années de séparation aux Chypriotes de s’exprimer d’une seule voix sur la scène européenne et internationale, fournit en outre une législation complète aux deux parties qui garantit un bon fonctionnement des nouvelles institutions de l’île. Une cour suprême, où siègeront des juges non Chypriotes, a même été prévue pour régler des problèmes constitutionnels susceptibles de provoquer une crise politique en cas d’opposition entre les deux communautés.

Mais malgré l’implication personnelle du secrétaire général des Nations unies qui a bénéficié du large soutien de la communauté internationale, Chypriotes grecs et turcs ne sont pas parvenus à surmonter leurs divergences. Les représentants de la communauté hellène, largement soutenus par Athènes, ont ainsi vivement critiqué la nouvelle mouture du plan Annan, jugée trop favorable à la partie turque. Les autorités d’Ankara, qui semblaient pour leur part plutôt satisfaites des propositions onusiennes, ont, il est vrai, réussi à arracher des concessions de taille pour leurs alliés turcophones. Le texte présenté par Kofi Annan réduit en effet le nombre de réfugiés grecs chassés par l’armée turc lors du conflit de 1974 et autorisés à se réinstaller au nord de l’île. Il précise en effet que ce nombre ne pourra pas dépasser 18% de la population locale turcophone, qui minoritaire –la communauté turque est forte de 200 000 personnes contre 650 000 pour la communauté hellène– craint d’être submergée par un retour massif de réfugiés. Ankara a également réussi à obtenir le droit de stationner en permanence un nombre limité de troupes –650 militaires à terme– sur l’île. Quelque 30 000 soldats sont actuellement stationnés à Chypre.

Référendum à haut risque

Ces avancées n’ont toutefois pas satisfait le vieux leader de la communauté turque, Raouf Denktash, qui a purement et simplement boycotté les pourparlers de Bürgenstock. Il est vrai que le territoire qui sera attribué aux Chypriotes turcs va voir sa superficie ramenée à environ 29% du territoire de l’île contre un peu plus de 36% actuellement. Le plan onusien prévoit en outre la réduction du nombre de colons turcs –environ 100 000 sur 200 000– autorisés à demeurer au nord de l’île. Autant de dispositions qui ont poussé Raouf Denkatsh à rejeter le plan de Kofi Annan. «Dans sa forme actuelle, je ne vois rien à quoi dire oui», a-t-il déclaré ignorant ouvertement les appels d’Ankara à le soutenir. Le leader chypriote a certes reconnu que le texte présentait des progrès. Mais, il a également mis en garde contre un regain de tensions entre les deux communautés. «Nous sommes en présence, a-t-il ainsi souligné, d’un document sur lequel il n’y a pas d’accord et dans lequel il y a tous les ingrédients nécessaires pour permettre aux deux parties de se quereller».

Côté chypriote grec, les dirigeants de la communauté appellent d’ores et déjà à voter non au referendum sur la réunification de l’île. Un message qui ne devrait pas avoir de mal à passer dans la mesure où un récent sondage prédisait que 74% de la population hellène se prononcerait contre le plan des Nations unies contre 4% seulement qui le soutiendrait, les 22% restant étant pour l’instant indécis. Côté turc, le rapport ne semble guère meilleur.

Dans ce contexte, le pari de Kofi Annan semble bien risqué. Le secrétaire général des Nations unies risque en effet d’avoir bien du mal à convaincre les deux communautés de soutenir son plan. «C’est un moment hautement dramatique», a-t-il déclaré en annonçant que la réunification était désormais entre les mains des Chypriotes. «Il y a eu par le passé trop d’occasions manquées. Je vous exhorte à ne pas refaire cette erreur», a-t-il ajouté. Les enjeux sont en effet de taille. Si le non le remporte au référendum, seule la partie grecque de Chypre rejoindra l’Europe des 25 avec toutes les répercussions que cela pourra avoir sur la vie dans l’île.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 01/04/2004 Dernière mise à jour le 01/04/2004 à 14:38 TU