Chypre
La réunification à marche forcée
La question chypriote est au centre d’une offensive diplomatique généralisée en raison de la proximité de l’échéance de l’adhésion de la partie grecque à l’Union européenne, fixée au 1er mai 2004. Nul ne ménage sa peine pour parvenir à l’unité de l’île divisée depuis 1974. Le secrétaire général de l’Onu, très impliqué sur cette question, vient de fixer au 10 février le prochain rendez-vous entre les différentes parties intéressées au sort de l’île. Les négociations auront lieu au siège de l’organisation internationale, à New York.
«Il ne nous reste plus beaucoup de temps», a lancé mercredi le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, en référence à l’échéance du 1er mai. Cette date correspond en effet à celle de l’adhésion de la république de Chypre à l’Union européenne, pour sa partie sud internationalement reconnue du moins. En revanche, la partie nord qui ne jouit d’aucune reconnaissance internationale exceptée celle d’Ankara, et dont l’indépendance a été auto-proclamée après une coup de force soutenu par la Turquie en 1974, est actuellement plongée dans l’incertitude. Si à la date du 1er mai la réunification de l’île n’est pas achevée, tout le monde s’accorde en effet pour estimer que l’affaire deviendra beaucoup plus compliquée.
«L’objectif des négociations sera de présenter un texte à référendum en avril 2004, à temps pour qu’une Chypre réunifiée accède à l’Union européenne au 1er mai 2004», indique le communiqué publié par le secrétariat général de l’Onu. Trente ans après l’invasion de la partie nord de l’île par les troupes d’Ankara et la mise en place d’une administration indépendantiste, les délais sont courts. Mais il est vrai que ce dossier a été au cours de ces derniers mois au centre d’un intense ballet diplomatique, dont la cadence s’est singulièrement accélérée au cours de ces dernières semaines, à mesure qu’approche une autre échéance cruciale : celle de l’ouverture des discussions communautaires en vue d’une éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union européenne, programmées pour la fin de l’année.
Officiellement les deux dossiers sont dissociés. Néanmoins, en raison de l’influence incontestable d’Ankara sur la République turque de Chypre-Nord, et de la volonté turque de rejoindre l’Union, l’Europe ne cache pas sa sensibilité et l’attention particulière qu’elle attache aux messages envoyés par la Turquie sur ce dossier dont le dénouement «créerait une atmosphère très favorable au rapprochement européano-turc», déclarait le mois dernier le chef de la diplomatie allemande lors d’une visite en Turquie.
Le prix de la souveraineté
La communauté internationale, occupée sur d’autres fronts, veut tourner la page de l’encombrante hostilité historique entre la Grèce et la Turquie que ce conflit incarne. La position d’Ankara a donc considérablement évolué au fil du temps et ses messages sont désormais perçus comme très encourageants. Après des mois de tergiversations, les autorités turques ont, semble-t-il, fini par faire entendre raison au vieux leader chypriote-turc Rauf Denktash, tenu pour principal responsable des derniers échecs successifs enregistrés sur ce dossier.
«La Turquie et la République turque de Chypre du nord sont tombées d’accord pour contribuer et soutenir conjointement les efforts du secrétaire général» de l’Onu, indiquait le communiqué officiel publié mercredi à Ankara à l’issue d’une réunion entre le Premier ministre turc et son ministre des Affaires étrangères et le dirigeant chypriote-turc accompagné de son nouveau Premier ministre Mehmet Ali Talat, lui-même pro-européen comme l’est devenue son opinion publique lassée par tant d’années de stagnations tant socio-économique que politique. Washington, dont la Turquie est un fidèle allié au sein de l’organisation militaire Otan, est également intervenue dans l’affaire pour inciter Ankara et Athènes à saisir l’opportunité d’une reprise des négociations sur la réunification de l’île.
Le secrétaire général de l’Onu a maintenu au cours de ces dernières semaines d’étroits contacts avec toutes les parties et s’est déplacé en Europe, fin janvier, pour rencontrer notamment le chef du gouvernement turc Recep Tayyip Erdogan, avant d’annoncer l’ouverture des négociations du 10 février. Mercredi, Kofi Annan a également réclamé aux gouvernements grec, turc et britannique la présence de leurs représentants à New York, pour participer aux discussions. Chypre est en effet une ancienne colonie britannique depuis son annexion le jour de l’entrée en guerre de l’empire ottoman contre Paris et Londres en 1914, jusqu’à l’indépendance de l’île proclamée le 16 août 1960. Une indépendance théoriquement garantie par la Grèce, la Turquie et la Grande-Bretagne qui laissa en héritage une constitution qui rendit l’île ingouvernable, propice aux désordres qui aboutirent à sa partition, en 1974.
C’est cette héritage que les délégations réunies à l’Onu vont devoir gérer la semaine prochaine. En dépit de l’atout européen dont disposent les négociateurs, avec les échéances qui se rapprochent, le passif demeure très lourd et le succès n’est pas garanti. Le plan de Kofi Annan prévoit une union souple de type hélvétique. D’ores et déjà le Premier ministre turc Erdogan évoque, en guise de concession, la rétrocession d’une partie du territoire que les Turcs occupent, tandis que M. Denktash parle de reconnaissance de souveraineté. Ce dernier a même émis des doutes sur sa présence à New York à l’ouverture des négociations. Le ministre grec des Affaires étrangères déclarait mardi qu’il n’était pas persuadé que les autorités chypriotes-turques soutiennent son plan de paix. A l’issue d’une rencontre jeudi à Bruxelles avec le Haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère, le ministre turc des Affaires étrangères, Abdullah Gul, espérait qu’un compromis serait trouvé. L’imbroglio, jusqu’au bout.
«L’objectif des négociations sera de présenter un texte à référendum en avril 2004, à temps pour qu’une Chypre réunifiée accède à l’Union européenne au 1er mai 2004», indique le communiqué publié par le secrétariat général de l’Onu. Trente ans après l’invasion de la partie nord de l’île par les troupes d’Ankara et la mise en place d’une administration indépendantiste, les délais sont courts. Mais il est vrai que ce dossier a été au cours de ces derniers mois au centre d’un intense ballet diplomatique, dont la cadence s’est singulièrement accélérée au cours de ces dernières semaines, à mesure qu’approche une autre échéance cruciale : celle de l’ouverture des discussions communautaires en vue d’une éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union européenne, programmées pour la fin de l’année.
Officiellement les deux dossiers sont dissociés. Néanmoins, en raison de l’influence incontestable d’Ankara sur la République turque de Chypre-Nord, et de la volonté turque de rejoindre l’Union, l’Europe ne cache pas sa sensibilité et l’attention particulière qu’elle attache aux messages envoyés par la Turquie sur ce dossier dont le dénouement «créerait une atmosphère très favorable au rapprochement européano-turc», déclarait le mois dernier le chef de la diplomatie allemande lors d’une visite en Turquie.
Le prix de la souveraineté
La communauté internationale, occupée sur d’autres fronts, veut tourner la page de l’encombrante hostilité historique entre la Grèce et la Turquie que ce conflit incarne. La position d’Ankara a donc considérablement évolué au fil du temps et ses messages sont désormais perçus comme très encourageants. Après des mois de tergiversations, les autorités turques ont, semble-t-il, fini par faire entendre raison au vieux leader chypriote-turc Rauf Denktash, tenu pour principal responsable des derniers échecs successifs enregistrés sur ce dossier.
«La Turquie et la République turque de Chypre du nord sont tombées d’accord pour contribuer et soutenir conjointement les efforts du secrétaire général» de l’Onu, indiquait le communiqué officiel publié mercredi à Ankara à l’issue d’une réunion entre le Premier ministre turc et son ministre des Affaires étrangères et le dirigeant chypriote-turc accompagné de son nouveau Premier ministre Mehmet Ali Talat, lui-même pro-européen comme l’est devenue son opinion publique lassée par tant d’années de stagnations tant socio-économique que politique. Washington, dont la Turquie est un fidèle allié au sein de l’organisation militaire Otan, est également intervenue dans l’affaire pour inciter Ankara et Athènes à saisir l’opportunité d’une reprise des négociations sur la réunification de l’île.
Le secrétaire général de l’Onu a maintenu au cours de ces dernières semaines d’étroits contacts avec toutes les parties et s’est déplacé en Europe, fin janvier, pour rencontrer notamment le chef du gouvernement turc Recep Tayyip Erdogan, avant d’annoncer l’ouverture des négociations du 10 février. Mercredi, Kofi Annan a également réclamé aux gouvernements grec, turc et britannique la présence de leurs représentants à New York, pour participer aux discussions. Chypre est en effet une ancienne colonie britannique depuis son annexion le jour de l’entrée en guerre de l’empire ottoman contre Paris et Londres en 1914, jusqu’à l’indépendance de l’île proclamée le 16 août 1960. Une indépendance théoriquement garantie par la Grèce, la Turquie et la Grande-Bretagne qui laissa en héritage une constitution qui rendit l’île ingouvernable, propice aux désordres qui aboutirent à sa partition, en 1974.
C’est cette héritage que les délégations réunies à l’Onu vont devoir gérer la semaine prochaine. En dépit de l’atout européen dont disposent les négociateurs, avec les échéances qui se rapprochent, le passif demeure très lourd et le succès n’est pas garanti. Le plan de Kofi Annan prévoit une union souple de type hélvétique. D’ores et déjà le Premier ministre turc Erdogan évoque, en guise de concession, la rétrocession d’une partie du territoire que les Turcs occupent, tandis que M. Denktash parle de reconnaissance de souveraineté. Ce dernier a même émis des doutes sur sa présence à New York à l’ouverture des négociations. Le ministre grec des Affaires étrangères déclarait mardi qu’il n’était pas persuadé que les autorités chypriotes-turques soutiennent son plan de paix. A l’issue d’une rencontre jeudi à Bruxelles avec le Haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère, le ministre turc des Affaires étrangères, Abdullah Gul, espérait qu’un compromis serait trouvé. L’imbroglio, jusqu’au bout.
par Georges Abou
Article publié le 06/02/2004