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Algérie

Vers un duel Bouteflika-Benflis ?

Ali Benflis et le président sortant Abdelaziz Bouteflika.
 

		Photo AFP/RFI
Ali Benflis et le président sortant Abdelaziz Bouteflika.
Photo AFP/RFI
Plus de 18 millions d’électeurs sont attendus le 8 avril dans 40 000 bureaux de vote pour choisir un des six candidats en lice, parmi lesquels le président sortant Abdelaziz Bouteflika.

De notre correspondant à Alger.

Durant la campagne électorale, Abdelaziz Bouteflika a essuyé des attaques sur sa gouvernance mais aussi sur sa personne. Traité de «dictateur», d’«autocrate» ou de «vieux célibataire sans enfant», il a eu un mot en guise de réponse à ses détracteurs: «la chienlit!». Peu d’Algériens ou d’observateurs ont apprécié cette séquence de la campagne. La volonté d’Abdelaziz Bouteflika de réviser la constitution pour renforcer les pouvoirs du président de la république; son refus d’accepter qu’un chef du gouvernement soit responsable devant l’assemblée nationale et son rejet de la dé monopolisation de l’audiovisuel n’ont pas été également appréciés par l’opinion publique.

Il n’empêche qu’il dispose du soutien d’appareils partisans et d’organisations civiles. Le Rassemblement national démocratique (RND) dont le patron, Ahmed Ouyahia, est chef du gouvernement, le Mouvement de la société pour la paix (MSP – islamiste) et l’aile des «redresseurs» du vieil FLN (dissidente) lui ont accordé leur appui. Avec les confréries religieuses (Zaouias) et une série d’associations, le président sortant s’est assuré d’un maillage de tout le territoire qui, combiné à de colossaux moyens, lui donne toutes les chances d’être reconduit. En effet, cet attelage lui procure un réservoir de voix composé des clientèles du régime, de l’appareil administratif et des électeurs du pays profond qui vouent quasiment un culte à l’autorité incarnée par Abdelaziz Bouteflika. Toutes ces voix pavloviennes n’iront pas aux cinq autres candidats. On peut les estimer entre 3,5 millions et 4,5 millions de suffrages exprimés. Si, en tenant compte du boycott partiel de la Kabylie et des grandes villes, l’abstention tourne autour de 50%, cela sera juste, mais suffisant, pour qu’il obtienne un nouveau mandat.

La surprise pourrait venir de l’éclatement de l’électorat. Les cinq candidats lui rogneraient assez pour qu’il n’obtienne pas la majorité dés le premier tour. Dans ce cas cela devrait profiter à son ancien directeur de cabinet et ancien chef du gouvernement, Ali Benflis. Secrétaire général en titre du FLN, il est soutenu par plus de la moitié des militants et sympathisants du FLN. Il a également obtenu l’appui de quelques organisations et de personnalités que Ali Kafi, ancien président du Haut comité d’Etat, l’ancien ministre Ahmed Taleb Ibrahimi, l’ancien chef de gouvernement Sid Ahmed Ghozali et, des généraux en retraite tels que Benyelles, Benhadid, Bouhadja et Djouadi. Tous ont en commun une défiance radicale à l’égard du président sortant accusé notamment d’avoir «accentué la crise et de gouverner en solo sans respecter les institutions».

L’état d’urgence toujours en vigueur

Pour eux, comme pour les quatre autres candidats – le laïc Saïd Sadi, l’islamiste Saad Abdallah Djaballah, la trotskiste Louisa Hanoune et Ali Fewzi Rebaïne, chef d’un petit parti nationaliste –, Abdelaziz Bouteflika a surtout bénéficié de la manne pétrolière et de la croissance agricole due à une bonne pluviométrie. Le chômage (prés de 30%), le déficit drastique en logements, la réforme en plan de l’économie (dont celle des systèmes bancaire et fiscal) ainsi que la préparation de l’entrée à l’OMC sont quelques-uns des dossiers qui n’ont pas, ou peu, progressé. Ils n’ont pas, non plus, été au centre de la campagne électorale qui, in fine, a été superficielle. Louisa Hanoune, première femme a être candidate à la présidence en Algérie et dans le monde arabe, a été, avec Ali Benflis et Said Sadi, en pointe sur ces thèmes. Elle a également rejeté l’idée d’une libéralisation totale des hydrocarbures comme le prévoit l’équipe d’Abdelaziz Bouteflika.

L’islamiste Djaballah, président du Mouvement du renouveau national (MRN), qui croit en ses chances d’accéder à un second tour, n’a pas en réalité d’électorat acquis. La mouvance islamiste est atomisée. Le MSP est allé dans le camp de Bouteflika. Les anciens dirigeants du FIS n’ont pas donné de consignes de vote et la population, en général, est traumatisée par les violences des groupes armés d’obédience islamiste durant la décennie 90. Cette élection lui permettra de renforcer son assise en vue d’autres échéances tandis que Said Sadi, secrétaire général du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) en profitera pour essayer de regagner du terrain notamment dans son bastion, la Kabylie, en crise depuis trois ans. Il s’est énormément investi dans cette élection présidentielle aux cotés de Ali Benflis, mais aussi de l'islamiste Djaballah. Fait inédit, à trois ils ont constitué une structure informelle chargée de suivre le déroulement des opérations électorales. Les cinq rivaux de Bouteflika, dont le cendrillon de cette compétition Ali Fewzi Rebaïne, redoutent que la fraude ne fausse complètement le jeu.

Théoriquement, chacun des candidats, représenté dans chaque bureau de vote, recevra les procès verbaux des bureaux de vote, ce qui devrait garantir les transparence du scrutin. Mais les cinq candidats n’auront pas de représentants dans l’ensemble des 40 000 bureaux de vote. A coté de cette faille, la manipulation pourrait se dérouler à un niveau supérieur. Dans un entretien aux journaux El Watan et Le Matin, le général en retraite Benhadid a affirmé que de «faux procès verbaux sont prêts au niveau du ministère de l’Intérieur». Il n’a pas été démenti. Auparavant, les autorités avaient souligné, à plusieurs reprises, que la loi électorale a été amendée pour permettre aux candidats et à leurs représentants de surveiller les bureaux de vote et les urnes du début du scrutin au dépouillement et d'avoir des «copies» des procès-verbaux ce qui à leurs yeux est une garantie absolue de transparence de ce vote. Il y a au moins une certitude. C’est dans un climat général nettement plus sécurisé qu’il y a cinq ans que se tient cette troisième élection présidentielle pluraliste. Pour autant, l’état d’urgence en vigueur depuis février 1992 n’a pas été levé et les forces de l’ordre demeurent sur le qui-vive.



par Belkacem  Kolli

Article publié le 07/04/2004 Dernière mise à jour le 08/04/2004 à 12:31 TU

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