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Afrique du Sud

Espoirs et déceptions de la «renaissance africaine»

Sur le point d’être réélu pour un deuxième mandat, Thabo Mbeki va poursuivre la mise en pratique sa théorie de la "renaissance africaine". 

		(Photo: AFP)
Sur le point d’être réélu pour un deuxième mandat, Thabo Mbeki va poursuivre la mise en pratique sa théorie de la "renaissance africaine".
(Photo: AFP)

Le concept de «renaissance africaine» forgé par le président sud-africain Thabo Mbeki devait servir de colonne vertébrale théorique à une prise en mains par l’Afrique de ses problèmes et à la mise au point de solutions africaines. Au final, c’est une vision sud-africaine de l’Afrique qui prévaut, agrémentée de quelques errements notamment sur la question du sida.

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De notre correspondante à Johannesburg

L’idée de renaissance africaine est devenue incontournable et très à la mode en Afrique du Sud. La moindre conférence organisée dans le pays s’intitule souvent «vers une renaissance», quel que soit le sujet. Il est d’ailleurs bien difficile de trouver des articles de journaux ou des revues critiques sur la question en Afrique du Sud, tant la «vision» de Thabo Mbeki est devenu un programme de politique étrangère et économique.

En juin 1997, le président sud-africain introduisait le concept, en rappelant à son audience «l’obligation de contribuer à une renaissance africaine, qui inclue l’établissement de démocraties stables, et une vie meilleure pour tous les peuples d’Afrique». Thabo Mbeki entend promouvoir un développement de l’Afrique, par l’Afrique et pour l’Afrique, mené par la puissance économique et régionale que constitue l’Afrique du Sud. Fin 2002, le concept était intégré dans les objectifs stratégiques de la 50e conférence de l’ANC, le parti au pouvoir.

Sur le point d’être réélu pour un deuxième mandat, Thabo Mbeki aura cinq ans devant lui pour mettre en pratique sa théorie, qui connaît un certain succès, mais qui a aussi servi à légitimer des soucis de politique proprement sud-africains, et surtout plus personnels.

La «renaissance africaine» repose sur l’Union africaine et le Nepad

Dans l’absolu, le président sud-africain a remis l’Afrique sur l’agenda mondial, comme en témoignent les engagements pris par les dirigeants du G8 à Evian. Les interventions sud-africaines au Burundi ou en RD Congo n’ont pas encore vraiment porté leurs fruits en terme d’accords de paix durables, mais quelques 1 400 soldats et du personnel médical sud-africains sont présents sur le terrain.

Le concept s’appuie également sur deux instruments, l’Union Africaine, qui doit voir la réalisation d’un parlement pan-africain, d’un conseil de paix et de sécurité, d’une banque centrale, et d’une cour de justice. Le pendant financier étant le Nepad (Nouveau partenariat pour le développement économique de l’Afrique), qui doit garantir, avec l’aide des pays occidentaux, la renaissance économique du continent.

Mais le mécanisme de «revue des pairs» destiné à sanctionner les régimes corrompus, dont les contours ont récemment été dessinés à Kigali, et qui doit commencer cette année, est plus faible que prévu.

L’exemple du Zimbabwe augure mal de l’avenir

Le test crucial pour la crédibilité du Nepad est incontestablement le Zimbabwe. Si le partenariat repose sur un principe de bonne gouvernance, alors le pays de Robert Mugabe n’est pas dans la ligne. Et sur ce front là, la «diplomatie discrète» de Thabo Mbeki qui avait pour but de convaincre Mugabe de revenir à des principes plus démocratiques, n’a pas porté ses fruits. L’approche plus bilatérale que panafricaine adoptée par Pretoria vis à vis du Zimbabwe, est ainsi souvent vue comme un mauvais exemple pour la suite.

Un des écueils inhérents au concept de renaissance africaine est donc qu’il est avant tout le fruit d’une vision sud-africaine de l’Afrique. Il est aussi très imprégné de celle de Thabo Mbeki, qui dans le cas de la pandémie de sida par exemple, est un long dérapage non contrôlé.

«Mbeki voudrait penser qu’il y a une solution africaine à l’épidémie de sida, suivant la ligne des «scientifiques» qui remettent en cause le lien entre VIH et Sida», explique Tom Lodge, professeur à l’université de Witswatersrand, à Johannesburg. L’idée combine une méfiance vis à vis des compagnies pharmaceutiques occidentales qui vendent des médicaments antirétroviraux («dangereux») et le fantasme d’une conspiration des pays occidentaux qui voudraient «faire croire que le sida est né en Afrique», entre autres… un méli-mélo qui colle avec la volonté de Thabo Mbeki de contrecarrer l’afro-pessimisme occidental. Après les appels de la communauté médicale, Thabo Mbeki a finalement décidé de ne plus aborder le sujet en public, et un programme de distribution d’antirétroviraux gratuits a récemment vu le jour.

Une visite «sentimentale» en Haïti

De même, la visite de Thabo Mbeki en Haïti était elle plus poussée par des considérations personnelles que par une véritable stratégie politique de long terme, «c’était quelque chose de sentimental, je pense qu’il a été mal conseillé sur cette visite, ou qu’il n’a pas voulu écouter les conseils», estime Tom Lodge. Mbeki a été très critiqué pour son soutien à Jean-Bertrand Aristide, notamment lors de sa participation écourtée au bicentenaire de la révolution haïtienne, marquée par des violences.

«Il y a un problème évident de communication», estime Anne Hammerstad, chercheuse à l’Institut sud-africain pour les affaires internationales (SAIIA), «la politique de Mbeki gagnerait en clarté s’il prenait simplement le soin d’expliquer pourquoi il fait quelque chose, ce qui n’a pas été le cas à Haïti», précise-t-elle. Ajoutant que les cinq années qui viennent seront cruciales pour la renaissance africaine. «L’union africaine devra montrer qu’elle est efficace, notamment avec la cour de justice, qui doit produire des résultats», conclut-elle.



par Stéphanie  Savariaud

Article publié le 16/04/2004 Dernière mise à jour le 16/04/2004 à 10:19 TU

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