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Pétrole irakien: l’enquête pour corruption lancée

Le Conseil de sécurité a voté une résolution mettant en place une commission d’enquête pour faits de corruption liés au programme «pétrole contre nourriture». 

		(Montage : RFI/AFP)
Le Conseil de sécurité a voté une résolution mettant en place une commission d’enquête pour faits de corruption liés au programme «pétrole contre nourriture».
(Montage : RFI/AFP)

La commission indépendante chargée d’enquêter sur les allégations de corruption qui entourent le programme «pétrole contre nourriture» instauré fin 1996 par les Nations unies pour alléger le poids des sanctions internationales sur la population irakienne, a été officiellement mise en place mercredi par le Conseil de sécurité. L’Américain Paul Volcker, ancien vice-président de la réserve fédérale américaine (FED), en assure la présidence. Il est assisté par le Suisse Mark Pieth, un éminent juriste spécialiste en matière de corruption et de blanchiment d’argent, et par le Sud-Africain Richard Goldstone, ancien procureur du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie. «Trois hommes respectés et compétents», a commenté le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui a affirmé vouloir «obtenir toute la vérité et aller au fond» de cette affaire.


Les accusations de détournement de fonds, de favoritisme et de corruption entourent depuis des années le programme «pétrole contre nourriture» qui autorisait le régime de Bagdad de vendre son or noir pour l’achat uniquement de médicaments et de nourriture. Mais le scandale a véritablement éclaté en janvier dernier lorsqu’un journal irakien, al-Mada, a publié une liste de centaines de personnes et de sociétés étrangères ayant bénéficié des largesses du régime de Saddam Hussein à travers ce programme onusien censé réduire l’impact des sanctions internationales sur les civils irakiens. Affirmant se baser sur des documents du ministère irakien du pétrole, le quotidien mettait en cause non seulement des personnalités russes, américaines, françaises, chinoises et des pays arabes, mais aussi des fonctionnaires de l’ONU. Ils auraient, selon cette publication, tous profité de millions de barils de pétrole sous forme de bons, facilement négociables sur le marché international.

Le 18 mars dernier, des enquêteurs du General Accounting office, sorte de Cour des comptes américaine, enfonçaient le clou en révélant que le régime de Saddam Hussein avait détourné entre 1997 et 2002 quelque 10,1 milliards de dollars dans le cadre du programme «pétrole contre nourriture». Ces responsables précisaient que l’Irak avait levé l’équivalent de 5,7 milliards de dollars en acheminant son hydrocarbure illégalement hors du pays frappé par un embargo. Le pétrole était transporté par oléoduc vers la Syrie, par camions vers la Jordanie et la Turquie et par navires vers des pays du Golfe. Les enquêteurs soulignaient en outre que le régime déchu avaient réussi à collecter quelque 4,4 milliards de dollars en imposant des commissions aux entreprises qui fournissaient à l’Irak les produits alimentaires et pharmaceutiques. Les révélations sur ces détournements colossaux –jusqu’au transfert le 19 novembre dernier de ses fonds à la coalition américano-britannique, le programme «pétrole contre nourriture» avait brassé plus de 40 milliards de dollars– avaient présenté une aubaine pour l’administration américaine soucieuse encore à l’époque d’écarter les Nations unies de la reconstruction de l’Irak. Le gouvernement transitoire irakien avait saisi l’occasion pour lancer sa propre enquête sur ces détournements de fonds.

Le directeur du programme directement visé

De nouvelles révélations sont par ailleurs venues mardi mettre encore plus à mal la crédibilité des Nations unies. Selon la chaîne de télévision ABC, au moins trois hauts fonctionnaires de l’organisation internationale, dont le chef du programme «pétrole contre nourriture», Benon Sevan, seraient impliqués dans les allégations de corruption liées à ce programme. Ce dernier aurait reçu quelque 3,5 millions de dollars de revenus illicites provenant du pétrole irakien. La chaîne affirme avoir retrouvé le diplomate dans un complexe touristique de luxe. Il aurait refusé de répondre à ses questions faisant valoir ses droits à la retraite. Benon Sevan a toujours les accusations de corruption qui pèsent sur lui et avait nié en février dernier toute implication dans des détournements de fonds liés au programme «pétrole contre nourriture».

Dans ce contexte houleux, il était donc plus que temps pour les Nations unies delancer officiellement une enquête indépendante sur des malversations qui entachent la réputation de l’organisation internationale. Le secrétaire général Kofi Annan a d’ailleurs à plusieurs reprises affirmé qu’il prenait très au sérieux ces graves allégations de corruption. «Je veux obtenir la vérité et aller au fond» de cette affaire a-t-il encore souligné peu après avoir nommé officiellement la commission d’enquête. Visiblement très ennuyé, il a espéré que l’impact de ce scandale ne fera pas oublier aux Irakiens que «même si des infractions ont été commises par certains membres du personnel des Nations unies, l’ONU dans son ensemble a fait un effort sincère pour combler les besoins humanitaires». «Des centaines d’employés de l’ONU ont travaillé dur et avec diligence avec le régime irakien pour établir un système de distribution alimentaire et permettre que les vivres arrivent à bon port», a-t-il notamment plaidé.

Le président de la commission d’enquête, Paul Volcker, s’est engagé à faire connaître les premiers résultats de ses investigations d’ici à trois mois même si, selon lui, il faudra plus qu’un trimestre pour aboutir aux conclusions définitives.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 22/04/2004 Dernière mise à jour le 22/04/2004 à 14:10 TU

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