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Etats-Unis

Avortement : les femmes contre Bush

Les féministes américaines ont mis en cause, avec virulence, la politique anti-avortement du président Bush.  

		(Photo AFP)
Les féministes américaines ont mis en cause, avec virulence, la politique anti-avortement du président Bush.
(Photo AFP)
Plus d’un million de personnes, Américains mais aussi ressortissants d’une soixantaine de pays étrangers, ont défilé dans les rues de Washington à l’appel des organisations de défense du droit à l’avortement. Cette manifestation monstre visait à protester contre la promulgation récente de deux lois susceptibles de remettre en cause le droit des femmes à choisir, ou pas, la maternité. Alors que le président Bush ne fait pas mystère de son soutien au mouvement «pro-life» qui demande l’interdiction de l’avortement, l’organisation de ce défilé avait pour but de susciter la mobilisation de tous ceux, femmes et hommes, qui combattent la politique du gouvernement sur ce sujet sensible, dans la perspective des élections présidentielles du mois de novembre.

Petit à petit, l’oiseau fait son nid: c’est à peu près ce que les organisations de défense du droit à l’avortement reprochent à George W. Bush et à son administration. En quelques mois, le président américain a, en effet, pris plusieurs mesures qui ont été interprétées comme des tentatives pour remettre en cause, sans en avoir l’air, le principe du droit reconnu à chaque femme de mener, ou non, une grossesse à terme. Kate Michelman, la présidente de l’association NARAL «pour l’avortement aux Etats-Unis», estime ainsi que «le gouvernement, tant au niveau fédéral qu’à celui des Etats, a littéralement bafoué les droits des femmes à choisir entre enfantement et avortement».

George W. Bush a, tout d’abord, pris la décision très controversée de retirer les financements publics aux agences de planning familial qui proposent l’avortement aux jeunes femmes qui les consultent. Il a ensuite signé la promulgation de deux lois vivement critiquées. La première, adoptée en 2003, concerne l’interdiction d’une méthode chirurgicale d’avortement tardif (au deuxième trimestre de la grossesse). Elle a été tout de suite mise en cause, notamment par des médecins, qui ont engagé plusieurs procès dans différents Etats, pour empêcher son application. Selon eux, cette loi particulièrement coercitive puisqu’elle menace les médecins qui ne s’y plieraient pas de deux ans de prison, est dangereuse car elle «ne contient pas d’exception destinée à protéger la santé de la femme». Elle fait donc disparaître la notion d’avortement thérapeutique.

«Le gouvernement n’a rien à faire dans les chambres à coucher de l’Amérique»

La deuxième loi a été promulguée par le président au mois d’avril 2004. Elle concerne les actes de violence commis sur des victimes à naître [donc sur des femmes enceintes] qui peuvent être sanctionnés en tant que tels et reconnaît, en fait, un statut juridique à l’embryon. Pour les défenseurs de l’avortement, l’adoption du «Unborn Victims of violence Act» représente une atteinte au droit reconnu à chaque femme, par une décision de la Cour suprême de 1973, de mettre un terme à une grossesse.

L’administration Bush est, d’autre part, accusée de poser des jalons destinés à lui permettre, en cas de réélection du président, d’aller plus avant dans les restrictions au droit à l’avortement, en nommant à des postes clefs des juges fédéraux opposés à l’interruption volontaire de grossesse. George W. Bush a, en effet, mis cette question au coeur de son programme électoral et s’est engagé auprès des groupes catholiques radicaux à mener un combat en faveur de ce qu’il appelle la «culture de la vie». Il s’agit d’ailleurs de l’un des principaux points de divergence avec son principal adversaire, le démocrate John Kerry. Celui-ci, qui affiche sa religion catholique et reconnaît être personnellement opposé à l’avortement, s’est néanmoins engagé à maintenir la législation actuelle qui donne aux femmes le pouvoir de décision. Il a ainsi déclaré: «Le gouvernement n’a rien à faire dans les chambres à coucher de l’Amérique».

Dans ce contexte, le défilé du 25 avril à Washington a pris des accents politiques et a aussi fait office de manifestation de soutien au candidat démocrate aux élections présidentielles. Même si John Kerry lui-même n’y a pas participé, sa fille et ses soeurs y étaient présentes. Quant à Hillary Clinton, l’épouse de l’ancien président américain Bill Clinton, elle a profité de l’occasion pour engager les manifestants, et au-delà, tous les Américains désireux de défendre le droit à l’avortement, à soutenir le candidat «pro-choix», une manière selon elle de voter en faveur de «la liberté de conscience».

En réunissant plus d’un million de personnes, selon les organisateurs, ce défilé a été le plus populaire depuis une marche contre la guerre du Vietnam en 1969 à laquelle environ 600 000 personnes avaient participé. Le succès remporté par cette manifestation en faveur de l’avortement est significatif de la grande mobilisation des défenseurs d’un droit reconnu, il y a trente ans, aux femmes américaines. De nombreuses personnalités ont d’ailleurs fait le déplacement pour venir apporter leur soutien aux associations et aux militants. Des actrices célèbres, comme Whoopi Goldberg ou Sharon Stone, mais aussi l’homme d’affaires Ted Turner et l’ancienne secrétaire d’Etat du gouvernement de Bill Clinton, Madeleine Albright, étaient présents auprès des manifestants.

Les organisations anti-avortements ont, elles aussi, voulu faire entendre leur voix. Mais elles n’ont réuni que quelques centaines de militants qui ont défilé en brandissant des banderoles, où étaient inscrits des slogans chocs comme «l’avortement est un génocide», et des photos de foetus ensanglantés. Seize personnes appartenant à la Coalition pour la défense du christianisme ont d’ailleurs été interpellées après des affrontements avec des participants au défilé en faveur de l’avortement qui scandaient: «Retirez vos rosaires de mes ovaires».

par Valérie  Gas

Article publié le 26/04/2004 Dernière mise à jour le 26/04/2004 à 15:55 TU