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Etats-Unis

Les fardeaux de George W. Bush

Avant d'appliquer un programme controversé, le nouveau président doit asseoir une légitimité contestée par ses opposants. Alors que la récession plane, la baisse massive des impôts qu'il préconise alimente déjà les polémiques. En politique étrangère, le dossier du Proche Orient ne pourra pas attendre. Les sanctions sur l'Irak, le repli des Balkans ou le bouclier antimissile seront difficiles à faire passer.
De notre correspondant à New York

Noir présage ? Jamais depuis Nixon la limousine emmenant un nouveau président américain vers le Capitole n'avait été sifflée par une telle foule.
«Voleur», «tricheur», «traître», autant de quolibets qui, à l'heure de l'intronisation, rappelaient à George W. Bush que sa légitimité n'est pas acquise. Elu avec moins de voix que son concurrent Al Gore, confirmé par la décision d'une Cour suprême partisane, le 43 ème président des Etats-Unis aura pour première tâche d'asseoir son autorité. Dès son discours inaugural, il en a appelé à l'esprit citoyen des Américains, avant de promettre «de travailler à construire une nation unie».

Sur le bureau ovale, les dossiers brûlants s'empilent déjà. Bush a donc rapidement constitué une équipe destinée à gouverner pour lui plutôt qu'à le seconder. Après plusieurs nominations consensuelles, il a commis un impair nommé John Ashcroft. L'Attorney General (ministre de la Justice) est un véritable épouvantail pour tout ce que l'Amérique compte de vaguement libéral. Lié aux milieux les plus extrêmes, anti-homosexualité, anti-avortement, il soutient avec ferveur la peine de mort et le lobby des armes à feu. Certains le soupçonnent aussi de racisme. C'est une claque pour la communauté noire, qui tient Bush en horreur et ne s'est pas contentée de la nomination du secrétaire d'Etat Colin Powell. La confirmation au Sénat de l'ultra-conservateur suscite une controverse particulièrement aigre.

Avant de construire, le nouveau président va s'attacher à saper les dernières décisions de son prédécesseur en matière de protection de l'environnement, de confidentialité des antécédents médicaux ou de sécurité sur le lieu de travail. Un dossier ne pourra pas attendre : les coupures d'électricité dans le richissime Etat de Californie, où une libéralisation ratée menace de dégénérer en crise énergétique et politique, alors que l'ombre de la récession plane sur le pays. Autre projet dans les cartons Bush qui promet de belles batailles : une réduction d'impôt colossale, censée augmenter le pouvoir d'achat des consommateurs et éviter la crise. Toutefois, le nouveau président devrait commencer son oeuvre législative en douceur mardi, en présentant sa réforme de l'éducation attribuant davantage de responsabilités aux Etats. Tous ces projets devront passer au travers des Fourches Caudines d'une Chambre des représentants où les Républicains disposent d'une courte majorité, et d'un Sénat divisé à égalité.

Pas de stratégie claire

En matière de politique étrangère, le débutant Bush devra faire ses preuves rapidement. De nombreux dirigeants le pressent déjà de poursuivre le processus de paix au Proche-Orient engagé avec ferveur par Bill Clinton. Le temps presse, les élections israéliennes approchent, mais George Bush fils n'a toujours pas exposé de stratégie claire. Le dossier irakien est lui aussi en suspens. Adoptées en 1991, les sanctions sont de plus en plus contournées et leurs répercussions catastrophiques pour les civils jettent l'opprobre sur les Etats-Unis. Au sein du conseil de sécurité de l'ONU, la France, la Chine et la Russie sont prêtes à ferrailler pour obtenir un allègement, même si les premières déclarations de Bush et Powell vont plutôt dans le sens inverse.

Au Kosovo et en Bosnie, les velléités de retrait des troupes américaines ont entraîné une levée de bouclier des Européens. George W. Bush a par la suite édulcoré ses propos, mais les Américains n'entendent plus jouer «les gendarmes du monde». L'idée la plus polémique de la nouvelle équipe reste la mise en place d'un bouclier antimissile (National Missile Defense) pour protéger l'Amérique des Etats dits «délinquants», comme la Corée du Nord ou l'Irak. Le projet violerait le traité ABM de 1972 sur les missiles antibalistiques, mais George W. Bush sera pris en étau entre l'impatience des hauts gradés du Pentagone et l'opposition résolue de la Russie, de la Chine ou des partenaires européens qui crient à la course aux armements.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 21/01/2001