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Etats-Unis

Les adieux de Clinton à l'Amérique

Bill Clinton a fait hier soir ses adieux en direct à la nation, avant de passer la main samedi. Il a mis en avant un solide bilan économique et une politique étrangère volontariste. A son successeur George W. Bush, il a adressé quelques conseils en forme de piques. Pas un mot, en revanche, sur les scandales qui ont marqué sa présidence et surtout sur l'affaire Lewinsky, à l'origine d'une procédure d'impeachement déshonorante.
De notre correspondant à New York

Pour sa grande sortie, Bill Clinton a voulu une mise en scène sobre. Plan serré, bannière étoilée un peu floue, le président s'est exprimé depuis le Bureau ovale, théâtre de tant de polémiques, objet de tant de plaisanteries éculées lors du scandale Lewinsky. Regard plongé dans la caméra, il a mis en avant les points forts de huit ans de règne. Pour son plaisir, une dernière fois, il a rappelé que les Etats-Unis traversaient la plus longue expansion économique de leur histoire, avec le taux de chômage le plus faible en 30 ans, et la création de 22 millions d'emplois supplémentaires. Dans ce domaine, Bill Clinton a démenti sa réputation de président téléguidé par les sondages, pour prendre des décisions controversées, parfois contre l'avis de ses amis politiques, qui se sont révélées judicieuses. C'est ainsi qu'il a ouvert les barrières économiques américaines à l'Accord de libre échange nord américain (ALENA).

«Notre air et notre eau sont plus propres, a estimé Bill Clinton. Notre nourriture et notre eau potable sont plus sûres. Et nous avons préservé une plus grande partie de notre précieuse terre que jamais en 100 ans.» De fait, le 42ème président des Etats-Unis a fait beaucoup pour l'environnement, souvent sous l'impulsion du candidat malheureux Al Gore, et quitte à imposer son veto à un Congrès américain au sein duquel les Républicains tentaient de rogner les normes écologiques.

Autre motif de satisfaction, selon Bill Clinton : «L'Amérique a été une force de paix et de prospérité dans chaque coin du globe». En matière de politique étrangère, l'homme a connu un démarrage plutôt lent, absorbé qu'il était durant les deux premières années de son mandat par la relance économique et à la réforme -ratée- du système de santé. Il est ainsi passé à côté de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda. Mais peu à peu, il a imposé sur la scène internationale son style, à base de pragmatisme et d'implication personnelle. L'image d'Yitzhak Rabin serrant la main de Yasser Arafat sous son impulsion restera sans doute comme le symbole d'un grand projet de réconciliation inachevé. Son soutien à Boris Eltsine sera moins heureux, mais permettra par la suite de s'assurer d'un relatif soutien russe pour mettre fin aux bombardements de l'OTAN sur la République fédérale de Yougoslavie, avec l'arrivée des troupes américaines au Kosovo pour point d'orgue. Plus discrètement, Bill Clinton a £uvré à la réconciliation en Irlande du Nord, entre l'Inde et le Pakistan ou en Corée du Nord.

Clinton se fait moralisateur

«Je suis heureux de pouvoir passer les rênes du gouvernement à un nouveau président avec une Amérique en très bonne position pour relever les défis du futur», une Amérique «en pleine forme», a déclaré un président souriant, ne résistant pas à gratifier son successeur de conseils très ciblés : tenir la barre fiscale (Bush veut baisser les impôts), jouer un rôle leader dans le monde (Bush prône un repli). Alors que la côte du nouveau président conservateur est au plus bas parmi les minorités, Clinton s'est fait moralisateur : «Aux Etats-Unis, la nation doit traiter chaque personne avec équité et dignité, en dépit de la nationalité, de la religion, du sexe, de l'orientation personnelle ou de la date d'arrivée dans le pays». Lors de sa prise de pouvoir en 1993, Bill Clinton avait ouvert l'armée aux homosexuels et mis en place un cabinet dans lequel les blancs étaient minoritaires.

Pas un mot, en revanche, sur les scandales qui ont terni son mandat, de l'affaire immobilière Whitewater, aux financements étrangers de sa campagne de 1996, sans oublier bien sûr l'affaire Monica Lewinsky qui l'a conduit à faire face à l'infamante procédure d'impeachment (destitution), la seule de ce siècle écoulé. A l'heure des adieux, le «comeback kid» a jeté un voile pudique sur cette affaire sexuelle surmédiatisée. Mais les Américains n'oublient pas. Même si 60 % approuvent son action, 67 % estiment qu'on se souviendra davantage de lui pour les scandales que pour ses succès.




par Philippe  Bolopion

Article publié le 19/01/2001