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Etats-Unis

Que réserve à l'Afrique le tandem Bush-Powell ?

Après un décompte à rebondissement, une intervention de la Cour suprême, Georges W. Bush, «Dubiya», prendra officiellement ses fonctions de quarante-troisième Président des Etats-Unis le 20 janvier. A ses côtés, le général Colin Powell remplacera l'implacable Madeleine Albright au poste de secrétaire d'Etat. L'engagement des Etats-Unis sur la scène internationale se pressent donc plus timoré ; pour l'Afrique, la politique étrangère américaine ne sera pas nécessairement une volte-face.
De New York

L'Administration Clinton s'est voulue la première à porter une attention accrue à l'Afrique et, tout au long de son mandat, a multiplié les gestes envers le continent. On se souviendra par exemple du voyage du Président Clinton, en mars 1998, ou, en janvier 2000, du «Mois de l'Afrique» lancé aux Nations Unies, par l'Ambassadeur américain Richard Holbrooke. Ou encore, trois mois plus tard, de l'adoption de l'African Growth and Opportunity Act qui allait permettre à 34 nations de l'Afrique sub-saharienne, prêtes à réformer leur économie, d'exporter sans quotas ou taxes, 6 500 produits d'origine majoritairement textile aux Etats-Unis.

Alors que prennent fin huit ans d'administration Clinton, ces actes tendent toutefois à être qualifiés de plus symboliques que conséquents. Il est vrai que pendant toute cette période, l'aide américaine au développement a stagné, affichant le taux le plus faible du monde développé. Face aux luttes intestines du continent, les Etats-Unis sont également demeurés en retrait, préférant ne pas envoyer de troupes dans les zones de tension. En Sierra Leone notamment, leur participation a consisté à regonfler l'ECOMOG, la force d'intervention de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest.

De manière générale, les Etats Unis sont depuis 1993 très réticents à s'engager directement dans les conflits africains, préférant avoir recours à des forces locales. Avec Bush, pas de changement à attendre puisque sa politique étrangère sera surtout guidée par l'intérêt national. «Nous ne pouvons envoyer des troupes partout», déclarait-il lors de la campagne électorale d'octobre, «et je m'inquiète du fait que nous puissions surengager nos militaires dans le monde». L'adhérence de Bush à une doctrine non interventioniste a été confirmée par le choix de son Secrétaire d'Etat républicain : le Général Powell, d'origine jamaïquaine, a été douze ans commandant des forces armées et est réputé très prudent dans l'envoi de contingents dans les conflits à l'étranger. Récemment, il a surpris en manifestant son intérêt pour l'Afrique. Deux éléments qui laissent supposer que le Général souhaitera renforcer des programmes comme l'African Crisis Response Initiative (ACRI).

Tisser des liens militaires et économiques

Créée en juillet 1996, l'ACRI vise à former localement des unités militaires d'intervention rapide. Semblable au RECAMP français- renforcement des capacités africaines de maintien de la paix - elle a jusqu'à ce jour fourni un entrainement à 6 000 soldats au Sénégal, en Ouganda, au Malawi, au Mali, au Ghana, au Bénin et en Côte d'Ivoire. Pour 2002, il est prévu que ce chiffre passe à 12 000. Selon l'organisation privée Brookings Institution, Bush devrait énormément renforcer l'ACRI dont Powell prendra la tête. Pour ce faire, une augmentation de ses crédits sera nécessaire car l'Initiative ne reçoit que 20 millions de dollars par an en moyenne. Etant donné qu'il a établi, au cours de sa carrière, d'étroites relations avec le Congrès américain, Powell pourrait obtenir plus aisément les ressources financières qui semblent avoir manqué à l'Administration précédente dans ses actions pour l'Afrique.

Intérêt national rime souvent avec intérêt économique. La récente décision de Bush de nommer des experts économiques au Conseil national de sécurité pour combiner politique étrangère et objectifs économiques le confirme. Et si l'on parle par exemple de pétrole, les 5ème et 8ème fournisseurs américains sont le Nigéria et l'Angola. N'oublions pas d'ailleurs que la fortune de la dynastie Bush provient essentiellement de l'industrie pétrolière.

Du point de vue des intérêts nationaux, la Présidence Bush aura donc plusieurs raisons de ne pas tourner le dos à l'Afrique. Cependant, au-delà de considérations militaire et économique, on se garde bien de faire mention de politiques favorisant l'aide au développement. Edouard Bustin, Professeur de Sciences politiques pour l'Afrique à l'Université de Boston, estime qu'«au sein des priorités de la politique étrangère générale américaine, l'Afrique reste malgré tout une région marginale dont il ne semble pas encore important de s'occuper».



par A New York, Céline  Curiol

Article publié le 17/01/2001