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Ligue arabe

Un sommet sous le signe de la modération

Tunis: salle des conférences du sommet de la Ligue arabe. 

		(Photo: AFP)
Tunis: salle des conférences du sommet de la Ligue arabe.
(Photo: AFP)
Le sommet de la Ligue arabe, reporté une première fois à la fin du mois de mars en raison de «désaccords» sur le thème de la démocratisation, a finalement eu lieu comme prévu à Tunis les 22 et 23 mai. Il a réuni un nombre record de chefs d’Etat et de monarques. Treize d’entre eux, sur un total de vingt-deux membres que regroupe l’organisation panarabe, étaient présents. Ils se sont engagés à poursuivre les réformes politiques dans la région mais ont tenu à souligner la spécificité des pays arabes. Ils ont aussi, pour la première fois, dénoncé les opérations contre les civils israéliens.

Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, qui avait fait le déplacement à Tunis, a provoqué un coup d’éclat dès la séance d’ouverture du sommet de la Ligue arabe. Traditionnellement critique vis à vis de cette organisation, il a déclaré qu’il quittait le sommet en raison de son désaccord avec l’ordre du jour retenu. L’allusion à peine voilée du secrétaire général de la Ligue Amr Moussa, dans son discours d’ouverture, concernant les «voix» qui accusent la Ligue d’être responsable de «tous les maux des Arabes», a selon les observateurs, contribué à déclencher l’ire du dirigeant libyen qui est sorti de la salle. Mouammar Kadhafi est un habitué des provocations. Il a affirmé qu’il était venu à Tunis uniquement pour faire plaisir au président tunisien Ben Ali et que la Libye était pour «l’ordre du jour des peuples arabes». Autrement dit, pas pour celui de leurs dirigeants qui ont mis cette réunion sous le signe de la modération.

Dans un contexte régional marqué par l’intervention israélienne à Rafah qui a déjà fait une quarantaine de morts et la détérioration de la situation en Irak, les représentants des Etats arabes ont dû se livrer à un exercice délicat entre condamnation et proposition. D’autant que les positions sont traditionnellement difficiles à concilier, notamment sur le sujet sensible des «réformes» politiques au Moyen-Orient. C’est d’ailleurs à cause des dissensions sur cette question que le sommet, qui devait avoir lieu au mois de mars, a été reporté au dernier moment par la Tunisie. Dans le texte adopté aujourd’hui à Tunis, les dirigeants arabes affirment leur détermination «à poursuivre et à intensifier le processus de réformes politiques, économiques, sociales, éducationnelles conformément au libre choix des sociétés arabes». Le document engage aussi les pays à suivre les principes de «bonne gouvernance» et à «lutter contre le terrorisme». Si ces déclarations de principe, dont certains pensent qu’elles resteront lettre morte, vont dans le sens de la démocratisation, prônée par les Américains, les Etats présents ont cependant tenu à souligner que «les reformes sont le fait du monde arabe». Une manière de répondre au projet de «Grand Moyen-Orient» du président américain George W. Bush en affirmant que les pays arabes ont des «caractéristiques propres» qui ne sont pas celles de pays comme l’Afghanistan ou l’Iran, englobés dans le plan des Etats-Unis et que les réformes doivent donc se faire «en accord avec les valeurs culturelles et religieuses» de chacun.

Dénonciation des opérations contre les civils

Les dirigeants arabes ont aussi paraphé un document sur la restructuration de la Ligue. La proposition de l’Egypte, soutenue par la Jordanie, d’ajouter un paragraphe concernant «la disposition des Arabes à dialoguer avec les parties internationales sur le texte des réformes adopté par le sommet, à travers les institutions de la Ligue» a provoqué quelques réserves. Cette suggestion visait à permettre aux pays arabes participant au G8, le 10 juin prochain, (Bahreïn, Yemen, Egypte, Jordanie, Arabie Saoudite, Algérie) de parler au nom de tous plutôt qu’à titre individuel. Elle n’a pas été retenue in extenso mais les Etats ont néanmoins abordé, selon Amr Moussa, la question de «l’action arabe commune».

Concernant le conflit israélo-palestinien, l’un des principaux sujets à l’ordre du jour, les participants au sommet ont adopté une résolution indépendante de la déclaration finale sur l’opération israélienne de Rafah, dans laquelle ils dénoncent la démolition des maisons palestiniennes et expriment leur «entière solidarité avec le peuple palestinien». Le texte final dénonce, d’autre part, pour la première fois, les opérations contre des civils «sans discrimination», et ne fait donc pas de différences entre les victimes civiles palestiniennes et israéliennes dans le conflit actuel. Cette mention, qui est sans précédent dans les résolutions de sommets arabes, n’a pas été adoptée sans un certain nombre de réticences. Le Liban a notamment fait une proposition contradictoire qui préconisait «la condamnation de toutes les opérations militaires israéliennes dans les territoires palestiniens et arabes qui visent les civils et provoquent des ripostes».

La Ligue arabe a aussi fait part de sa préoccupation face à la situation en Irak et a souligné «le rôle central» que doit jouer l’Organisation des Nations unies pour permettre le transfert du pouvoir au peuple irakien et mettre fin à l’occupation du pays. Mais surtout les dirigeants ont marqué leur désapprobation face aux sévices perpétrés sur les prisonniers irakiens par les soldats américains dans la prison d’Abou Ghraib et ont réclamé que «les auteurs de ces crimes et ceux qui en sont responsables comparaissent en justice».



par Valérie  Gas

Article publié le 23/05/2004 Dernière mise à jour le 23/05/2004 à 14:48 TU

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Maya Siblini: le sommet de la Ligue arabe

Journaliste à RFI

«Le colonel Kadhafi a justifié son retrait du sommet de la Ligue arabe par un désaccord sur l'ordre du jour...»

[23/05/2004]

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