Proche-Orient
La Tunisie annule le sommet arabe
Les chefs d’Etat arabes qui devaient se réunir lundi et mardi à Tunis auraient dû, d’autre part, tenter d’apporter une réponse commune au rouleau compresseur américain qui veut imposer des réformes politiques, économiques et sociales rapides dans le monde arabe. L’initiative du «grand Moyen-Orient», esquissée il y a quelques semaines par l’administration Bush qui doit la présenter officiellement en juin lors du sommet du G8, avait en effet provoqué la colère de nombreux pays arabes. L’Egypte, appuyée par l’Arabie saoudite, avait pris la tête de la fronde contre ce que le président Moubarak avait qualifié de «recettes toutes faites» qui risquent de conduire la région «au chaos», comme c’est déjà le cas en Irak. Le sommet de Tunis devait donc être l’occasion pour des pays préoccupés par la survie de leur régime d’adopter une position commune qui n’exclut pas l’introduction de réformes mais plaide plutôt pour un changement progressif qui respecte «les traditions et les spécificités» des Etats de la région.
Un «sommet syrien»
Cette volonté d’unifier les rangs face à ce qui est perçu comme une ingérence américaine a toutefois volé en éclats avec la liquidation du chef spirituel du Hamas. En assassinant cheikh Ahmed Yassine, Israël a en effet remis au centre des préoccupations arabes le dossier palestinien. Les pays de la région, soumis à une forte pression de leur population –des manifestations se sont multipliées dans plusieurs pays pour réclamer une réaction énergique–, pouvaient difficilement faire passer leurs propres inquiétudes avant la colère et l’indignation de la rue arabe. Dans ce contexte, la rencontre de Tunis devrait conforter la position de pays comme la Syrie qui au lendemain de l’élimination du leader du Hamas avait réclamé que «l’ordre des priorités du sommet arabe soit modifié». Damas était en effet violemment opposé à ce que la question des réformes et à travers elle l’initiative du «grand Moyen-Orient» soient abordées à Tunis. Le régime de Bachar al-Assad estime en effet que la priorité doit être donnée au conflit israélo-arabe et que la fin de l’occupation des territoires palestiniens doit être un prélude à toute discussion sur des réformes éventuelles.
L’absence à Tunis du prince héritier saoudien, Abdallah ben Abdelaziz, favorable à une position unifiée des Etats arabes face au projet américain du «grand Moyen-Orient», semble à ce titre consacrer la position syrienne. Et le climat houleux qui prévalait vendredi lors des réunions préparatoires à la rencontre de lundi reflétait largement l’intransigeance de Damas. Les divergences étaient d’ailleurs telles que l’éventualité d’un report était l’objet d’une rumeur insistante dès vendredi. Le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa a dû démentir l’information tandis que le ministre tunisien des Affaires étrangères Habib Ben Yahia demandait à la presse de cesser de prédire l'échec du sommet. «Soyons optimistes, ce sommet sera un tournant qualitatif dans l'action arabe», a-t-il tenté de faire valoir.
Mais ce dimanche, il a dû faire volte-face alors que son gouvernement confirmait par ses actions la rumeur.
par Mounia Daoudi
Article publié le 28/03/2004 Dernière mise à jour le 29/03/2004 à 14:54 TU