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Proche-Orient

La Tunisie annule le sommet arabe

La Tunisie, qui devait accueillir à partir de lundi le sommet de la Ligue arabe, a annoncé ce dimanche le report sine die de cette réunion qui devait être consacrée aux réformes de la Ligue arabe et au projet américain de «grand Moyen-Orient». Le ministre syrien des Affaires étrangères, Farouk al-Chareh, a regretté ce report, tout comme le secrétaire général de la Ligue, Amr Moussa, qui craint que ce report n’ait des «conséquences dangereuses».
Avant même l’annulation du sommet de Tunis, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, avait de quoi être dépité. Son projet de réforme de l’organisation pan-arabe, mis en place après des mois de travaux et de difficiles tractations avec les vingt-deux pays membres de l’institution, avait été renvoyé au sommet d’Alger de 2005. Ce projet prévoyait notamment une réforme du droit de vote au sein de la Ligue en instaurant trois catégories de scrutin; à la majorité simple pour les questions simples, à la majorité des deux tiers pour les questions plus importantes et à l’unanimité pour les questions stratégiques. Il proposait également la création d’un Parlement arabe, d’un Conseil national arabe de sécurité, d’une Banque arabe d’investissement ainsi qu’une Cour de justice arabe. Des sanctions étaient aussi envisagées contre les pays membres qui ne respecteraient pas les résolutions des sommets arabes. Bref, des réformes structurelles ambitieuses qui ne sont désormais plus à l’ordre du jour. En début de semaine, le conseil de la Ligue arabe a en effet «fortement recommandé» le renvoi du projet au sommet qui aura lieu l’année prochaine dans la capitale algérienne.

Les chefs d’Etat arabes qui devaient se réunir lundi et mardi à Tunis auraient dû, d’autre part, tenter d’apporter une réponse commune au rouleau compresseur américain qui veut imposer des réformes politiques, économiques et sociales rapides dans le monde arabe. L’initiative du «grand Moyen-Orient», esquissée il y a quelques semaines par l’administration Bush qui doit la présenter officiellement en juin lors du sommet du G8, avait en effet provoqué la colère de nombreux pays arabes. L’Egypte, appuyée par l’Arabie saoudite, avait pris la tête de la fronde contre ce que le président Moubarak avait qualifié de «recettes toutes faites» qui risquent de conduire la région «au chaos», comme c’est déjà le cas en Irak. Le sommet de Tunis devait donc être l’occasion pour des pays préoccupés par la survie de leur régime d’adopter une position commune qui n’exclut pas l’introduction de réformes mais plaide plutôt pour un changement progressif qui respecte «les traditions et les spécificités» des Etats de la région.

Un «sommet syrien»

Cette volonté d’unifier les rangs face à ce qui est perçu comme une ingérence américaine a toutefois volé en éclats avec la liquidation du chef spirituel du Hamas. En assassinant cheikh Ahmed Yassine, Israël a en effet remis au centre des préoccupations arabes le dossier palestinien. Les pays de la région, soumis à une forte pression de leur population –des manifestations se sont multipliées dans plusieurs pays pour réclamer une réaction énergique–, pouvaient difficilement faire passer leurs propres inquiétudes avant la colère et l’indignation de la rue arabe. Dans ce contexte, la rencontre de Tunis devrait conforter la position de pays comme la Syrie qui au lendemain de l’élimination du leader du Hamas avait réclamé que «l’ordre des priorités du sommet arabe soit modifié». Damas était en effet violemment opposé à ce que la question des réformes et à travers elle l’initiative du «grand Moyen-Orient» soient abordées à Tunis. Le régime de Bachar al-Assad estime en effet que la priorité doit être donnée au conflit israélo-arabe et que la fin de l’occupation des territoires palestiniens doit être un prélude à toute discussion sur des réformes éventuelles.

L’absence à Tunis du prince héritier saoudien, Abdallah ben Abdelaziz, favorable à une position unifiée des Etats arabes face au projet américain du «grand Moyen-Orient», semble à ce titre consacrer la position syrienne. Et le climat houleux qui prévalait vendredi lors des réunions préparatoires à la rencontre de lundi reflétait largement l’intransigeance de Damas. Les divergences étaient d’ailleurs telles que l’éventualité d’un report était l’objet d’une rumeur insistante dès vendredi. Le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa a dû démentir l’information tandis que le ministre tunisien des Affaires étrangères Habib Ben Yahia demandait à la presse de cesser de prédire l'échec du sommet. «Soyons optimistes, ce sommet sera un tournant qualitatif dans l'action arabe», a-t-il tenté de faire valoir.

Mais ce dimanche, il a dû faire volte-face alors que son gouvernement confirmait par ses actions la rumeur.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 28/03/2004 Dernière mise à jour le 29/03/2004 à 14:54 TU

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