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Proche-Orient

Abbas met les députés palestiniens au pied du mur

Aucun vote n’est prévu ce jeudi lors de la réunion du Conseil législatif palestinien. Les députés sont officiellement réunis pour étudier le bilan des 100 premiers jours du mandat du gouvernement de Mahmoud Abbas mais officieusement ils savent qu’ils devront arbitrer le conflit qui empoisonne les relations entre le président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat et son Premier ministre. D’ailleurs, d’entrée de jeu, ce dernier les a mis au pied du mur en les exhortant soit à lui apporter «un soutien important», soit à le démettre de ses fonctions.
Chahuté à son arrivée au Conseil législatif palestinien par plusieurs dizaines de partisans de Yasser Arafat, le Premier ministre Mahmoud Abbas est resté impassible et c’est un discours ferme et équilibré qu’il a présenté aux députés réunis pour étudier le bilan des 100 premiers jours de son gouvernement. Offensif, il a en effet placé les parlementaires palestiniens devant un choix simple: «Soit vous m’apportez un soutien important pour que j’accomplisse mon mandat, soit vous me démettez de mes fonctions», leur a-t-il lancé. Mahmoud Abbas n’a d’ailleurs pas fait mystère du conflit qui l’oppose depuis plusieurs semaines à Yasser Arafat. «Je ne nie pas l’existence de problèmes dans nos relations administratives entre le gouvernement et la présidence», a-t-il déclaré en soulignant qu’il était important de «s’attaquer au fond du problème».

Dans un savant jeu d’équilibres, le Premier ministre a aussitôt rappelé que Yasser Arafat était «le président constitutionnel et légitime» des Palestiniens et leur «leader historique». Il s’en est violemment pris à la politique américaine visant à écarter ce dernier de toutes négociations sur l’avenir d’un Etat palestinien. La position de Washington, inspirée de celle d’Israël, est «totalement rejetée par la communauté internationale», a-t-il rappelé. «Nous demandons que les Etats-Unis changent cette position car elle a un impact négatif pour le travail de notre gouvernement», a en outre justifié Mahmoud Abbas.

Concernant la feuille de route, le Premier ministre a abondé, avec toutefois un bémol, dans le sens de Yasser Arafat qui, la veille, a accusé Israël d’avoir «tué par son agression militaire» ce plan de paix du quartette qui prévoit la création d’un Etat palestinien à l’horizon 2005. «Ils ont détruit la trêve», a ainsi déclaré Mahmoud Abbas en parlant du gouvernement Sharon tout en assurant que son cabinet chercherait à rétablir le calme et un climat favorable à la poursuite des négociations de paix et à la reprise de «la voie politique». Selon lui en effet, l’Etat hébreu porte l’entière responsabilité de la dégradation de la situation et si la trêve dans les attentats anti-israéliens s’est effondrée au bout de sept semaines, c’est en raison de l’assassinat des activistes palestiniens et l’acharnement d’Israël à construire «un mur raciste». «Je ne crois pas qu’il y ait quiconque dans le monde qui ne partage pas mon opinion», a-t-il conclu. Le gouvernement Sharon impute pour sa part l’échec du cessez-le-feu à un attentat suicide qui le 19 août dernier a coûté la vie à 21 passagers d’un autobus.

Pas de recours à la force contre les radicaux palestiniens

Soucieux de ménager le peu de popularité dont il jouit chez ses compatriotes, Mahmoud Abbas a tenu à prendre ses distances avec les demandes insistantes de l’administration américaine et du gouvernement Sharon de démanteler les groupes radicaux palestiniens. «Nous ne traitons pas l’opposition avec des méthodes policières mais par le dialogue», a-t-il affirmé. «Nous leur avons envoyé des ministres, des députés, des personnalités pour expliquer à quoi nous nous exposons si nous ne faisons pas le bon calcul. Ils ont écouté et coopéré», a-t-il ajouté, en faisant directement référence au Hamas et au Jihad islamique.

Le discours de Mahmoud Abbas, tout équilibré qu’il soit, n’a pas empêché le dépôt au Parlement d’une motion de censure à son encontre. Alors que plusieurs députés affirmaient encore hier qu’un vote sanctionnant le travail du gouvernement n’avait que très peu de chances d’avoir lieu –de nombreuses personnes tentant de désamorcer la crise entre le président Arafat et son Premier ministre–, 18 parlementaires sur les 185 que comptent le Conseil législatif palestinien ont décidé de passer à l’offensive quelques minutes à peine après le discours de Mahmoud Abbas en déposant une motion de censure. Le chef du gouvernement palestinien a contre-attaqué en s’engageant à discuter à huis-clos ce samedi au parlement du conflit de pouvoir qui l’oppose au président Arafat. Une proposition qui a reçu le soutien de 49 députés alors que dix se sont prononcés contre, critiquant vivement le procédé. «Pourquoi devrions-nous tenir une telle session, alors que tous les Palestiniens sont au courant du conflit qui dresse Arafat contre Mahmoud Abbas», s’est ainsi interrogé Marwan Kanafani, un membre du Fatah.

La rivalité entre les deux hommes n’est plus un secret pour personne au point où le président du Conseil législatif palestinien, Ahmed Koreh (Abou Alaa), n’hésite plus à déclarer qu'«ils se haïssent». Le conflit qui les oppose s’est cristallisé autour du contrôle des services de sécurité palestiniens. En tant que détenteur du portefeuille de l’Intérieur, Mahmoud Abbas ne contrôle en effet que la police, la défense civile et la sécurité préventive. La Force de sécurité nationale qui compte entre 35 000 à 40 000 hommes échappe entièrement à son contrôle et reste totalement aux ordres de Yasser Arafat.

A écouter également :

Albert Agazarian, universitaire palestinien. Il est un des 200 signataires de l'appel pour une entente entre Yasser Arafat et Mahmoud Abbas. Il répond aux questions de Pierre Ganz.
05/09/2003, 7'56"



par Mounia  Daoudi

Article publié le 04/09/2003