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Proche-Orient

Le Hamas décrète la fin de la trêve

La riposte à l’attentat qui a ensanglanté mardi Jérusalem, tuant 20 personnes et en blessant une centaine, a été déclenchée dans la nuit de mercredi à jeudi. L’armée israélienne a dans un premier temps mené des incursions dans trois villes de Cisjordanie, Naplouse, Tulkarem et Jénine, qui ont coûté la vie à deux adolescents palestiniens. Une quinzaine de chars israéliens se sont en outre positionnés au nord de Ramallah dont toutes les routes d’accès ont été fermées. Mais cette riposte, mesurée dans un premier temps, a pris une autre dimension avec la reprise des attaques ciblées et la mort d’un des hauts responsables du Hamas. Le mouvement radical a aussitôt annoncé la fin de la trêve. Une annonce jugée «ridicule» par les autorités israéliennes pour qui le cessez-le-feu avait déjà été rompu 48 heures auparavant.
Après quelques semaines de relative accalmie, le cycle de la violence a désormais repris son cours au Proche-Orient. L’attaque suicide mardi soir contre un bus à Jérusalem avait d’ailleurs déjà sonné le glas pour la trêve, décrétée le 29 juin dernier par les groupes palestiniens. En riposte à cet attentat, l’armée israélienne a donc mené jeudi un raid aérien meurtrier à Gaza. Des hélicptères de combat ont tiré des missiles sur une voiture à bord de laquelle se trouvaient un haut responsable du Hamas, Ismaïl Abou Chanab, et ses deux gardes du corps. Les trois hommes ont été tués sur le coup. Quatorze personnes ont également été blessées durant cette attaque, dont quatre grièvement. Le cabinet de sécurité israélien avait autorisé la veille, à l’issue d’une réunion qui a duré plus de trois heures, l’armée à agir contre les activistes du Hamas et du Jihad islamique, et donc à reprendre ses attaques ciblées.

Dès l’annonce de la mort d’Abou Chanab, un porte-parole de son mouvement a annoncé la fin du cessez-le-feu. «Son assassinat signifie que l’ennemi sioniste a tué la trêve et le Hamas tient l’ennemi sioniste pour pleinement responsable des conséquences de son crime», a-t-il affirmé. Un haut responsable israélien a aussitôt qualifié cette annonce de «ridicule», relevant notamment qu’elle intervenait deux jours à peine après une attaque suicide sanglante. «Cette annonce est ridicule venant de la part d’un mouvement qui a revendiqué ce terrible attentat après avoir tenté d’en commettre une série d’autres ces deux dernières semaines», a ainsi souligné le directeur adjoint du ministère des Affaires étrangères, Gidéon Meir. Selon lui, le gouvernement d’Ariel Sharon était «convaincu dès l’annonce de la trêve, qu’il s’agissait d’une bombe retardement». Les autorités israéliennes ont en effet très vite considéré que le cessez-le-feu décrété par les groupes radicaux palestiniens n’étaient en fait qu’un leurre destiné à leur permettre de reconstituer leurs forces mises à mal par quasiment trois ans d’Intifada.

Mahmoud Abbas de plus en plus isolé

L’attentat de Jérusalem, qu’il a appris alors qu’il tentait de négocier une prolongation de la trêve avec les groupes radicaux, a considérablement affaibli politiquement le Premier ministre palestinien. Mahmoud Abbas, qui a aussitôt annoncé une suspension des contacts avec le Hamas et le Jihad islamique, s’est certes engagé à arrêter les responsables qui ont planifié et commandité cette attaque suicide. Mais les autorités israéliennes exigent bien plus de lui avec notamment le démantèlement des mouvements radicaux. A l’issue d’une réunion d’urgence convoqué mercredi par le Premier ministre palestinien, un de ses proches a assuré, sous couvert de l’anonymat, que les choses allaient très vite changer. «Mahmoud Abbas, a-t-il affirmé, va présenter à Arafat et à la direction palestinienne quatre exigences. Et s’il n’obtient pas ce qu’il désire, le gouvernement démissionnera». Parmi ces exigences, la plus importante consistait à obtenir l’accord écrit du président de l’Autorité palestinienne à soutenir l’action de son gouvernement contre le Hamas et le Jihad islamique.

Mais Mahmoud Abbas, qui s’est entretenu quatre heures durant avec Yasser Arafat, n’a pas su convaincre le vieux leader, reclus dans son quartier général de Ramallah depuis un an et demi. Un communiqué, publié dans la nuit de mercredi à jeudi, a certes annoncé que «les forces de sécurité palestiniennes doivent commencer immédiatement à mettre en vigueur les décisions de la direction palestinienne et du gouvernement concernant leurs engagements par rapport à la feuille de route». La direction a également appelé les groupes à «se soumettre à une seule autorité et à respecter les lois» et les actions du gouvernement «y compris la confiscation de toutes les armes». En revanche, le texte ne fait nulle part mention d’une éventuelle répression des deux groupes radicaux que sont le Hamas et le Jihad islamique.

Après l’attaque ciblée contre Ismaïl Abou Chanab, Mahmoud Abbas aura désormais encore plus de mal à convaincre les Palestiniens, auprès de qui il n’est pas très populaire, du bien fondé de sa position. Il a d’ailleurs changé de ton qualifiant de «crime odieux» l’élimination du leader du Hamas. «C’est un crime odieux qui sape nos plans d’action contre les activistes palestiniens», a-t-il brièvement déclaré.

Mahmoud Abbas politiquement affaibli, les groupes radicaux déterminés à reprendre les armes et Israël résolu à combattre le terrorisme palestinien, l’espoir suscité par le sommet d’Aqaba semble désormais bien loin. Le cycle de la violence a repris ses droits.

Ecouter également:
L'analyse d'Alain Gresh, rédacteur en chef du Monde diplomatique, et spécialiste du Proche-Orient.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 21/08/2003