Proche-Orient
La feuille de route dans l'impasse
L’espoir d’une relance du processus de paix, né lors du sommet d’Aqaba parrainé le 4 juin dernier par le président américain George Bush, semble de nouveau compromis. La situation apparaît une fois encore bloquée, Palestiniens et Israéliens s’accusant mutuellement de ne pas respecter les engagements imposés par la feuille de route, ce plan de paix international qui prévoit la création d’un Etat palestinien d’ici 2005. Signe que la tension est montée d’un cran, le Premier ministre Mahmoud Abbas a annulé une rencontre prévue mercredi avec son homologue israélien, Ariel Sharon.
La situation est telle qu’Israéliens et Palestiniens donnent l’impression de s’attendre à une reprise imminente des violences. Certes la trêve de trois mois dans les attentats anti-israéliens, décrétée le 29 juin par les groupes palestiniens, est toujours officiellement en vigueur mais plusieurs incidents, comme les coups de feu qui ont blessé dimanche une Israélienne et ses trois enfants près de la colonie de Gilo, laissent présager le pire. «La violence est à notre porte», prédit ainsi l’analyste palestinien Mahdi Abdel Hadi qui explique cet état par «la frustration et la colère» des Palestiniens qui ne remarquent aucun progrès sur le terrain. Côté israélien, on s’inquiète également d’une reprise imminente du cycle de violences. Le ministre de la Défense, Shaoul Mofaz, a ainsi ordonné la semaine dernière à l’armée de se préparer à une reprise du «terrorisme». Il a même indiqué que si la trêve était rompue, il fallait s’attendre à une situation «pire que celle qui prévalait avant le sommet d’Aqaba».
Ces nouvelles tensions s’expliquent largement par l’impasse dans laquelle se trouve la feuille de route depuis la visite la semaine dernière à Washington du Premier ministre israélien. Soucieux d’échapper aux pressions de la Maison Blanche qui semble satisfaite d’avoir un interlocuteur en la personne de Mahmoud Abbas, Ariel Sharon avait multiplié les signes de bonne volonté, annonçant notamment la libération de plus de 500 prisonniers, le retrait de deux nouvelles localités palestiniennes ainsi que le démantèlement de plusieurs barrages de l’armée israélienne. Ces mesures visaient avant tout à tempérer les critiques à peine voilées de George Bush qui avait estimé en recevant quelques jours plus tôt le Premier ministre palestinien que le «mur» de sécurité, érigé par l’Etat hébreu en Cisjordanie, «posait un problème».
La rencontre Bush-Sharon s’étant déroulée sous les meilleurs auspices, le chef du gouvernement israélien s’est, semble-t-il, dès son retour, appliqué à revoir les mesures à propos desquelles son cabinet s’était pourtant fortement engagé. Ainsi concernant le dossier des prisonniers, considéré comme primordial par les autorités palestiniennes pour faire respecter la trêve dans les attentats anti-israéliens, l’Etat hébreu n’a finalement accepté de libérer que 342 détenus alors qu’il avait affirmé auparavant s’apprêter à relâcher 540 personnes, dont 120 militants islamistes. Parmi les prisonniers libérés, 183 ont été condamnés par les tribunaux israéliens pour des agressions allant du lancer de pierre à l’appartenance à une organisation terroriste tandis que les 159 autres n’ont toujours pas été jugés. Ces annonces ont été violemment critiquées par les Palestiniens qui les jugent insuffisantes au regard des quelque 6 000 prisonniers dont ils réclament la libération. Selon eux, au moins 31 personnes parmi celles devant être libérées auraient de toute manière fini ce mois-ci de purger leur peine. «Il s’agit d’un subterfuge destiné à tromper le monde», s’est indigné le président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat. «C’est une déception totale, un stratagème», a pour sa part déploré le ministre délégué à la Sécurité intérieure, Mohammed Dahlan, soulignant que «les Israéliens sont en train de compliquer le processus de paix et de frustrer les défenseurs de la paix au sein du camp palestinien».
Le «mur» cristallise les tensions
Les autorités israéliennes, qui s’étaient en outre engagées à se retirer de deux nouvelles localités palestiniennes après celle de Bethléem, ont par ailleurs renoncé à tout nouveau retrait. Prenant le prétexte de l’incident de Gilo, le ministre de la Défense, Shaoul Mofaz, a annoncé qu’il n’y aurait pas de nouvelle libération de prisonniers, ni de nouveau retrait tant que le Premier ministre Mahmoud Abbas ne mettrait pas au pas les militants radicaux palestiniens. Israël exige en effet avant toute concession que les autorités palestiniennes désarment et démantèlent les groupes armés comme le Hamas ou le Jihad islamique. Un risque que ne veut pas courir Mahmoud Abbas qui ne bénéficie que d’une popularité limitée parmi les Palestiniens. Le Premier ministre ne tient pas en outre à courir le danger d’une guerre civile palestinienne pour satisfaire les autorités israéliennes qu’il estime faire le minimum pour la paix.
Les Palestiniens ont en effet une nouvelle fois accusé l’Etat hébreu de ne rien faire pour l’arrêt des colonisations. Le nombre de colonies sauvages installées dans les territoires réoccupés depuis mars 2001, et dont la feuille de route exige le démantèlement, n’a pratiquement pas varié. Une dizaine ont certes été évacuées par l’armée israélienne avant d’être aussitôt reconstruites. Plus grave, l’administration israélienne a lancé, au lendemain du retour d’Ariel Sharon de Washington, un appel d’offres pour la construction de 22 logements dans une colonie de la bande de Gaza alors que le plan de paix oblige Israël à «geler toutes les activités de colonisation», y compris celle correspondant à la «croissance naturelle» de la population.
Enfin dernier point de litige et non des moindres, le «mur» de sécurité érigé par l’Etat hébreu en Cisjordanie pour officiellement empêcher l’infiltration des activistes palestiniens en territoire israélien. Le gouvernement de Mahmoud Abbas estime à l’opposé que la construction de ce rempart est un moyen pour les Israéliens de s’approprier des terres avant que ne soient fixées les frontières qui doivent accompagner la création d’un Etat palestinien. George Bush avait certes reconnu que son édification posait «un problème» mais n’avait pas cru bon faire ouvertement pression sur Ariel Sharon durant sa visite aux Etats-Unis. Aujourd’hui, face à l’impasse dans laquelle se trouve le processus de paix, Washington ne cache plus son agacement. Le secrétaire d’Etat Colin Powell a en effet affirmé que la poursuite de la construction de cet édifice «risquait de bloquer l’application de la feuille de route». C'est la première fois qu'un responsable américain de ce rang critique publiquement et aussi sévèrement la construction de cette ligne. «Le président Bush est préoccupé à ce sujet car la clôture crée un fait accompli irréversible en traçant la frontière d'un Etat palestinien», a-t-il souligné.
Le sujet est à ce point jugé préoccupant à Washington que, selon un haut responsable américain, les Etats-Unis réfléchiraient à la possibilité d’imposer des mesures de rétorsion à l'égard d'Israël, une première. Un plan serait en cours d’étude pour geler des prêts américains à hauteur du montant que l’Etat hébreu dépense à l’est de la frontière de 1967 entre Israël et la Cisjordanie.
Ces nouvelles tensions s’expliquent largement par l’impasse dans laquelle se trouve la feuille de route depuis la visite la semaine dernière à Washington du Premier ministre israélien. Soucieux d’échapper aux pressions de la Maison Blanche qui semble satisfaite d’avoir un interlocuteur en la personne de Mahmoud Abbas, Ariel Sharon avait multiplié les signes de bonne volonté, annonçant notamment la libération de plus de 500 prisonniers, le retrait de deux nouvelles localités palestiniennes ainsi que le démantèlement de plusieurs barrages de l’armée israélienne. Ces mesures visaient avant tout à tempérer les critiques à peine voilées de George Bush qui avait estimé en recevant quelques jours plus tôt le Premier ministre palestinien que le «mur» de sécurité, érigé par l’Etat hébreu en Cisjordanie, «posait un problème».
La rencontre Bush-Sharon s’étant déroulée sous les meilleurs auspices, le chef du gouvernement israélien s’est, semble-t-il, dès son retour, appliqué à revoir les mesures à propos desquelles son cabinet s’était pourtant fortement engagé. Ainsi concernant le dossier des prisonniers, considéré comme primordial par les autorités palestiniennes pour faire respecter la trêve dans les attentats anti-israéliens, l’Etat hébreu n’a finalement accepté de libérer que 342 détenus alors qu’il avait affirmé auparavant s’apprêter à relâcher 540 personnes, dont 120 militants islamistes. Parmi les prisonniers libérés, 183 ont été condamnés par les tribunaux israéliens pour des agressions allant du lancer de pierre à l’appartenance à une organisation terroriste tandis que les 159 autres n’ont toujours pas été jugés. Ces annonces ont été violemment critiquées par les Palestiniens qui les jugent insuffisantes au regard des quelque 6 000 prisonniers dont ils réclament la libération. Selon eux, au moins 31 personnes parmi celles devant être libérées auraient de toute manière fini ce mois-ci de purger leur peine. «Il s’agit d’un subterfuge destiné à tromper le monde», s’est indigné le président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat. «C’est une déception totale, un stratagème», a pour sa part déploré le ministre délégué à la Sécurité intérieure, Mohammed Dahlan, soulignant que «les Israéliens sont en train de compliquer le processus de paix et de frustrer les défenseurs de la paix au sein du camp palestinien».
Le «mur» cristallise les tensions
Les autorités israéliennes, qui s’étaient en outre engagées à se retirer de deux nouvelles localités palestiniennes après celle de Bethléem, ont par ailleurs renoncé à tout nouveau retrait. Prenant le prétexte de l’incident de Gilo, le ministre de la Défense, Shaoul Mofaz, a annoncé qu’il n’y aurait pas de nouvelle libération de prisonniers, ni de nouveau retrait tant que le Premier ministre Mahmoud Abbas ne mettrait pas au pas les militants radicaux palestiniens. Israël exige en effet avant toute concession que les autorités palestiniennes désarment et démantèlent les groupes armés comme le Hamas ou le Jihad islamique. Un risque que ne veut pas courir Mahmoud Abbas qui ne bénéficie que d’une popularité limitée parmi les Palestiniens. Le Premier ministre ne tient pas en outre à courir le danger d’une guerre civile palestinienne pour satisfaire les autorités israéliennes qu’il estime faire le minimum pour la paix.
Les Palestiniens ont en effet une nouvelle fois accusé l’Etat hébreu de ne rien faire pour l’arrêt des colonisations. Le nombre de colonies sauvages installées dans les territoires réoccupés depuis mars 2001, et dont la feuille de route exige le démantèlement, n’a pratiquement pas varié. Une dizaine ont certes été évacuées par l’armée israélienne avant d’être aussitôt reconstruites. Plus grave, l’administration israélienne a lancé, au lendemain du retour d’Ariel Sharon de Washington, un appel d’offres pour la construction de 22 logements dans une colonie de la bande de Gaza alors que le plan de paix oblige Israël à «geler toutes les activités de colonisation», y compris celle correspondant à la «croissance naturelle» de la population.
Enfin dernier point de litige et non des moindres, le «mur» de sécurité érigé par l’Etat hébreu en Cisjordanie pour officiellement empêcher l’infiltration des activistes palestiniens en territoire israélien. Le gouvernement de Mahmoud Abbas estime à l’opposé que la construction de ce rempart est un moyen pour les Israéliens de s’approprier des terres avant que ne soient fixées les frontières qui doivent accompagner la création d’un Etat palestinien. George Bush avait certes reconnu que son édification posait «un problème» mais n’avait pas cru bon faire ouvertement pression sur Ariel Sharon durant sa visite aux Etats-Unis. Aujourd’hui, face à l’impasse dans laquelle se trouve le processus de paix, Washington ne cache plus son agacement. Le secrétaire d’Etat Colin Powell a en effet affirmé que la poursuite de la construction de cet édifice «risquait de bloquer l’application de la feuille de route». C'est la première fois qu'un responsable américain de ce rang critique publiquement et aussi sévèrement la construction de cette ligne. «Le président Bush est préoccupé à ce sujet car la clôture crée un fait accompli irréversible en traçant la frontière d'un Etat palestinien», a-t-il souligné.
Le sujet est à ce point jugé préoccupant à Washington que, selon un haut responsable américain, les Etats-Unis réfléchiraient à la possibilité d’imposer des mesures de rétorsion à l'égard d'Israël, une première. Un plan serait en cours d’étude pour geler des prêts américains à hauteur du montant que l’Etat hébreu dépense à l’est de la frontière de 1967 entre Israël et la Cisjordanie.
par Mounia Daoudi
Article publié le 05/08/2003 Dernière mise à jour le 03/08/2004 à 14:29 TU