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Proche-Orient

Arafat ne cache plus son hostilité à Mahmoud Abbas

Le Premier ministre palestinien, qui bénéficie d’un large soutien de la part de l’administration Bush soucieuse d’écarter le président de l’autorité palestinienne Yasser Arafat de toute négociation, est aujourd’hui dans une position délicate. Mahmoud Abbas se retrouve en effet coincé entre les groupes armés palestiniens, avec qui il a réussi à négocier une trêve conditionnelle dans les attentats anti-israéliens, Yasser Arafat qui voit en lui un sérieux rival et qui ne ménage plus ses attaques et Ariel Sharon qui traîne à appliquer les accords négociés sous l’égide des Etats-Unis dans le cadre de la feuille de route, ce plan de paix qui prévoit la création d’un Etat palestinien à l’horizon 2005. Mais aussi peu enviable que soit sa position, le chef du gouvernement palestinien a plusieurs cartes en sa possession, qui en font aujourd’hui la personnalité incontournable du processus de paix israélo-palestinien.
Dans la lutte de pouvoir engagé avec le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas sait qu’il peut compter sur le soutien de George Bush, qui pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir s’est personnellement engagé, lors du sommet d’Aqaba en juin dernier, dans le processus de paix israélo-palestinien. Le président américain, confronté à des problèmes sérieux en Irak, a conscience qu’un pôle de stabilité au Proche-Orient est nécessaire pour la politique qu’il a engagé dans la région. Une politique dont dépend largement la réussite de Mahmoud Abbas. Dans ce contexte, la décision de Washington d’octroyer une aide directe à l’Autorité palestinienne traduit la volonté américaine d’intensifier son soutien au gouvernement palestinien qui depuis quelques jours subit des attaques de toutes parts. Cette aide d’un montant de 20 millions de dollars sera utilisée «à des fins humanitaires, pour alléger les souffrances de la population et améliorer l’économie palestinienne» et sera directement gérée par le ministre des Finances Salam Fayyad, un proche de Mahmoud Abbas très apprécié du président Bush.

Cet appel d’air dans l’économie devrait soulager le Premier ministre palestinien qui a essuyé ces derniers jours de violentes critiques de la part de la vieille garde du Fatah restée fidèle à Yasser Arafat. Le chef de l’Autorité palestinienne lui-même n’a pas ménagé ses reproches accusant ouvertement Mahmoud Abbas d’avoir «trahi les intérêts du peuple palestinien». «Il réagit comme un débutant qui ne sait pas quoi faire. Comment fait-il pour se tenir près d’un drapeau israélien et près d’Ariel Sharon et comment fait-il pour se comporter amicalement avec cet homme dont l’histoire est connue de tous ?», a-t-il déclaré, visiblement excédé, à l’envoyé spécial des Nations unies Terje Larsen. Le reproche officiel fait à Mahmoud Abbas est de ne pas se montrer assez ferme avec Israël dans ses négociations sur le retrait de Tsahal des territoires occupés, sur le démantèlement des colonies sauvages ou encore sur la libération des prisonniers palestiniens.

Pression des groupes radicaux

Mais derrière ce reproche se dessine clairement une lutte acharnée pour le pouvoir. Car si Mahmoud Abbas bénéficie du soutien des Américains, Yasser Arafat reste le maître incontesté de l’Autorité palestinienne. Forcé par Washington à nommer un Premier ministre, il n’a jamais abandonné sa mainmise sur la vie publique dans les territoires palestiniens. Selon le quotidien israélien Haaretz, Yasser Arafat aurait ainsi récemment proposé à Jibril Rajoub, qu’il avait pourtant limogé l’année dernière de son poste de chef de la sécurité préventive en Cisjordanie, une nouvelle fonction où il aurait en charge les maires de ce territoire. Or les maires ont depuis peu reçu l’autorisation de donner des ordres aux services de sécurité palestiniens. Si Jibril Rajoub accepte ce poste, il sera en concurrence directe avec le ministre chargé de la sécurité Mahmoud Dahlan, ce qui ne pourrait que gêner Mahmoud Abbas. Yasser Arafat aurait également récemment nommé l’un de ses fidèles en charge des affaires du Fatah en Cisjordanie, Hani al-Hassan, à un poste où selon le quotidien israélien «il pourrait mener la vie dure» au Premier ministre palestinien.

Cette offensive du président Arafat affaiblit considérablement Mahmoud Abbas déjà pris en tenailles entre les mouvements radicaux palestiniens qui attendent de lui qu’il négocie la libération de tous les prisonniers détenus par Israël et le gouvernement d’Ariel Sharon qui fait le moins de concessions possibles et exige au contraire le démantèlement des groupes armés. Le cabinet israélien n’a pour le moment accepté que le principe de la libération de 350 prisonniers alors qu’ils sont quelque 6 000 à être détenus par l’Etat hébreu. Or de l’issue de ce dossier dépend aujourd’hui la trêve dans les attentats anti-israéliens signée par les activistes palestiniens.

Conscients de la gravité de la situation, les Etats-Unis ne ménagent plus leurs pressions sur le gouvernement Sharon. L’émissaire américain dans la région, John Wolf, chargé par le président Bush de veiller à l’application de la feuille de route a ainsi exhorté Israël à accroître «de manière significative» le nombre de prisonniers libérés et surtout à accélérer le démantèlement des colonies sauvages auquel Ariel Sharon s’était engagé. Selon le mouvement «La Paix maintenant», huit colonies ont été démantelées depuis le sommet d’Aqaba mais dix autres ont été reconstruites.



Article publié le 11/07/2003 Dernière mise à jour le 03/08/2004 à 14:31 TU