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Proche-Orient

Duel acharné pour la direction du Likoud

Une bataille impitoyable oppose depuis plusieurs semaines le Premier ministre Ariel Sharon à son ministre des Affaires étrangères Benyamin Netanyahu pour la direction du Likoud.
Les 305 000 membres du Likoud doivent élire jeudi le nouveau chef de file de leur parti qui sera également leur candidat au poste de Premier ministre pour les législatives anticipées de janvier prochain. Deux hommes s’affrontent : l’actuel chef du gouvernement, Ariel Sharon, donné largement vainqueur de ces primaires et son ministre des Affaires étrangères, Benyamin Netanyahu qui n’a pas ménagé ces critiques envers son rival n’hésitant pas à faire de la surenchère à droite. Une stratégie qui ne semble pourtant pas lui réussir.

Sauf coup de théâtre de dernière minute, le nouveau chef du Likoud devrait être l’actuel Premier ministre Ariel Sharon. La cote de popularité de l’homme qui avait pourtant promis la sécurité à Israël ne semble en effet pas entamée malgré la multiplication des attaques suicide sur le sol hébreu. Le bilan économique et social qu’il laisse après vingt mois passés à la tête du gouvernement d’union nationale est par ailleurs des plus mitigés, le pays traversant la pire crise économique de son histoire. Mais il faut croire que la stratégie adoptée par son rival Benyamin Netanyahu, qui a choisi de faire de la surenchère à droite, lui a porté chance. L’enfant terrible du Likoud semble en effet avoir été piégé par le vieux renard de la politique qu’est Ariel Sharon. En lui proposant le poste de chef de la diplomatie, ce dernier lui a certes offert une tribune de premier plan mais il l’a également placé en porte-à-faux car comment faire efficacement campagne contre son rival de Premier ministre quand on a accepté de siéger dans son gouvernement.

«Bibi» a en outre accumulé toute une série d’erreurs tactiques qui ont permis à Ariel Sharon de se construire une image d’homme d’Etat responsable aux prises avec «un trublion démagogue». Dès son arrivée à la tête du ministère des Affaires étrangères, Benyamin Netanyahu s’est en effet attelé à critiquer le bilan économique de son rival. Il a ainsi préconisé des recettes ultra-libérales comme notamment une baisse spectaculaire des impôts pour sortir le pays de la pire crise économique et sociale qu’il ait connue depuis sa création en 1948. Mais réalisant que ce thème n’était pas porteur il a changé son fusil d’épaule pour revenir à des thèmes plus sécuritaires.

Il a notamment promis l’expulsion de Yasser Arafat avec lequel il avait pourtant, lorsqu’il était Premier ministre, signé deux accords. En comparaison, Ariel Sharon s’est lui prononcé contre une telle mesure, arguant qu’elle risquerait de déplaire au grand allié américain avec qui il se flatte d’avoir noué des relations très étroites. Les électeurs du Likoud semblent par ailleurs faire plus confiance au pragmatisme du Premier ministre qui envisage certes la création d’un Etat palestinien mais à long terme et avec une superficie et des prérogatives réduites, alors que son challenger continue lui d’affirmer son opposition à un tel projet.

Concernant enfin l’avenir politique du pays après les élections de janvier que le Likoud a de fortes chances de remporter, les deux hommes ont encore une fois marqué leur différence. Alors qu’Ariel Sharon a promis de tout faire pour former un gouvernement d’union nationale qu’il sait populaire auprès des Israéliens, son rival s’est lui prononcé contre toute cohabitation avec les travaillistes.

Deux hommes que tout oppose

Tous ces désaccords n’ont toutefois pas empêché les deux candidats au poste de chef du Likoud d’échanger des compliments, chacun offrant au perdant le poste de ministre des Affaires étrangères dans le prochain gouvernement. Mais personne n’est dupe car la rivalité des deux hommes en est presque caricaturale. Difficile d’imaginer en effet deux personnalités plus différentes que celles de l’actuel Premier ministre et de son chef de la diplomatie. Pour Benyamin Netanyahou, Ariel Sharon représente l’homme du passé, le pionnier qui a certes aidé à la construction d’Israël mais qui n’a plus sa place à une époque où le pays est tourné vers son développement. Le plus jeune Premier ministre d’Israël –il avait 47 ans en 1996– est par ailleurs un pur produit de l’élite ashkénaze qui a passé toute sa jeunesse aux Etats-Unis où il a acquis une parfaite maîtrise de l’anglais et une grande aisance avec les médias, contrairement à son rival qui s’est engagé à l’âge de dix-sept ans dans l’armée avant d’en grimper tous les échelons jusqu’au grade de général..

Ariel Sharon exècre quant à lui chez son challenger son opportunisme, estimant qu’il incarne la politique sans les convictions. Il n’éprouve en outre que mépris pour un homme qui passé toute sa jeunesse à l’étranger et qui a même envisagé de changer son nom pour vivre dans un autre pays qu’Israël. Il n’a de plus que faire de son aisance face aux médias, lui dont la politique de communication s’est réduite au strict nécessaire durant ces vingt mois passés à la tête du gouvernement. Il a d’ailleurs prétexté une surcharge de travail pour écarter un duel télévisé avec un homme qu’il sait rompu à l’art du débat politique. Ariel Sharon sait enfin que ces primaires représentent sa dernière chance de diriger encore une fois le pays puisqu’il vient de fêter ses 74 ans.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 27/11/2002