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Proche-Orient

La campagne pour les primaires bat son plein

La droite israélienne étant assurée de remporter les législatives anticipées de janvier prochain, la campagne pour les primaires du Likoud mobilise plus l’attention que celle des primaires du Parti travailliste. Selon les derniers sondages en effet, les Israéliens devraient connaître dès le 28 novembre qui de Benyamin Netanyahu ou d’Ariel Sharon sera leur prochain Premier ministre, les travaillistes risquant de subir leur plus cuisante défaite. Si à gauche, les débats sont des plus fades, à droite en revanche les deux rivaux du Likoud se sont engagés dans une bataille impitoyable.
En proposant à Benyamin Netanyahu le poste de ministre des Affaires étrangères, Ariel Sharon espérait sans doute que son grand rival aurait les mains liées par cette nouvelle fonction qui l'obligerait à une solidarité de façade. C’était peine perdue puisque dès sa prise de fonction «Bibi» s’est lancé dans une attaque en règle du bilan du gouvernement d’union nationale, rappelant à qui voulait l’entendre les résultats de sa propre expérience à la tête du pays en 1999. Sa stratégie était donc toute trouvée. Après deux années d’Intifada, une situation socio-économique des plus dramatique et une gauche laminée, il a choisi de faire de la surenchère à droite. Sa première priorité a donc été de rejeter toute idée de création d’un Etat palestinien alors qu’Ariel Sharon s’était lui, à plusieurs reprises, déclaré plutôt favorable à cette hypothèse mais sous certaines conditions. Le Premier ministre avait même approuvé certains principes de «la feuille de route» du quartette (Etats-Unis, Russie, UE et ONU) qui prévoit notamment cette création à l’horizon 2005. Fidèle à sa stratégie, Benyamin Netanyahu s’est donc empressé de riposter en déclarant que ce document n’était pas au programme. Mais c’était sans compter l’expérience du vieux routier de la politique qu’est Ariel Sharon. Ce dernier a en effet aussitôt renchéri en affirmant qu’un Etat palestinien était désormais «un fait accompli» puisque «tous les organes de cet Etat existent». «Il y a un président, un gouvernement et des ministres», a-t-il ajouté. Le Premier ministre est même allé plus loin en soulignant que la véritable réponse à la situation économique d’Israël passait par un accord de paix avec les Palestiniens.

Mais la rivalité entre les deux hommes a connu son point d’orgue avec les déclarations en début de semaine du ministre des Affaires étrangères prônant le bannissement du chef de l’Autorité palestinienne. «La première chose que je ferai en tant que Premier ministre sera d’expulser Yasser Arafat», a notamment affirmé Benyamin Netanyahu, en soulignant que «c’est la condition nécessaire pour éradiquer le terrorisme». Selon lui, cette expulsion «renforcerait l’émergence d’une direction palestinienne alternative qui ne soutiendrait pas le terrorisme». Mais si Ariel Sharon a pu un temps partager cette opinion, il s’est très vite démarqué de son rival en s’appuyant notamment sur l’avis des responsables des services de renseignement qui estiment pour leur part qu’un bannissement du leader palestinien ne garantirait pas une «baisse du terrorisme». «J’ai pris l’engagement auprès des Américains à mon arrivée au pouvoir de ne pas porter atteinte à l’intégrité physique d’Arafat et j’ai l’intention de tenir mes promesses», a d’ailleurs déclaré le Premier ministre qui a également affirmé qu’«il faut agir avec le sens des responsabilités et avec sang-froid».

Une stratégie qui semble ne pas payer

Cette stratégie de la surenchère à droite ne semble toutefois pas bénéficier à Benyamin Netanyahu, les sondages créditant son rival de 8 à 18 points d’avance aux primaires du 28 novembre prochain. Il semblerait en effet que, face aux positions extrêmes de son ministre des Affaires étrangères, Ariel Sharon apparaisse comme un modéré aux yeux des membres du Likoud qui estiment qu’il est sans doute mieux à même de capter les votes d’une partie des électeurs travaillistes déboussolés par deux années d’Intifada. Le radicalisme de Netanyahu semble donc lui avoir porté préjudice, la droite israélienne préférant visiblement l’approche plus nuancée de son rival, qui envisage certes la création d’un Etat palestinien mais à long terme et avec une superficie et des prérogatives réduites. En soulignant de plus que l’émergence d’un tel Etat pourrait améliorer la situation de l’économie israélienne, qui subit la pire récession de son histoire, Ariel Sharon, par son pragmatisme, semble avoir conquis une grande majorité des 305 000 membres du Likoud. Et certains éditorialistes se sont même aventurés à envisager la possibilité de voir Benyamin Netanyahu se retirer de la course.

Si la bataille est impitoyable à droite, les débats au Parti travailliste semblent moins rudes. Il est vrai que les enjeux ne sont pas les mêmes puisque le vainqueur de ces primaires est assuré de n’être que le prochain chef de l’opposition, le Likoud étant parti, selon les derniers sondages, pour doubler le nombre de ses députés à la Knesset. Le grand favori reste «la colombe» Amram Mitzma. Cet ancien général, actuellement maire de Haïfa, est en effet crédité de 45% des voix des quelque 110 000 membres du Parti travailliste. Son rival, l’ancien ministre de la Défense, Benyamin Ben Eliezer, considéré comme «un faucon», n’obtiendrait que 23% des intentions de vote tandis que Haïm Ramon ne bénéficierait lui que de 14% des voix. Mais malgré son faible score, ce dernier a choisi de maintenir sa candidature. Plusieurs responsables du parti qui le soutenaient, tel l’ancien ministre de la Justice Yossi Beilin, figure de proue des «colombes» ou l’ancien ministre des Finances Avraham Shohat, ont d’ores et déjà choisi de se ranger derrière le maire de Haïfa.

La mollesse de la campagne des primaires du Parti travailliste est sans doute également due au fait que les trois candidats défendent des programmes somme toute assez proches. Ils se sont en effet tous prononcés pour une séparation entre Israéliens et Palestiniens, avec ou sans accord politique. Cette prise de position n’est pas pour plaire aux quelque 53% d’Israéliens qui affirment ne pas être prêts à faire des «concessions significatives» aux Palestiniens pour parvenir à la paix.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 14/11/2002