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Proche-Orient

Acculé, Sharon convoque des législatives anticipées

Les élections législatives anticipées se dérouleront le 4 février prochain en Israël, le Premier ministre Ariel Sharon ayant échoué à s’assurer une majorité à la Knesset. Les négociations tous azimuts, qu’il avait engagées depuis la démission mercredi dernier des ministres travaillistes du gouvernement d’union nationale, n’auront finalement pas abouti. Les conditions imposées par les partis d’extrême droite pour leur participation à un cabinet restreint ont en effet été jugées «inacceptables». C’est donc contraint et forcé qu’Ariel Sharon s’est résigné à demander au président Moshé Katzav de dissoudre la Knesset et de convoquer des élections anticipées. Des élections qui pourraient signer la fin de la carrière politique de cet ancien général converti en faucon du Likoud puisqu’il devra affronter son grand rival au sein de la droite, l’ambitieux Benyamin Netanyahu.
«Entraîner le pays dans des élections immédiates serait irresponsable», affirmait encore lundi Ariel Sharon, espérant ainsi opposer son sens des responsabilités devant les urgences économique et sécuritaire auxquelles le pays est confronté aux calculs politiciens de ses rivaux de droite comme de gauche. Mais c’était sans compter le «chantage» des petits partis d’extrême droite qu’il a tenté en vain de courtiser. Ces derniers ont en effet exigé, comme prélude à toute participation à un cabinet restreint, qu’Ariel Sharon dénonce officiellement les accords d’Oslo, qu’il expulse des Territoires le président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, et qu’il écarte enfin l’idée de toute création d’un Etat palestinien. Avigdor Lieberman, le chef de l’Union national qui regroupe trois de ces petits partis avait en effet refusé d’être «la roue de secours» du Premier ministre. «Il n’y a aucune raison qu’on nous trouve fréquentable pour entrer dans un cabinet aujourd’hui alors que le temps est gris et qu’on nous rejette ensuite pour refaire l’union nationale avec les travaillistes comme le souhaite Ariel Sharon», s’était-il également indigné.

Les conditions de l’extrême droite ont bien sûr été catégoriquement rejetées par le Premier ministre qui les a jugé «inacceptables». «Je ne toucherai pas aux ententes stratégiques avec les Etats-Unis pour ne pas compromettre les relations privilégiées que j’ai réussi à lier avec la Maison blanche», a-t-il notamment déclaré. Ariel Sharon, sous l’amical pression de Washington, s’était en effet résigné il y a quelques mois à se prononcer pour la création d’un Etat Palestinien, George Bush ayant pris la décision d’écarter Yasser Arafat de toutes négociations futures. Il est vrai également que dans le contexte d’une guerre contre l’Irak, le Premier ministre israélien avait plutôt intérêt à ménager son allié américain.

Le Premier ministre a par ailleurs dû également affronter un autre «chantage», celui de son grand rival au sein du Likoud, Benyamin Netanyahu. Ce dernier avait certes accepté d’occuper le poste de ministre des Affaires étrangères dans un cabinet restreint mais à la seule condition qu’Ariel Sharon annonce des élections anticipées. Ce «oui mais» était en fait un «non» déguisé, destiné à mettre en difficulté le Premier ministre. Ancien chef du gouvernement entre 1996 et 1999, ce faucon réclame en effet depuis bientôt deux ans des élections anticipées et n’a cessé de faire de la surenchère droitière dans la lutte contre l’Intifada. Aujourd’hui, et après que le président Moshé Katzav a dissous le Parlement, il a enfin accepté sans condition d’être le nouveau chef de la diplomatie du gouvernement intérimaire d’Ariel Sharon. Il est vrai que sa principale exigence venait d’être de fait réalisée.

Une campagne qui s’annonce impitoyable

Fidèle à son image de fonceur, Ariel Sharon, avant même la dissolution de la Knesset, s’en est violemment pris aux travaillistes donnant le ton à une campagne électorale qui s’annonce impitoyable. Il a en effet accusé le parti de l’ancien ministre de la Défense, Benyamin Ben Eliezer, d’avoir mis en avant «des raisons politiques irresponsables» pour démissionner de son gouvernement, provoquant ainsi «un éclatement inutile du cabinet contraire à la volonté du peuple». Les travaillistes avaient pris comme prétexte le vote du budget d’austérité 2003, qui alloue d’importants crédits aux colonies juives de Cisjordanie et de la bande de Gaza, pour quitter les affaires. En fait Benyamin Ben Eliezer, de plus en plus contesté au sein de sa formation politique, doit affronter le 19 novembre prochain les primaires du parti travailliste. Et c’est le soucis de se reconquérir une légitimité qui est en réalité à l’origine de sa démission du gouvernement d’union nationale auquel il avait pourtant activement participé durant vingt mois. Les travaillistes ont d’ailleurs annoncé une campagne sociale, l’amélioration de la situation économique du pays devenant désormais leur cheval de bataille. «Sous notre gouvernement, ont ne prendra pas d’argent aux retraités pour le donner aux colonies, a d’ores et déjà attaqué Benyamin Ben Eliezer. Sous notre gouvernement, il n’y aura pas un demi million d’enfants pauvres».

Mais le Premier ministre ne devrait a priori pas craindre grand chose du côté des travaillistes, tout les sondages donnant le Likoud largement vainqueur lors du prochain scrutin. Il devra en revanche affronter Benyamin Netanyahu lors des primaires du parti qui doivent permettre à ses 300 000 membres de désigner leur prochain chef. S’il perd, à 76 ans Ariel Sharon sait qu’il devra dire adieu à la politique. Et c’est donc un combat sans merci qu’il s’apprête à mener. Son grand rival a d’ailleurs déjà lancé ces derniers mois une vaste campagne de dénigrement à son encontre, l’accusant notamment de faiblesse par rapport aux Palestiniens. Il est également parvenu, contre l’avis d’Ariel Sharon, à faire voter par la convention du Likoud une motion hostile à l’idée même d’un Etat palestinien. Il n’a en outre cessé de prôner l’expulsion de Yasser Arafat vers l’étranger, contestant ainsi systématiquement le Premier ministre sur sa droite.

Les prochaines élections israéliennes risquent donc de ne pas se jouer selon la classique opposition gauche-droite, le parti travailliste étant sorti laminé de vingt mois de cohabitation avec le Likoud. Elles pourraient en revanche bien prendre la forme d’un duel fratricide Sharon-Netanyahu.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 05/11/2002